Introduction

Auteur: Françoise Roques

Planètes

Nous savons maintenant que toute étoile du ciel possède deux planètes en moyenne, et nous sommes à la veille de savoir si ces innombrables systèmes planétaires sont les soeurs, en beauté et en diversité, des planètes du Soleil.

Pour introduire ce voyage parmi les planètes, le premier chapitre nous présente, entre religion, philosophie et sciences, les grandes étapes de la recherche de vie dans l'Univers. Le deuxième chapitre décrit le scénario "standard" de la formation des planètes, "standard" parce que basé sur notre connaissance des seules planètes du Soleil. Un scénario "revisité" sera peut-être à ajouter dans quelques années.


Recherche des mondes extraterrestres

Auteur: Yaèl Nazé, Jean Schneider

Planètes et exoplanètes : Histoire et définitions

1888
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Jusqu'à 1995, les planètes étaient, pour l'Humanité, le propre d'une seule étoile, le Soleil.
Crédit : C. Flammarion, 1888
2011 : Des exoplanètes gazeuses mais aussi telluriques
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En ce début de 21ième siècle, on détecte des planètes dont les propriétés sont proches de celles de la Terre: Sur cette figure, la couleur traduit la température (échelle à droite de la figure). On voit que Kepler-11 b et Corot-7 b, respectivement les croix rouge et orange, sont plus massives et plus chaudes que la Terre mais elles ont des densités semblables à celle de la Terre.
Crédit : d'aprés J. Lissauer, 2011

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Histoire de la pluralité des mondes

Auteur: Yaël Nazé

Débats antiques et religieux

Auteur: Yaël Nazé

L'Autre

Une des plus grandes questions philosophiques tourmentant l’homme depuis des siècles est celle de l’« autre ». Sommes-nous uniques, création esseulée dans l’Univers, ou faisons-nous partie d’une grande communauté cosmique aux mondes innombrables ? La recherche de vie « ailleurs » s’est d’abord limitée à notre planète, les grandes expéditions rapportant la présence de nombreuses « races » aux traits étranges. Toutefois, la problématique ne se limite pas à la seule Terre ; les hommes se sont très tôt interrogés sur la présence de vie au-delà de notre atmosphère... et ce avec des fortunes diverses.

L’idée de pluralité des mondes est aussi ancienne que l’humanité. Elle faisait partie intégrante des mythes et cosmogonies anciens car toutes les tribus primitives peuplèrent le ciel... Il ne s’agit toutefois pas d’un peuple céleste de nature humaine, mais plutôt d’une cohorte divine : le firmament est donc habité, quelle que soit la culture – l’idée actuelle de vie extraterrestre s’éloigne toutefois beaucoup de ces conceptions initiales.


Débats antiques:les atomistes

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Epicure
Crédit : S. Cnudde

La Grèce antique

Comme toujours, c’est la Grèce qui accueille les premiers débats « modernes » sur la pluralité des mondes. La problématique n’est alors pas discutée pour elle-même, mais s’insère dans le contexte plus global d’un courant philosophique complet.

Ainsi, les atomistes considéraient la matière composée d’éléments indivisibles, les « atomes ». Pour eux, c’était bien sûr le cas de la Terre, mais aussi du reste de l’Univers. De plus, notre monde a été créé par la collision fortuite d’atomes – un processus naturel qui peut évidemment se reproduire ailleurs : les mondes sont donc en nombre infini, à l’instar des atomes. Plusieurs philosophes antiques approuvent ces idées pluralistes. Pour Xénophane de Colophon (570-480 av. J.-C.), la Lune est sans doute habitée et il doit exister d’autres terres ; Démocrite (465-365 av. J.-C.) enseigne que la Lune présente des montagnes et des vallées, tout comme la Terre, et qu’il existe d’autres mondes créés par des agglomérats d’atomes ; Épicure (341-270 av. J.-C.) approuve ses prédécesseurs atomistes en assurant : « Il y a une infinité de mondes similaires ou différents du nôtre... Nous devons croire que dans tous ces mondes, il existe des créatures vivantes, des plantes et toutes choses que nous trouvons en ce monde. » Son disciple Métrodore le soutient en déclarant qu’« il est aussi absurde de concevoir un champ de blé avec une seule tige qu’un monde unique dans le vaste Univers. ».

Même Lucrèce (98-55 av. J.- C.) rejoint les adeptes de la pluralité en des termes très modernes : « Dès lors, on ne saurait soutenir pour nullement vraisemblable, quand de toutes parts s’ouvre l’espace libre et sans limites, quand des semences innombrables en nombre, infinies au total, voltigent de mille manières, animées d’un mouvement éternel, que seuls notre Terre et notre ciel aient été créés, et qu’au delà restent inactifs tous ces innombrables corps premiers. Et ce d’autant plus que ce monde est l’œuvre de la nature. [...] Aussi, je le répète encore, il te faut avouer qu’il existe ailleurs d’autres groupes de matière analogues à ce qu’est notre monde que, dans un étreinte jalouse, l’éther tient enlacé. Du reste, quand la matière est prête en abondance, quand le lieu est à portée, que nulle chose, nulle raison ne s’y oppose, il est évident que les choses doivent prendre forme et arriver à leur terme. Et si maintenant les éléments sont en telle quantité que toute la vie des êtres vivants ne suffirait pas pour les dénombrer ; si la même force, la même nature subsistent pour pouvoir rassembler en tous lieux ces éléments dans le même ordre qu’ils ont été rassemblés sur notre monde, il te faut avouer qu’il y a dans d’autres régions de l’espace d’autres terres que la nôtre et des races d’hommes différentes et d’autres espèces sauvages. »


Débats antiques : les opposants

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Aristote
Crédit : S. Cnudde

La philosophie atomiste n’est cependant pas le seul courant philosophique de l’Antiquité, et certains sont bien plus sceptiques sur la question. Parmi les chefs de file des opposants, on compte Aristote (384-322 av. J.-C.). Dans ses théories, il considère quatre éléments, qui ont chacun leur place naturelle : la terre, plus lourde, se trouve au centre, suivie de l’eau, l’air et le feu, par ordre d’éloignement. Si l’un d’eux est écarté de sa position, il tend à y revenir : ainsi, les rochers coulent et les flammes montent. Imaginons qu’il existe une seconde Terre, un autre monde : les éléments seraient perturbés et ne sauraient vers quoi se diriger – il n’y aurait plus de « place naturelle » mais bien deux centres attractifs ! Il ne peut donc y avoir qu’un monde. De plus, Aristote pense que les quatre éléments sont confinés sur la Terre corruptible, car les cieux, parfaits, sont eux composés d’un mystérieux cinquième élément... Il semble donc absurde d’imaginer les astres habités.


Questionnement chrétien

Thomas d'Aquin
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Crédit : C. Crivelli

Au début de notre ère, la philosophie d’Aristote domine les réflexions savantes, et il faut attendre la fin du Moyen-Âge pour voir apparaître de nouveaux débats. Le problème principal est que le monde occidental, désormais chrétien, assure l’existence d’un Dieu omnipotent, incompatible avec certaines idées du philosophe grec. En effet, si Dieu avait envie de créer un deuxième monde, ce ne sont certes pas les théories d’Aristote qui l’en empêcheraient... ou alors les pouvoirs divins sont limités – une hérésie ! D’aucuns tentent de pallier cette contradiction. Ainsi, Thomas d’Aquin (1225-1274) assure qu’il n’y a aucun problème d’omnipotence dans cette question de pluralité des mondes, car la perfection peut justement se trouver dans l’Unicité de la création ! Roger Bacon (1214-1294) et d’autres assurent que, pour avoir plusieurs mondes et aucun problème de « place naturelle », il faudrait qu’un vide existe entre ces mondes, ce qui est impossible dans la philosophie d’Aristote : notre monde est donc bien unique.

Pourtant, les critiques se font de plus en plus nombreuses, avec comme antienne « Dieu n’est pas soumis aux lois d’Aristote ». En 1277, Etienne Tempier (?-1279), évêque de Paris, condamne ainsi 219 exécrables erreurs à caractère scientifique, en y incluant notamment le fait que la Cause Première ne peut créer plusieurs mondes. Jean Buridan (1300- 1358) assure quant à lui que Dieu est capable de créer un deuxième monde et de s’arranger pour que les éléments respectent les lois d’Aristote dans ce monde-là aussi ! Pour Guillaume d’Ockham (1280-1347), celui du fameux rasoir, la pluralité des mondes est une évidence, voire une nécessité – dans chaque monde, les éléments retournent à leur place, sans même le besoin d’une intervention divine. Nicole Oresme (1325-1382), évêque de Lisieux, poursuit en affirmant que, si les corps lourds restent au milieu des légers, il n’y a aucun problème. Le cardinal Nicolas de Cuse (1401-1464) va même plus loin : pour lui, l’Univers est ouvert, et la Terre n’y occupe aucune place privilégiée ; de plus, la création divine peut s’exprimer partout – tout corps étant formé des mêmes éléments. Les adeptes de la pluralité restent cependant minoritaires, et la plupart des penseurs de l’époque résolvent le problème à la manière de Thomas d’Aquin : oui, Dieu pourrait créer un autre monde mais en pratique, il n’en a fait qu’un.


Questions philosophiques et scientifiques

Auteur: Yaël Nazé

Révolution héliocentrique

Héliocentrisme
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Crédit : Harmonia Macrocosmica (Andreas Cellarius 1708).

Le véritable changement de mentalité doit attendre la révolution héliocentrique. Dans ce modèle, la Terre n’est qu’une planète parmi d’autres. Copernic lui-même ne tire pas les conséquences de cette idée fondamentale, mais d’aucuns s’en chargent pour lui : si la Terre n’est pas centrale, l’homme non plus ! Un des porte-drapeaux de cette nouvelle génération est Giordano Bruno (1548-1600) : « Dans le cosmos, il doit y avoir une infinité de soleils avec des planètes et la vie autour d’ elles. » ou encore « Il y a d’ innombrables soleils et d’innombrables terres, toutes tournant autour de leur soleil comme le font les sept planètes (Rappelons qu’à l’époque, Uranus et Neptune n’avaient pas encore été découvertes.) de notre système. Nous n’en voyons que les soleils parce qu’ils sont les plus grands et les plus lumineux, mais leurs planètes nous restent invisibles parce qu’elles sont petites et peu lumineuses. Les innombrables mondes de l’univers ne sont pas pires et moins habités que notre Terre. ».

Hélas, Bruno ne s’arrête pas à la pluralité et commence à remettre en cause certains fondements de la foi catholique (transsubstantiation, virginité de Marie, nature divine du Christ, etc.) en poussant les théories atomistes à l’extrême. Pour ces réflexions par trop audacieuses, il est condamné comme hérétique, puis brûlé au Campo dei Fiori de Rome le 17 février 1600. Cependant, cette exécution ne peut arrêter la marche des idées pluralistes, qui se voient même renforcées par les premières observations au télescope. Outre une confirmation de l’héliocentrisme, celles-ci montrent les astres semblables à la Terre : taches solaires et montagnes lunaires ont tôt fait d’abattre les théories de perfection céleste...


Une évidence universelle

Johannes Kepler
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Crédit : Wikipedia

La vie ailleurs passe alors du statut d’impossibilité naturelle à celui d’évidence universelle. On imagine alors tous les corps peuplés, y compris le Soleil ! Par extension, les étoiles, soleils lointains, doivent également posséder des planètes et ces autres systèmes solaires ne peuvent qu’accueillir la vie. On y voit même la preuve de la toute-puissance de Dieu, qui n’aurait certainement pas laissé les étoiles seules, sans raison d’être.

Les plus grands scientifiques apportent alors leur soutien à l’idée. Kepler (1571-1630) pense la Lune habitée (une cavité lunaire observée par Galilée serait selon lui une digue dans laquelle les Sélènes creusent des grottes-maisons). L’illustre Allemand publie même un roman de science-fiction en 1634 dans lequel un explorateur découvre la faune et la flore de notre satellite, protégé évidemment par une atmosphère, gage de vie. Il assure toutefois que la Terre abrite les plus merveilleuses des créatures... mais il a un doute « S’il y a des globes dans les cieux semblables à notre Terre, nous battrons-nous avec eux pour savoir qui occupe la meilleure partie de l’Univers ? Car si leurs globes sont plus nobles, nous ne sommes pas les plus nobles des créatures. Alors comment est-il possible que les choses soient faites pour l’homme ? Comment pouvons-nous être les maîtres de l’œuvre de Dieu ? »


Révolution cartésienne

Les vortex de Descartes
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Figure 1 : Théorie des tourbillons : "Si nous supposons par exemple que le premier ciel AYBM au centre duquel est le Soleil tourne sur ses pôles dont l'un marqué A est l'austral et B le septentrional, et que les quatre tourbillons KOLC qui sont autour de lui tournent sur leurs essieux TT, YY, ZZ, MM et qu'il touche les deux marqués O et C vers leurs pôles et les deux autres K et L vers les endroits qui en sont fort éloignés" (Descartes, 1647).
Crédit : Principia Philosophia, R. Descartes(1596-1650),
Entretiens sur la pluralité des mondes
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Figure 2 : La Marquise et le Philosophe, frontispice des Entretiens sur la pluralité des mondes.
Crédit : Bernard le Bouvier de Fontenelle

Alors que Descartes (1596-1650) reprend les idées atomistes et multiplie les « tourbillons », chacun centré sur un système solaire (figure 1), son protégé Christiaan Huygens (1629- 1695) écrit le Cosmotheoros (qui sera publié en 1698) dans lequel les planètes, mais pas la Lune, sont habitées par des êtres paisibles et savants, en majorité... astronomes. La pluralité devient alors à la mode en littérature : Pascal (1623-1662) penche pour une infinité d’univers, dont plusieurs « terres » habitées, Cyrano de Bergerac (1619-1655) envoie lui aussi ses personnages dans la Lune, tandis que Voltaire (1694-1778) met en scène un habitant de Sirius dans Micromegas...

Les idées de l’époque sont rassemblées et vulgarisées par Bernard le Bouvier de Fontenelle (1657-1757) dans son célèbre Entretiens sur la Pluralité des Mondes publié en 1686 (figure 2) . Dans cet ouvrage, on retrouve une infinité d’étoiles, toutes des soleils possédant des planètes – selon l’auteur, cette pluralité rend l’Univers encore plus magnifique qu’on ne le pensait auparavant. Fontenelle raconte même que les extraterrestres se baladent non loin et pêchent peut-être des humains comme nous les poissons (les enlèvements par des « aliens », avec trois siècles d’avance !). Les arguments en faveur de la vie extraterrestre sont énumérés : similitude de la Terre et des planètes quant aux conditions de vie, impossibilité d’imaginer d’autres usages à ces objets célestes, fécondité de la Nature et nécessité de peupler les autres planètes... Le livre connaît un succès sans égal, et se répand dans toute l’Europe.


Rédemption et preuves

Toute opposition n’est toutefois pas morte, et les thèses religieuses ont parfois bien du mal à s’accorder avec la pluralité généralisée. Thomas Paine (1737-1809) écrit ainsi en 1793 que « croire que Dieu a créé une pluralité de mondes au moins aussi nombreux que ce que nous appelons étoiles rend le système de foi chrétien à la fois petit et ridicule. » et « celui qui croit aux deux [pluralité et chrétienté] n’a que peu réfléchi à l’un comme à l’autre. » S’il existe des millions de mondes, alors comment croire que le Messie soit venu précisément sur la Terre pour sauver tous les êtres pensants de la Galaxie ? Ou alors, il passe d’un monde à l’autre « souffrant sans fin une succession de morts entrecoupées de rares intervalles de vie » de manière à sauver chaque peuple de l’Univers à son tour... Cela semble si ridicule qu’une seule conclusion doit s’imposer : la doctrine chrétienne est à abandonner. Ces idées sont peu suivies par les contemporains de Paine, qui prennent toutefois la peine de lui répondre. Timothy Dwight (1752-1817), Thomas Chalmers (1780-1847) et Thomas Dick (1774-1857) réaffirment alors que la pluralité constitue une des bases de la chrétienté, une confirmation de la Gloire de Dieu (on est loin des juges de Bruno !) – on retrouverait d’ailleurs la notion de vie extraterrestre à divers endroits des Ecritures !

Certains nouveaux groupes religieux incorporent même la pluralité directement dans leur foi : mormons, adventistes du 7e jour, swedenborghiens. Mais la question de la portée de l’incarnation christique et de la rédemption associée reste sans réponse, même aujourd’hui, et les débats continuent dans les milieux théologiques, quoique sur un ton moins passionné et surtout plus ouvert qu’au Moyen-Âge.


Anthropocentrisme

Robert Dicke
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Crédit : NAS Biographical Memoirs

Le courant majoritaire n’empêche pas plusieurs philosophes allemands du 19e siècle de renoncer également à la pluralité, en faveur de l’anthropocentrisme : G.W.F. Hegel (1770-1831) affirme ainsi que la Terre est la plus excellente des planètes ; L. Feuerbach (1804-1872) assure que la Terre est l’âme et la raison d’être du cosmos ; A. Schopenhauer (1788-1860) accepte la présence d’extraterrestres mais considère l’humanité au pinacle de la création ; G.W. von Leibniz (1646-1716) et d’autres soutiennent ces idées...

Certains rapprochent également les tenants du « principe anthropique » de ce courant centré sur l’homme. Ce principe fut introduit dès 1961 par Robert Dicke (1916-1997), qui assurait que l’âge de l’Univers n’est pas quelconque mais «limité par des critères liés à l’existence de physiciens. » En 1973, l’idée est reprise par Brandon Carter (1942-), qui sépare la chose en deux versions : la faible et la forte. La première peut s’exprimer comme suit : « ce que l’on peut s’attendre à observer doit être restreint par les conditions nécessaires à notre présence en tant qu’observateurs ». Exemple : l’Univers ne peut être trop vieux car il faut que le carbone, brique indispensable à la vie, ait eu le temps d’être formé dans les étoiles et distribué un peu partout ; il ne peut être trop grand sinon il ne resterait plus que des cadavres stellaires inhospitaliers. La seconde version va plus loin encore et affirme que « l’Univers, et donc les paramètres fondamentaux dont il dépend, doivent être tels qu’ils admettent la création d’observateurs en son sein à un certain stade » – en résumé, la vie est donc essentielle au cosmos. Exemple : la constante de gravitation ne peut être ni plus petite, sinon il n’y aurait que des étoiles rouges et froides, ni plus grande, sinon les étoiles bleues et chaudes, tout aussi hostiles à la vie, domineraient le ciel.

Un lien esprit-matière est invoqué et selon John A. Wheeler (1911-2008), l’Univers s’adapte pour rencontrer les besoins de la vie et de l’esprit. Si les « observateurs » ne doivent pas en principe être nécessairement humains, c’est bien dans le cadre de l’humanité que ce principe a été formulé : certains adhérents au principe ne croient d’ailleurs pas en la vie extraterrestre. On peut d’ailleurs rapprocher ces idées de la pensée du biologiste Alfred R. Wallace (1823-1913) qui déclarait au début du 20e siècle « L’objectif final et la raison de ce vaste univers était la production et le développement de l’âme vivante dans le corps périssable de l’Homme. ».

Le principe anthropique, surtout dans sa version forte, est loin de faire l’unanimité. Le grinçant Fred Hoyle (1915-2001) ironise sur le sujet : « ce n’est pas tant l’Univers qui doit être compatible avec nous, que nous qui devons être compatibles avec l’Univers. Le principe anthropique a inversé la donne. » Certains dénoncent un problème important de ce principe : l’impossibilité de le tester, d’en obtenir des prédictions – il ne s’agirait donc peut-être pas d’une théorie, mais d’une profession de foi... D’aucuns insistent dans cette voie et assurent n’y voir qu’une version plus scientifique et sophistiquée de l’argument de « design » en faveur de l’existence d’un dieu...


Habitable n'est pas habitée

Camille Flammarion
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Camille Flammarion, farouche défenseur de la pluralité.
Crédit : Wikipedia

Certains penseurs préfèrent attaquer la pluralité dans ses postulats de base. Un bon exemple est William Whewell (1794-1866), pluraliste en 1827 devenu anti en 1850. Il s’interroge sur les preuves dont on dispose pour affirmer la pluralité des mondes, et n’en trouve aucune de bien tangible. L’Univers est grand, soit, mais il n’y a à l’époque aucune preuve que les étoiles possèdent des planètes, ni que les étoiles sont véritablement semblables au Soleil (au niveau de la stabilité, des propriétés physiques, etc.). Il réfute l’idée selon laquelle la variabilité d’Algol est due au passage d’un corps opaque (une planète ?) devant l’astre. Même dans notre Système solaire, on n’est pas sûr que les autres planètes soient habitables, ni alors, ni aujourd’hui ! Enfin, Whewell s’oppose également à la doctrine du « Tout doit servir » : on sait alors que la Terre est restée longtemps inhabitée... notre civilisation ne représente donc qu’un « atome de temps », alors pourquoi la Terre ne serait pas qu’un « atome d’espace » dans l’Univers ? Whewell récuse donc l’utilisation de l’analogie à tout va : il exige des preuves concrètes avant de discuter de ce problème – qui selon lui dépend donc plus de la science que de la religion. Précisons aussi que Whewell est le premier à décrire le concept de « zone d’habitabilité » et à reconnaître que la présence de vie n’implique pas nécessairement la présence de vie intelligente. Ses écrits font beaucoup de bruit et sont ardemment débattus, mais ils diminuent finalement peu le soutien général en faveur de la pluralité. On retrouve ainsi tout au long du 19e siècle des déclarations comme « Il faudrait avoir retiré bien peu de fruits de l’étude de l’astronomie pour pouvoir supposer que l’homme soit le seul objet des soins de son Créateur, et pour ne pas voir, dans le vaste et étonnant appareil qui nous entoure, des séjours destinés à d’autres races d’êtres vivants. » (François Arago, 1786-1853) ou « La vie se développe sans fin dans l’espace et dans le temps. Elle est universelle et éternelle. Elle remplit l’infini de ses accords, et elle règnera à travers les siècles, durant l’interminable éternité » (Camille Flammarion, 1842-1925).


Observations et recherches

Auteur: Yaël Nazé

Universalité de la matière

Une nouvelle technique va changer un peu la donne : la spectroscopie, un moyen d’étudier à distance la composition chimique et les propriétés chimiques des astres – on possède enfin un moyen de tester les hypothèses à la base de la pluralité. Cette science va permettre de prouver que la matière est, essentiellement, partout la même dans l’Univers, ajoutant de l’eau au moulin des pluralistes. Elle va toutefois ruiner leurs espoirs dans d’autres domaines : non-détection de l’atmosphère lunaire (les Sélènes font leurs bagages...) ; ailleurs, présence de gaz toxiques ou conditions de pression et de température très défavorables à la vie. Le débat sur la vie extraterrestre va se mettre à osciller entre pessimisme (surtout première moitié du 20e siècle) et optimisme (surtout seconde moitié du 20e siècle) : formation des planètes, théories biologiques, observations martiennes apportent alors chacune leur lot de (dés)illusions.


Formation planétaire

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figure 1 : Immanuel Kant
Crédit : S. Cnudde
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figure 2 : Pierre-Simon de Laplace
Crédit : S. Cnudde

La question de la formation des systèmes planétaires pimente le débat. Une première théorie, élaborée par Immanuel Kant (1724-1804, fgure 1) et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827, figure 2), part de la « nébuleuse primitive » : l’ensemble du Système solaire naît d’un nuage qui se contracte; sa rotation accélérant, le nuage donne naissance à un disque plat; en se refroidissant, ce disque devient instable et se divise en anneaux qui donnent naissance aux planètes.

Rapidement, on met en évidence un sérieux problème dans ce modèle. En effet, les planètes de notre Système solaire tournent rapidement alors que le Soleil, qui possède la majorité de la masse du système, tourne très lentement sur lui-même. À l’époque, on ne connaît aucun moyen pour une étoile de se débarrasser du moment cinétique et cette observation indiscutable conduit alors à l’abandon de la théorie.

Entre 1897 et 1901, Thomas C. Chamberlin (1872-1952) et F.R. Moulton (1872-1952) relèvent les difficultés de la théorie nébulaire et envisagent une alternative, déjà imaginée par Buffon au 18e siècle. Le Système solaire se serait formé suite à une collision : un astre serait passé près du Soleil, et en aurait arraché un peu de matière par effet de marée; celle-ci prend la forme d’un jet spiralé, dont les petits noyaux denses forment les planètes par accrétion de planétésimaux. Comme les astres sont séparés par des distances importantes, les collisions sont rares dans notre Galaxie... donc les systèmes planétaires aussi ! Chamberlin propose d’identifier les « nébuleuses spirales » à des systèmes planétaires en formation. Cette dernière partie sera vite oubliée, pour ne retenir que l’essentiel de la théorie : la collision. En 1916, James Jeans (1877-1946) reprend le travail de ses prédécesseurs et tente de modéliser le phénomène. Il arrive finalement à un filament de gaz chaud, qui se condense en planètes directement, et calcule que dans notre Galaxie, une rencontre entre étoiles se produit tous les trente milliards d’années, soit le double de l’âge de l’Univers : les systèmes planétaires sont donc bien rares. De plus, les astronomes connaissent alors de nombreux systèmes binaires : notre Soleil vivant seul, cela prouve bien que le Système solaire est loin d’être une norme universelle !

Relevons une contradiction dans les théories de Chamberlin : les collisions sont rares, donc les systèmes planétaires aussi ; toutefois, si les nébuleuses spirales sont bien de jeunes systèmes planétaires, alors ils sont assez courants puisqu’on en connaît alors des centaines. De plus, comme le remarquera T.J.J. See, s’il s’agissait vraiment de cela, on devrait observer plus de spirales là où les étoiles sont plus nombreuses, ce qui est juste le contraire des observations... Plus tard, on démontrera que ces « spirales » sont en fait d’autres galaxies.

Une vingtaine d’années plus tard, on démontre qu’il est impossible de former avec ce modèle des planètes dont la composition et les orbites sont celles que l’on observe, que de telles collisions ne peuvent arracher suffisamment de matière pour former le Système solaire dans son ensemble, et que le filament obtenu est de toute façon instable. La théorie nébulaire, et avec elle les cortèges de planètes, resurgit alors dans les années 1940. Des modifications permettent d’éliminer le vieux problème : une grande partie de la nébuleuse primitive est évacuée dans l’espace, emportant la majorité du moment angulaire – on ajoutera ensuite l’action du vent solaire dans le ralentissement du Soleil. Avec le retour de ce modèle, les systèmes planétaires sont alors de nouveau nombreux dans l’imaginaire astronomique...


La biologie entre en jeu

Exprience de Miller
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Figure 1 : Schéma de l’expérience de Miller. On produit des décharges électriques dans un ballon contenant les gaz primitifs, et des composés organiques se forment alors.
Crédit : Wikipedia
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Figure 2 : Structure étrange dans la météorite martienne ALH84001.
Crédit : Wikipedia

Alors qu’il s’agit de discuter la présence de vie, la biologie est curieusement absente des débats jusqu’à l’aube du 20e siècle, laissant les astronomes et les philosophes occuper le premier plan. À la fin du 19e siècle, les choses commencent à changer.

Louis Pasteur (1822-1895) mettant à mal les théories de génération spontanée, certains proposent alors que la vie terrestre vient d’ailleurs (théorie dite de panspermie)... Lord Kelvin (1824-1907) décrit ainsi les météorites comme des fragments de planètes verdoyantes venues féconder la Terre. Se disant que la descente dans l’atmosphère et la collision brutale avec le sol doit détruire la vie dans ces objets, Svante Arrhénius (1859-1927) propose plutôt que les spores présents dans l’atmosphère soient gentiment poussés par la pression de radiation pour finir par ensemencer, sinon l’Univers, tout au moins le Système solaire. Il calcule que des spores terrestres atteignent ainsi l’orbite de Mars en vingt jours, et l’étoile la plus proche en neuf mille ans. Il suppose que les températures glaciales de l’espace interstellaire suspendent le pouvoir de germination de ces « graines » – certains expérimentent et constatent que c’est bien le cas ; toutefois, le rayonnement ultraviolet a tendance à détruire les cellules vivantes...

Cependant, lors de la mission d’Apollo 12, les astronautes récupérèrent des morceaux d’une sonde, Surveyor 3, qui avait atterri deux ans plus tôt. Après une analyse détaillée, on trouva sur la caméra de la sonde une centaine de bactéries Streptococcus mitis qui avaient survécu, sans eau ni nourriture, au vide de l’espace, à ses radiations dangereuses et à ses températures extrêmes (20K) ! Depuis peu, on pense toutefois que la caméra aurait pu être contaminée à son retour. Toutefois, en parallèle, diverses expériences ont été menées et ont montré que certains petits organismes pouvaient résister aux conditions extrêmes de l'espace.

Plus récemment, Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe (1939 -)reprennent l’hypothèse de panspermie, en assurant que l’absorption ultraviolette du milieu interstellaire est due à des virus ou des algues (leur arrivée dans l’atmosphère provoquant des épidémies sur Terre), que la poussière interstellaire est peut-être de la cellulose, ou encore que les explosions récurrentes du nombre de nouvelles espèces correspondent à l’arrivée massive de « semences » spatiales. Allant plus loin encore, Francis Crick (1916-2004) et Leslie Orgel (1927-) proposent une panspermie dirigée – des vaisseaux spatiaux extraterrestres envoyés délibérément pour féconder les planètes... Tout cela ne règle évidemment pas le problème de l’apparition de la vie, reportant le problème de la Terre à une autre planète.

Dans les années 1950, Melvin Calvin (1930-2007) et Stanley Miller (1911-1997) arrivent à produire des substances organiques (acide formique pour le premier, acides aminés pour le second) à partir d’un mélange de gaz « primitifs » (figure 1).

Très vite, ces résultats font l’effet d’une bombe : si l’on arrive à produire ces composés aussi facilement, cela implique que la vie est possible ailleurs ! Les astronomes découvrent d’ailleurs des composés organiques dans le milieu interstellaire voire des acides aminés dans des météorites... Certains assurent même y avoir trouvé des « algues » (Nagy & Claus en 1961 et Mc Kay en 1996 pour ALH84001, figure 2), mais ces résultats sont encore loin d’être confirmés. Tout cela, combiné à la découverte de vie dans les conditions les plus extrêmes de la Terre, pousse certains à l’optimisme : « Il y a aujourd’hui toute raison de penser que l’origine de la vie n’est pas un ‘heureux accident’ mais un phénomène complètement régulier. » (A.I. Oparin en 1975).

Côté théorique, la fin du 19e siècle a vu Charles Darwin (1809-1882) et Alfred R. Wallace introduire l’idée de sélection naturelle. Cette théorie permet d’envisager l’évolution dans d’autres conditions – comme celles régnant sur d’autres planètes, par exemple. Elle pousse au départ à l’optimisme mais il apparaît rapidement que l’évolution de la vie sur Terre ne s’est pas faite de façon très linéaire... Wallace affirme ainsi qu’il a fallu des millions de petites modifications pour arriver à l’Homme – obtenir la même chose ailleurs est donc impossible ; de plus, l’humanité est la seule race intelligente sur Terre – la possibilité d’une intelligence extraterrestre est donc encore plus faible. Beaucoup reprennent ces idées : « L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. À lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres.» (J. Monod en 1970), «La pleine réalisation de la quasi-impossibilité de l’origine de la vie nous rappelle combien cet événement était improbable. » (E. Mayr en 1982). Sans preuves observationnelles, le débat reste actuellement ouvert. Les scientifiques les plus optimistes s’accordent toutefois à dire que « vie extraterrestre » ne rime pas avec « humains » : le chemin évolutif ayant probablement été différent ailleurs, les formes de vie le seront aussi.


Mars la fertile

Une des cartes de de Mars de Percival Lowell
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Crédit : P. Lowell

Mars la fertile

La planète rouge, proche voisine de la Terre, est un lieu d’expérimentation idéal pour les théories pluralistes. Peuplée dès le 16e siècle, comme les autres planètes, Mars va occuper le devant de la scène aux 19e et 20e siècles.

C’est le moment où l’on commence à cartographier la planète en détails. En 1858, le père Angelo Secchi (1818-1878) observe la planète rouge et en décrit les structures. Pour certaines, il utilise le terme de canali. Il baptise par exemple la région de Syrtis Major « canal de l’Atlantique ». Pour Secchi, il s’agit là de structures tout à fait naturelles, tout comme l’Atlantique sur Terre n’a pas été construit par la main de l’homme. Quelques années plus tard, William Rutter Dawes (1799-1868) décrit lui aussi des « mers » martiennes, larges taches sombres, se terminant par de longs bras noirâtres.

Il faut préciser que les astronomes n’observent pas Mars n’importe quand. Tous les deux ans environ, Mars se trouve à l’opposé du Soleil, vu depuis la Terre. À cet instant, il est près de la Terre et donc observable dans les meilleures conditions : il s’agit d’une opposition. C’est le moment rêvé pour envoyer des sondes vers la planète rouge. Cependant, les orbites de la Terre et de Mars sont elliptiques : les oppositions peuvent avoir lieu n’importe où, mais certaines sont plus favorables que d’autres (le diamètre apparent lors des oppositions varie entre 14 et 25 secondes d’arc, contre 4 arcsecondes lorsque Mars est très éloigné). Lorsque la distance entre les deux planètes est minimale, on parle de grande opposition. Celles-ci se produisent environ tous les 18 ans, et celle de 1877 marqua l’histoire.

Cette année-là, Asaph Hall (1829-1907) découvre les deux satellites de Mars, et Giovanni Schiaparelli (1835-1910) décide de cartographier la planète. Il utilise une nomenclature similaire à celle utilisée pour la Lune : mers, continents, etc. Mais il reprend également la notation de Secchi, canali, pour désigner de petites structures longilignes noires. Ce terme sera parfois utilisé dans le sens de « canal », ce qui a une signification totalement différente du « bras de mer » de Secchi : il s’agit d’une structure artificielle, ce qui suppose donc l’existence de constructeurs ! Et ce terme possède une résonance bien particulière dans l’Europe du 19e siècle. En effet, à l’époque, on vient de terminer péniblement les titanesques travaux du canal de Suez : si l’on ne doutait pas de l’existence de petits martiens, une civilisation capable de construire ainsi des canaux sur toute la planète s’annonce bien plus avancée que la nôtre !

Schiaparelli continue ses observations lors de l’opposition suivante. Ce n’est plus une grande opposition, et Mars est donc moins bien visible. Malgré cela, ses canaux s’affinent et certains se dédoublent même: c’est le phénomène de gémination. Diverses campagnes d’observation sont entreprises, et beaucoup d’astronomes commencent à apercevoir ces structures géantes. On disserte sans fin sur leur raison d’être : Schiaparelli y voit un grand système hydrique, mais pas forcément artificiel, certains sont encore plus modérés, mais d’autres au contraire plus enthousiastes. Une partie des astronomes conclut ainsi que les « mers » sont en fait de simples forêts, car certains canaux les traversent. Une végétation que l’on voit d’ailleurs grandir et mourir au fil des saisons : il n’y a pas de doute, Mars est bien une planète vivante.

C’est ici qu’entre en scène un astronome peu commun : Percival Lowell (1855-1916). De famille fortunée, le jeune Percival s’intéresse très tôt à l’astronomie, mais il la délaisse bientôt pour les affaires et la diplomatie. La quarantaine venue, le milliardaire revient à ses premières amours. Sur ses fonds propres, il construit à Flagstaff un observatoire tout entier dédié à l’observation de la planète rouge. Dès le départ, il annonce qu’il va étudier les canaux, et ses cartes deviennent rapidement une référence dans le monde. Avec 400 canaux environ, c’est un vaste système d’irrigation qui semble sillonner la planète. Lowell en est convaincu : les Martiens sont des jardiniers (d’où leur couleur verte ?) luttant pour leur survie sur une planète désertique, avec de l’eau qu’il faut péniblement acheminer depuis les lointaines calottes polaires nord et sud. D’ailleurs, lorsque deux canaux se croisent, ne voit-on pas une large tache sombre, indiquant la présence d’une oasis ? Toutefois, des contradictions se font jour : certaines photos montrent bien des canaux mais ceux observés dans un petit télescope ne se dévoilent parfois pas dans les instruments plus grands; sur un même télescope, durant une même nuit, les observations rapportées changent selon l’observateur ; une même personne ne voit pas toujours ces canaux de la même façon,...


Mars, les observations

Schiaparelli/Antoniadi
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Une des cartes que Schiaparelli dressa de Mars (en haut), à comparer à une des cartes d’Antoniadi (en bas)
Crédit : Antoniadi (La planète Mars)
Le visage sur Mars
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"The face", une signature en forme de visage humain laissée par une civilisation décadente... une image de basse résolution prise par Viking et une image à haute résolution de la même région.
Crédit : NASA/ESA

Vu le peu de certitudes, il existe donc quelques opposants à la théorie des canaux artificiels, par exemple le français Eugène Antoniadi (1870-1944). Ce dernier était pourtant au départ convaincu de l’existence des canaux. Mais après de longues heures d’observation, il doit cependant revenir sur ses convictions, et analyse les canaux comme de simples alignements fortuits. Pour convaincre le monde scientifique, son collègue Edward Maunder (1851-1928) tente même une expérience dans une classe. Dessinant sur une feuille de papier une carte de Mars « naturelle » (quelques points au hasard), il demande aux élèves de reproduire ce qu’ils voient : si les élèves du premier rang copient fidèlement les points disposés au hasard, les potaches du dernier rang dessinent consciencieusement des lignes droites... imaginaires. L’esprit humain, assurent Antoniadi et Maunder, a tendance à (sur)interpréter les choses naturelles, et à dessiner des lignes là où il n’y a rien de particulier en réalité. De plus, la mauvaise qualité des instruments de l’époque n’arrange rien.

Mais le courant opposé a tôt fait de balayer les objections d’Antoniadi et des autres opposants : ils ne sont jamais que de piètres observateurs, prévient-on ! Et d’ailleurs, Antoniadi, basé à Meudon, ne pourrait pas distinguer de fins détails sur la planète rouge à travers les cieux parisiens si pollués !

À la fin du 19e siècle, quatre interprétations circulent : une illusion (Maunder, Newcomb, Antoniadi), des structures réelles et continues dues à des craquelures dans la surface martienne (Pickering, Eddington), de fines lignes naturelles (Schiaparelli), de fines lignes artificielles (Lowell, Flammarion, Lockyer, Russell). Beaucoup d’astronomes modérés sont persuadés de l’existence de la vie sur Mars – tous ne vont pas jusqu’à soutenir l’image des Martiens bâtisseurs, mais Lowell a la presse pour lui et son modèle devient extrêmement populaire. Les médias diffusent l’affaire, et certains vont jusqu’à affirmer que les canaux forment le nom de Dieu en hébreu ou que les habitants nous envoient parfois des signaux ! Des romans mettant en scène les hypothétiques Martiens fleurissent, le plus connu étant certainement « La Guerre des Mondes » d’Herbert Georges Wells (dont la lecture radiodiffusée par Orson Welles le 30 octobre 1938 provoqua une panique sans précédent).

Le passage au 20e siècle ne clôt pas les débats. Certains astronomes affirment en 1909 avoir détecté de l’eau et de l’oxygène dans l’atmosphère martienne, voire en 1956 des molécules organiques... observations infirmées par la suite (elles étaient dues à une contamination par l’atmosphère terrestre).

Finalement, en juillet 1965, Mariner 4, première sonde lancée à l’assaut de la planète rouge, envoie ses premières images : Mars est une planète désolée, glacée et pratiquement sans air. Il n’y a nulle trace des fameux canaux, comme le confirmeront d’ailleurs les successeurs de Mariner.

Après l’observation de loin vient le temps des tests sur place. En 1976, les sondes Viking emportent avec elles quatre expériences destinées à tester la présence de vie sur Mars : Gas Chromatograph-Mass spectrometer (analyse des composés du sol martien), Gas exchange (si un organisme vivant se trouve dans l’échantillon de sol martien, il rejettera du gaz lorsqu’il recevra de de l’eau et/ou des nutriments), Labelled release (solution aqueuse avec 7 composés organiques marqués, expérience destinée à chercher de la vie qui les décompose en méthane ou gaz carbonique), Pyrolitic release (sans changer les conditions, on ajoute du gaz carbonique marqué et 120 heures plus tard, une pyrolyse décompose le résultat). Les deux premières ont des résultats clairement négatifs, les deux dernières des résultats positifs, mais attribués généralement à des réactions non biologiques : l'enthousiasme pour la vie martienne prend alors du plomb dans l’aile.

D’un autre côté, les responsables de la sonde Mars Express ont affirment avoir trouvé du méthane, un gaz qui se décompose rapidement sur Mars, distribué de façon non-uniforme à la surface tout comme la vapeur d’eau : l’origine en est encore incertaine (volcans, bactéries méthanogènes ?). D’autres expériences biologiques seront donc tentées à l’avenir, notamment avec la sonde européenne Exomars, pour obtenir des résultats définitifs tout en essayant d’éviter les ambiguïtés des mini-labos des Viking.

Les Martiens, héritiers des canaux du 19e siècle, n’ont cependant jamais vraiment déserté notre imagination. En 1976, ils ressurgissent de plus belle avec la découverte de « The Face ». Un étrange monticule en forme de tête humaine – c’est bien connu, les Martiens nous ressemblent. Sous la pression du public, la NASA a dû refaire récemment des images de la région à haute résolution... qui montrent une simple colline érodée! Cela n’empêche pas certains de parcourir les images de la planète rouge et d’y trouver des soucoupes volantes abandonnés, des pyramides-dortoirs, des forteresses abandonnées, et autres joyeusetés.


Les compagnons invisibles

Méthode des transits
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Figure 1 : Méthode du transit : en passant devant son étoile, la planète cache une partie du disque stellaire, provoquant une baisse de luminosité.
Crédit : OCA
Méthode astrométrique
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Figure 2 : Méthode astrométrique : le mouvement de l’étoile est détecté par le changement de position de l’astre par rapport aux objets lointains. Déplacement du Soleil sous l'effet des mouvements planétaires (Jupiter et Saturne principalement), vu à une distance de 10 pc. L'amplitude de ce déplacement est de 500 microsecondes d'arc
Crédit : NASA
Méthode des vitesses radiales
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Figure 3 : L'étoile tourne autour du centre de gravité étoile-planète. La mesure du décalage des raies sombres visibles dans son spectre (l'effet Doppler) permet de calculer sa vitesse radiale. L'amplitude de cette variation informe sur la masse de la planète.
Crédit : Observatoire de Paris, ASM, E. Pécontal
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Figure 4 : P. Van de Kamp
Crédit : S. Cnudde

Puisque la théorie nébulaire prédit la présence de nombreux systèmes planétaires, les astronomes ont commencé à les chercher. Les fausses alarmes se multiplient, jusqu’à la dernière décennie du 20e siècle... La quête débuta par la découverte de compagnons invisibles. En 1782, des transits (figure 1) de tels objets sont proposés pour expliquer la variabilité d’Algol. (En réalité, les changements de luminosité de cette étoile résultent des éclipses de l’astre par un compagnon stellaire plus froid).

Cette idée fera son chemin, et en 1858 D. Lardner propose de chercher des objets planétaires par transits. Moins d'un siècle plus tard, D. Belorizky calcule que le transit d'un Jupiter fait une diminution de flux de 1%, ce qui est alors détectable, tandis qu'Otto Struve redécouvre la méthode et la promeut ! Dans les annees 1980, des astronomes proposent des missions spatiales permettant de chercher des transits d'exoplanètes, qui seront mises en oeuvre 20 ans plus tard avec CoROT et Kepler.

En 1844, F.W. Bessell (1784- 1846) en découvre pour Sirius et Procyon par la méthode astrométrique (figure 2).

En 1889, Edward Pickering (1846-1919) découvre des astres inconnus par la méthode des vitesses radiales (figure 3). Bien sûr, compagnon invisible, car noyé dans la lumière de l’astre principal, ne veut pas nécessairement dire compagnon planétaire – mais certains s’enthousiasment déjà, tels Simon Newcomb (1835-1909) qui déclare : « L’histoire de la Science n’offre pas de plus grande merveille que les découvertes de planètes invisibles qui sont en train de se produire. ».

En 1855, le capitaine W.S. Jacobs, féru d’astronomie, rapporte les «anomalies orbitales » de l’étoile binaire 70 Oph, détectées par la méthode astrométrique et probablement associées à une planète. Thomas Jefferson Jackson See (1866-1962), astronome fantasque, reprend l’idée en 1896 et assure que ces anomalies prouvent absolument l’existence d’une planète, de période égale à 36 ans. Un de ses confrères, F.R. Moulton, calcule néanmoins qu’un tel système à 3 corps serait instable, et donc qu’il ne peut exister de planète dans ce système. En 1905, W.W. Campbell et Hebert D. Curtis (1872-1942) calculent que le Soleil se déplace de seulement 0,03 km/s à cause des planètes : les instruments de l’époque ne permettent pas de détecter une amplitude aussi faible, et la recherche par la méthode des vitesses radiales est donc vouée à l’échec. Robert G. Aitken (1864-1951) insiste en 1938 : les planètes ont une masse trop faible par rapport au Soleil pour avoir un effet détectable par les instruments contemporains – il faut attendre.

Cependant, les astronomes sont impatients, et continuent malgré tout leurs recherches planétaires. La rotation des étoiles leur donne un argument supplémentaire. En effet, les étoiles chaudes et massives tournent rapidement (période de l’ordre d’heures ou de jours), alors que les plus froides ont une rotation bien plus lente (période de l’ordre du mois). Certains astronomes, dont Otto Struve (1897-1963), affirment que cette dichotomie est due à la présence de planètes autour des étoiles froides – planètes qui emportent une partie du moment cinétique (On prouvera plus tard que ce phénomène n’a rien à voir avec la presence de planètes) .

Galvanisés par ces premiers résultats, les scientifiques reprennent les recherches. Ainsi, en 1936, une première perturbation astrométrique avait été détectée pour l’étoile Ross 614 par Dirk Reuyl (1906-1972) : le compagnon était de nature stellaire, mais ce résultat ouvrait la porte à la détection de compagnons planétaires. En 1938, Erik Bertil Holmberg (1908-2000) rapporte un possible compagnon planétaire pour Procyon, mais le résultat fut rapidement infirmé – il y avait trop peu de mesures pour en tirer quelque chose de vraiment concluant. En 1943, les découvertes se multiplient: Kaj Strand rapporte la découverte de planètes pour 61 Cyg (confirmée par lui en 1957 et par des collègues en 1960), Reuyl et Holmberg font pareil pour 70 Oph (infirmé par Strand en 1952).

L’année suivante, c’est l’astronome Peter van de Kamp (1901-1995, figure 4), cousin de Reuyl, qui reprend le flambeau avec des compagnons pour l’étoile de Barnard et Lalande 21185 – comme il a un doute sur leur nature planétaire, il continue ses observations les années suivantes.

Au final, il examine plus de deux mille plaques photographiques, prises entre 1916 et 1919 ainsi qu’entre 1938 et 1962, de l’étoile de Barnard. Il trouve que cette étoile à grand mouvement propre n’a pas une trajectoire parfaitement rectiligne, mais qu’elle oscille plutôt autour d’une ligne droite, un mouvement perturbé selon lui par deux « Jupiter » qui gravitent autour de l’étoile. Dès 1973, George Gatewood et Heinrich Eichhorn mènent de nouvelles campagnes d’observations de l’objet mais ne remarquent rien de particulier ; un autre astronome, John Herschey, examine douze étoiles des plaques qui ont servi à van de Kamp et trouve que toutes présentent un étrange mouvement : le problème vient en fait du télescope, et plus particulièrement d’un changement de lentille ! Les astronomes persistent pourtant : en 1983, Robert S. Harrington (1942-1993) et V.V. Kallaraka rapportent que les étoiles van Biesbroeck 8 et 10 présentent des changements dans leurs mouvements propres dus à des compagnons très peu massifs... le résultat sera confirmé deux ans plus tard par interférométrie des tavelures mais en l’absence d’autres confirmations, la conclusion générale fut négative : une fausse alerte, encore une !


Recherches actives d'exoplanètes

Fomalhaut
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Figure 1 : Le disque de Fomalhaut et la planète Fomalhaut b qui orbite sur le bord intérieur du disque.
Crédit : NASA

L’optimisme revient pourtant la même année avec la découverte de nuages de particules solides autour de Véga, β Pictoris et d’autres: il doit s’agir de disques protoplanétaires... une première étape est franchie, reste à trouver les planètes déjà formées. Il ne faudra plus attendre longtemps. En 1988, Bruce Campbell et deux collègues rapportent les résultats de six ans d’observations : 7 étoiles (sur les 16 étudiées) présentent des variations des vitesse peut-être dues à des compagnons de 1 à 9 masses de Jupiter et l’une d’entre elles possède un compagnon stellaire. Les auteurs proposent l’existence d’une planète pour γ Cep, leur meilleur candidat, mais ils restent prudents, vu les limitations de leur instrument et le fait qu’il pourrait s’agir non d’une planète mais bien d’une naine brune. Après des doutes sur cette découverte début des années 1992, elle fut confirmée en 2003... Rétrospectivement, il s’agit donc de la première observation d’exoplanète.

Peu apres, Latham et ses collègues proposent eux aussi une planète pour l'etoile HD114762. Après des doutes sur ces découvertes, elles furent confirmées... Rétrospectivement, il s’agit donc des premières détections d’exoplanètes.


les premières découvertes

51-Pegase
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Figure 1 : La courbe des vitesses radiales de l'étoile 51-Peg.
Crédit : M. Mayor
Imagerie directe
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Figure 2 : J.J. See avait déjà affirmé en 1897 avoir détecté une demi-douzaine de planètes, et ce en imagerie directe ( !), autour de plusieurs étoiles proches (il ne précisera jamais lesquelles et l’on ne put dès lors ni infirmer ni confirmer ses allégations). En mai 1998, des utilisateurs du télescope spatial Hubble affirment avoir détecté directement, pour la première fois, une exoplanète. La « planète », de plusieurs fois la masse de Jupiter, serait située à 1500 UA de son étoile, une binaire qui l’aurait éjectée... irréfutable, disent ses découvreurs, car elle est encore reliée à son étoile par un « jet » (image de gauche). En 2000, on démontre qu’il s’agit en fait d’une étoile lointaine, très rougie. C’est finalement le VLT qui produira la première image, en 2004 (image de droite).
Crédit : NASA/ESO

51 Pegase

La première réussite reconnue de la méthode des vitesses radiales fut la découverte d’une planète autour de 51 Peg (figure 1) par les astronomes suisses Michel Mayor (1942-) et Didier Queloz (1966-), effectuée en 1995 avec un télescope français de... 1,93m de diamètre ! La méthode astrométrique a connu son premier succès plus récemment, en 2002, lorsque le télescope spatial Hubble a confirmé par cette méthode la présence d’une planète autour de l’étoile Gliese 876. Le premier transit exoplanétaire a quant à lui été repéré en 2000 pour l’étoile HD209458, dont le compagnon planétaire avait été découvert par la méthode des vitesses radiales.

Planètes autour d'un pulsar

Des planètes ont aussi été découvertes avec une méthode non imaginée au début du 20e siècle : le délai temporel des pulsars. La position d’un pulsar avec compagnon planétaire oscille autour de leur centre de masse commun : les signaux envoyés par le pulsar lorsqu’il est plus près de l’observateur parviendront plus rapidement à la Terre que ceux envoyés lorsque le pulsar est sur la partie éloignée de son orbite. Les temps d’arrivée des pulsations émises par l’astre oscillent donc également : leur analyse permet de déterminer les propriétés du compagnon. Utilisée par M. Bailes et ses collègues en 1991, cette mthode leur permet de trouver une exoplanète orbitant le pulsar PSR1829-10 – mais ils se rétractent six mois plus tard : ils n’avaient pas tenu compte de l’excentricité de l’orbite terrestre dans leurs calculs. L’année suivante, Aleksander Wolszcan (1946-) et Dale A. Frail repèrent plusieurs exoplanètes autour du pulsar PSR1257+12, ce qui sera confirmé en 1994. La découverte de planètes autour de pulsars peut sembler a priori sans intérêt pour le débat sur la vie extraterrestre (supernova et astre mort ne forment pas une combinaison très accueillante pour la vie), elle permet néanmoins un argument supplémentaire en faveur de l’universalité des systèmes planétaires : si des planètes peuvent se former dans des conditions aussi hostiles, alors elles le font sûrement partout !

Imagerie directe

Aujourd’hui, la technologie permet d’étudier les atmosphères d’exoplanètes, et l’on se prend à rêver de la détection de « biosignatures »... En attendant, l’imagerie directe fait ses premiers pas (figure 2) . En effet, la première image d’exoplanète fut obtenue avec le Very Large Telescope (8m ESO) en juillet 2004, une découverte confirmée en décembre 2005: il s’agit d’une planète de 4 à 6 la masse de Jupiter, de période 2450 ans, se trouvant à 55 UA d’une étoile naine de type M8 (0,025 la masse du Soleil) située à 220 années-lumière. Avec les projets de télescopes super-géants, d’aucuns espèrent pouvoir cartographier ces exoplanètes... La quête d’une seconde terre continue donc.


Vies et intelligences?

Auteur: Yaël Nazé

Search for Extraterrestrial Intelligence (SETI)

Avec la découverte du rayonnement radio et le développement des télécommunications qui s’ensuivit, la recherche de vie extraterrestre prit un autre tournant : et si on « écoutait » le ciel, à la recherche non de la simple vie, mais bien d’autres civilisations ?

L’idée est loin d’être neuve. Au tournant du siècle passé, Nikola Tesla (1856-1943), inventeur génial, pense utiliser l’induction pour amener l’énergie dans les maisons. Pour vérifier la faisabilité de son concept, il tente plusieurs expériences. Notamment, il construit un gigantesque transmetteur (une tour de 50 m de haut entourée de fil électrique). Une nuit de 1899, il enregistre des perturbations – son transmetteur était aussi un récepteur ! Il les prend pour une communication interplanétaire et il affirme en 1901 être le premier à établir une communication entre deux mondes différents – la réalité est plus prosaïque : selon toute vraisemblance, il s’agissait de l’émission radio d’éclairs lointains. Dans le même ordre d’idées, Guigliemo Marconi (1874-1937), responsable de la première émission transatlantique, imagine dès 1919 des communications basées sur le langage mathématique pour entrer en contact avec d’autres intelligences – il affirme même avoir reçu un signal inexpliqué et lointain en 1920 (il est le seul à l’avoir enregistré, ce qui suggère un problème quelconque). Avec ses collègues, il encourage les gens à écouter nos voisins martiens avec leur récepteur TSF lors de l’opposition Terre-Mars de 1924. On arrive même à mobiliser l’armée, qui diminuera ses émissions radio pour faciliter la détection de signaux martiens – un signal étrange est rapporté, sans confirmation extérieure. Hélas, tous ignoraient qu’à ces basses fréquences, les ondes radio sont arrêtées par l’ionosphère: aucune émission extraterrestre ne pouvait leur parvenir.

Dans un article pionnier paru en 1959, Giuseppe Cocconi (1914-) et Philip Morrisson (1915-2005) montrent que les communications interstellaires sont possibles. Les radiotélescopes ont alors atteint une sensibilité suffisante pour ce faire. Ils proposent de se focaliser sur des signaux à bande étroite et centrés sur 1420MHz, fréquence d’une raie d’hydrogène, élément le plus abondant dans l’Univers8 : en envoyant un message à cette fréquence, on est en effet certain qu’au moins un groupe de personnes écoute... les astronomes ! Ils reconnaissent toutefois que « La probabilité de succès est difficile à estimer, mais si l’on ne cherche jamais, les chances de réussir sont nulles. ». Aujourd’hui, on se focalise sur le point d’eau (water hole), une bande située entre les longueurs d’onde de 21,1 cm (H) et 17,6 cm (OH), car les deux composés associés forment l’eau, base de la vie...8 Aujourd’hui, on se focalise sur le point d’eau (water hole), une bande située entre les longueurs d’onde de 21,1 cm (H) et 17,6 cm (OH), car les deux composés associés forment l’eau, base de la vie...

Au même moment, un certain Frank Drake (1930-) entre en jeu. Il avait été frappé par un cours sur les exoplanètes donné par Struve et par la réception d’un signal (en fait, un parasite terrestre) alors qu’il observait les Pléiades: les signaux extraterrestres deviennent une passion chez lui. Indépendamment de Morrisson et Cocconi, il arrive à la même conclusion sur le choix de la fréquence et décide de tenter l’expérience en positionnant l’antenne de 26m de Green Bank vers deux étoiles proches (12 années-lumière) et de type solaire : τ Ceti et ε Eridani. Ce projet, baptisé Ozma, utilise l’antenne 6 heures par jour d’avril à juillet 1960, au total 200h d’observation, sans succès. Il en faut plus pour décourager Drake et ses collègues, qui fondent SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) et obtiennent des fonds de la NASA en 1992 – un an plus tard, le budget est annulé et ils doivent recourir au mécénat privé. Depuis, il y a eu le projet Phoenix (durant neuf ans, jusque mars 2004, il utilisa le radiotélescope d’Arecibo pendant 5% du temps disponible) ainsi que les projets SERENDIP et southern SERENDIP (utilisant la technique du piggyback - soit utiliser un instrument "collé" à un autre pour travailler en parallèle des projets « normaux » , cela permet d'obtenir un accès au ciel, mais sans pouvoir choisir la zone observée ni la durée d'observation).

Ces projets ont généré des milliards de données : comme les exobiologistes ne possédaient pas la puissance informatique pour les analyser, ils ont lancé en mai 1999 SETI@home, un économiseur d’écran utilisé par au moins 3 millions de personnes dans le monde. Cette idée a aujourd’hui été reprise par d’autres grands projets scientifiques.

En se focalisant sur le domaine radio, on avait oublié que d’autres communications sont possibles. Dans le domaine visible, il existe un signal typiquement artificiel : des impulsions laser. Depuis quelques années, certains scrutent le ciel à la recherche de ce type de signal. D’autres proposent de rechercher les émissions infrarouges associées à des sphères de Dyson (une sphère entourant une étoile-mère, permettant d’utiliser toute son énergie).

Jusqu’ici, aucun résultat probant n’a été obtenu. Dans les années 1960, deux sources radio variant avec une période de cent jours parurent suspectes... mais elles correspondaient en fait à un nouveau type de sources, les quasars. Peu après, des impulsions radio très régulières firent aussi penser à un signal LGM (Little Green Man) : hélas, il ne s’agissait « que » de la découverte des pulsars...

En 1977, un signal baptisé « Wow » avait bien focalisé l’attention, mais il ne s’est jamais reproduit: on pense aujourd’hui qu’il s’agissait probablement d’une interférence terrestre.

En y réfléchissant, les hypothétiques réceptions peuvent se séparer en trois grands types : on pourrait surprendre un signal local (ex : notre TV, les études radar d’objets du Système solaire, etc), un signal échangé entre deux civilisations ou entre une civilisation et sa colonie ou une de ses sondes spatiales (civilisations qui ignorent tout de nous), ou encore un signal délibérément envoyé pour se signaler aux autres mondes. Le seul problème, c’est la distance : plus la distance est grande, plus le signal est faible (loi en 1/d2 !) : avec notre technologie, nous pourrions capter un signal TV émis à une distance maximale d’une année- lumière ou un signal militaire puissant et à bande étroite dans les dix années-lumière environnantes (à cette distance, il y a déjà quelques étoiles) ; la situation est similaire pour les signaux de la deuxième catégorie (en imaginant que les extraterrestres soient capables d’émettre autant que nous).


Envoi de messages

Signal envoyé vers M13
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Figure 1 : Signal envoyé vers M13
Crédit : Arecibo
plaque envoyée sur les sondes Pioneer
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Figure 2 : Plaque gravée envoyée sur les condes Pioneer
Crédit : NASA
Disque envoyé sur les sondes Voyager
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Figure 3 : Disque gravé envoyé sur les sondes Voyager
Crédit : NASA

Écouter, c’est bien, mais cela suppose que quelqu’un émet. Le faisons-nous ? Pas vraiment... Nous émettons continuellement des signaux des deux premières catégories ci- dessus, mais les signaux délibérés ne sont pas encore monnaie courante. Au 19e siècle, Karl Gauss (1777-1855) aurait pourtant déjà proposé d’utiliser une centaine de miroirs d’un mètre de diamètre pour envoyer un signal lumineux dans l’espace. À la même époque, de nombreuses propositions ont été émises pour se signaler à nos collègues sélènes, vénusiens ou martiens: il suffirait de construire (à l’aide d’arbres, par exemple) des structures géométriques remarquables, par exemple un triangle rectangle flanqué de trois carrés signalerait notre connaissance du théorème de Pythagore.

En 1974, un signal radio a quand même été envoyé depuis Arecibo vers l’amas globulaire M13, situé à 21 000 années-lumière (figure 1) . Il s’agit d’un message de 1679 bits (0 et 1 étant classiquement représentés par deux fréquences différentes), soit 73 lignes et 23 colonnes (73 et 23 sont deux nombres premiers, une caractéristique mathématique que les intelligences extraterrestres apprécieront...). Répété durant trois minutes, il explique notamment d’où le message est venu – un coucou interstellaire qui parviendra dans 21000 ans à leurs destinataires. Précisons que l’envoi de ce message ne fit pas l’unanimité : l’astronome royal britannique, Martin Ryle (1918-1984), tenta d’en empêcher la diffusion par peur de «conséquences hostiles»... Son intervention relança le débat sur la gentillesse ou la méchanceté possibles des civilisations extraterrestres, mais les adhérents à la cause SETI tablent clairement sur la sagesse d’une civilisation avancée, qui a pu survivre aux développements technologiques.

Toujours au niveau pratique, certaines sondes spatiales ont été munies de messages. Les sondes Pioneer (1972/1973) recèlent une plaque gravée (figure 2) : elles ont mis 21 mois pour rejoindre Jupiter, et si elles étaient lancées vers l’étoile la plus proche, elles l’atteindraient en 115 000 ans – Pioneer 10 s’approchera en fait d’Aldébaran dans deux millions d’années... Les messages des sondes Voyager (1977) sont plus élaborés (figure 3): ces vaisseaux renferment un disque comportant des images et des sons (des vœux multilingues, de la musique, des bruits naturels, etc.). Actuellement, ces sondes se trouvent à 15 milliards de kilomètres du Soleil ; leurs signaux, lancés par un émetteur de seulement 320W, mettent 16h à nous parvenir. Une chose est sûre : s’ils arrivent à déchiffrer ces messages, les extraterrestres sont effectivement intelligents !


Equation de Drake

En 1961, l’astronome Frank Drake propose à dix collègues de participer à la première conférence SETI. Au moment de fixer l’agenda, il élabore une équation devenue célèbre : N=T_e*p_pl*n_e*p_v*p_i*p_c*L Les différents termes sont :

Le résultat est que N vaut alors 12 à 50 (Drake était plus optimiste, et simplifiait son équation en N=L). Les plus pessimistes proposent plutôt N=1 (le seul exemple, c’est nous). Parfois surnommée la paramétrisation de l’ignorance, l’équation de Drake possède néanmoins un avantage réel : poser correctement le problème, même si l’on est actuellement incapable de le résoudre, et le découper en ses constituantes, plus « faciles » à envisager.

Calcul de l'équation de Drake


Paradoxe de Fermi

Enrico Fermi (1901-1954) résuma la situation en 1950, durant un dîner à Los Alamos: «L’Univers contient des milliards d’étoiles. Beaucoup de ces étoiles ont des planètes, où se trouvent de l’eau liquide et une atmosphère. Des composés organiques y sont synthétisés ; ils s’assemblent pour former des systèmes autoreproducteurs. L’être vivant le plus simple évolue par sélection naturelle, se complexifie jusqu’à donner des créatures pensantes. La civilisation, la science et la technologie suivent. Ces individus voyagent vers d’autres planètes et d’autres étoiles, et finissent par coloniser toute la Galaxie. Des gens aussi merveilleusement évolués sont évidemment attirés par un endroit aussi beau que la Terre. Alors, si cela s’est bien produit ainsi, ils ont dû débarquer sur Terre. Where is everybody ? »

S’il existe une civilisation galactique, elle devrait avoir colonisé toute la galaxie, soit via des robots, soit personnellement. Comme on ne voit rien, c’est qu’il n’y a personne... Nous sommes donc seuls. C’est l’hypothèse de la Terre rare. En effet, nous serions issus d’une successions de hasards : sans un Jupiter pour dévier les mortels astéroïdes, sans un satellite gros comme la Lune pour stabiliser l’axe de rotation (or on sait aujourd’hui que cette Lune provient d’un gros impact), sans un impact important qui a éliminé les dinosaures et permis aux mammifères, donc finalement nous, de proliférer (or les impacts se font au hasard), nous ne serions pas là... Ces considérations rejoignent celles de certains biologistes, évoquées plus haut.

Le paradoxe de Fermi, comme on le surnomme, peut toutefois se résoudre de deux autres manières. Tout d’abord, il existe peut-être d’autres civilisations, mais elles n’ont pas colonisé la Galaxie : le voyage interstellaire est peut-être difficile voire impossible (pour des raisons techniques ou sociologiques – on a mieux à faire, c’est trop cher ou trop dangereux) ; le caractère d’explorateur des humains est peut-être une exception dans l’Univers ; ou une civilisation avancée ne peut éviter l’auto-destruction. Il est également possible, tout simplement, que ces civilisations n’ont pas eu le temps de s’étendre car certains estiment à une dizaine de milliards d’années le temps nécessaire pour coloniser l’ensemble de la Galaxie – les ETs ne sont pas là, mais ils sont en chemin. Cependant, on peut également imaginer qu’il existe une civilisation galactique colonisatrice, mais que nous ne nous en rendons pas compte : nous avons peut-être peu d’intérêt pour eux (s’intéresse-t-on à une fourmi ?) ; ou nous sommes peut-être surveillés sans interférence (hypothèse du « zoo » galactique).


Imagination populaire

OVNIS
Kenneth_Arnold.gif
Figure 1 : Les OVNIs sont souvent associés aux « soucoupes volantes ». Ce terme provient d’une interview avec l’homme d’affaires Kenneth Arnold qui en 1947 rapporta avoir vu neuf objets alors qu’il pilotait son avion privé. Il les décrivit comme des « disques volant comme une soucoupe si vous la lancez de l’autre côté de l’eau » – le terme de soucoupe s’appliquait donc à décrire le mouvement des objets, et non leur forme, mais le journal titra le lendemain en première page « flying saucers ».. l’ère des soucoupes volantes venait de commencer.
Crédit : K.A.

Cela fait plus d’un siècle que les extraterrestres ont fait leur apparition dans la prose et la poésie : en fait, depuis Fontenelle, les idées extraterrestres percolent toutes les couches de la société et y implantent l’idée d’une vie ailleurs. Ainsi, la science-fiction, outre ses aspects divertissants, joue également un rôle plus fondamental : elle permet au public de s’habituer à l’idée extraterrestre – certains assurent même que la découverte de vie ailleurs, sur Mars par exemple, ou la réception d’un signal étranger auraient certes un grand retentissement le jour même, mais seraient vite oubliées dans la société hyper-médiatisée actuelle. Du point de vue sociologique, espoirs et craintes entourent l’idée extraterrestre : conduira-t-elle à une plus grande unité (front commun contre les aliens ou pour la préservation de la Terre si nous sommes uniques) ou à une destruction de la société si la civilisation de l’autre est très avancée (scientifiques dépassés, lien de dépendance) ? La question est en tout cas posée, et les maîtres de SETI ont jugé nécessaire de publier un protocole détaillé sur la manière d’agir en cas de réception avérée de signal extraterrestre.

Bien sûr, d’aucuns assurent que le contact s’est déjà produit. Des « preuves » de leur ancien passage peuvent être trouvées dans les lignes de Nazca au Pérou (des pistes d’atterrissage pour extraterrestres), les représentations d’astronautes extraterrestres trouvés dans les peintures de Bosch ou les gravures des tombes de Palenque (Mexique), le déplacement des moai de l’Île de Pâques entre leur carrière (où ils auraient été découpés au laser) et leur emplacement actuel, la vision d’objets cylindriques dans le ciel de Nuremberg le 14 avril 1561, le grand complexe astronomique de Stonehenge, etc. Toutes ces considérations assez folkloriques ont pu être écartées sans grand problème.

Depuis la seconde guerre mondiale, les extraterrestres reviennent en force, et pas seulement au cinéma ou en littérature : cette fois, il s’agit d’OVNIs. En pleine guerre froide, les Américains ont craint qu’il ne s’agisse d’engins soviétiques... Ils ont mis sur pied plusieurs commissions de manière à évaluer la menace pour la sécurité nationale (projet Sign fin 1948, projet Grudge en 1949, projet Blue Book en 1956, rapport Condon fin des années 1960). Leurs conclusions sont rassurantes : il n’existe aucune preuve qu’il s’agisse d’un ennemi (sous-entendu à l’époque, l’URSS), d’une manifestation interplanétaire ou d’un danger quelconque pour le pays ; d’ailleurs, 90% des OVNIs s’expliquent de manière tout à fait naturelle. Après tout, on ne compte plus les phénomènes célestes : débris spatiaux qui se désintègrent dans l’atmosphère, foudre en boule, vols d’oiseaux, voire tests d’engins « secrets » – même le lever de Vénus ou de la Lune effraie parfois les Terriens ayant perdu le contact avec le ciel ! Il faut toutefois avouer que l’évaluation des grandeurs de phénomènes célestes n’est pas évidente : bien peu d’entre nous ont conscience que la Lune a la même taille au zénith et à l’horizon. Les erreurs sont donc fréquentes tant sur la taille et la distance que le mouvement d’un objet et sa direction : la plupart des témoignages ne sont donc pas fiables – même s’ils proviennent d’un pandore assermenté. De plus, nombre de citoyens modernes ont perdu le contact avec la nature, et ne connaissent plus les phénomènes célestes, même les plus courants.

Ceci dit, 90% n’est pas 100% : il reste une partie de phénomènes inexpliqués... par la science actuelle : est-elle la meilleure possible ? On peut raisonnablement en douter (dans le cas contraire, il faudrait arrêter de financer la recherche !). Il reste donc encore à prouver que ces cas inexpliqués sont l’œuvre d’extraterrestres : par analogie, si la police de New York réussit à résoudre 90% des crimes de la ville (ce sont des humains ayant attaqué d’autres humains), cela ne veut pas dire que les 10% restants sont forcément commis par des aliens désœuvrés...


Définitions :planètes et exoplanètes

Auteurs: Jean Schneider, Francoise Roques

Qu'est-ce-qu'une planète, une exoplanète?

Les découvertes successives de planètes dans le système solaire, puis autour d'autres étoiles s'accompagnent, à chaque fois, de la remise en cause de ce qui définit une planète, et donc du nombre de planètes. Pour ce qui concerne les exoplanètes, la question n'est pas réglée.

Planets.jpg
Crédit : MegaHDWall

Le nombre de planètes

Le nombre de planètes a évolué dans l'histoire au fur et à mesure des connaissances.

En 2006, l'Union Astronomique Internationale va intégrer toutes ces découvertes pour donner une définition des planètes et créer la population des planètes naines avec, entre autres, Pluton et Ceres.

Ce texte est inspiré de la vidéo "1, 2, 3, Planète!"


Définition des planètes du système solaire

Gaspra
Gaspra.jpg
Figure 1 : L'astéroide Gaspra n'est pas une planète parce qu'il est trop petit: sa gravité n'est pas suffisante pour qu'il prenne une forme sphérique.
Crédit : NASA
Pluton
pluto.jpg
Figure 2 : Pluton n'est pas une planète mais une "planète naine", qui appartient au disque de Kuiper.
Crédit : NASA

En 2006, l'Union Astronomique Internationale (UAI) a défini les planètes du Système Solaire ainsi :

Les "petits corps", typiquement plus petit qu'une centaine de kilomètres, gardent leur forme primordiale (figure 1), alors que les corps plus massifs se déforment jusqu'à atteindre la forme d'équilibre qu'est la sphère, éventuellement applatie si le corps tourne rapidement sur lui-meme.

Une « planète naine » ne satisfait pas à la troisième condition. Pluton (figure 2) a ainsi perdu son statut de planète quand des centaines d'objets ont été découverts dans son environnement, faisant de lui un des membres de la "ceinture de Kuiper". De même, Céres est une planète naine qui appartient à la ceinture des astéroïdes.


Définition des exoplanètes

Parcequ'on n'a pas accès aux informations qui définissent une planète, on ne peut transposer cette distinction et ces définitions aux planètes en dehors du système solaire. La Commission de l'UAI dédiée aux exoplanètes est en train de réfléchir à une définition des exoplanètes et rendra publiques ses conclusions le moment venu.

Il est d'ailleurs utile de rèfléchir à la pertinence et à l'utilité d'une définition. La phrase « ceci est (ou n'est pas) une exoplanète » peut donner l'illusion qu'on a saisi son essence.

Par exemple, il serait simple de dire qu'une exoplanète est un corps qui tourne autour d'une autre étoile que le Soleil. Mais on sait maintenant que certaines planètes ont été éjectées de leur système. Seraient-elles encore des exoplanètes?

On sait que les planètes du système solaire se sont formées dans un disque circumsolaire selon un mécanisme bien particulier, contrairement aux étoiles qui se sont formées par effondrement d'un nuage de matière interstellaire. On pourrait donc définir les exoplanètes comme les corps qui se sont formés selon ce même processus.

Les planètes formées dans un disque ont la particularité de posséder un noyau solide. Elles ont aussi une densité supérieure aux objets formés par effondrement d'un nuage de gaz interstellaire. Mais il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de savoir si une exoplanète a un noyau solide.

D'autre part, entre 13 et 74 masses de Jupiter, les naines brunes ont une brève période durant laquelle ils émettent de la lumière avant de redevenir aussi inerte et invisible qu'une planète.


Deux logiques

histo2.png
Figure 1 : Histogramme des masses de compagnons d'étoiles. Le creux entre les étoiles binaires et les exoplanètes à gauche est le désert des naines brunes. Les objets dans l'intervalle orange peuvent etre de l'une ou l'autre population.

Il y a donc au moins deux logiques pour définir une exoplanète : à partir de ses caractéristiques physiques ou à partir de son mode de formation. Ces deux méthodes n'aboutissent pas à la meme définition.

On ne voit pas pourquoi privilégier une définition par rapport à l'autre, mais il y a toutefois un problème pragmatique. Quels objets mettre dans les catalogues d'exoplanètes ? Le problème est en plein débat. L'UAI n'a pas pris position sur ce sujet. Actuellement, la communauté des astronomes suit de fait la solution choisie par le catalogue de l'Encyclopédie des Planètes Extrasolaires qui s'appuie sur l'argumentation suivante.


Une question délicate

Des discussions sont en cours pour savoir si, en plus du critère de masse, on pourra utiliser le spectre des objets pour distinguer une planète d'une naine brune. (développer un peu)

Quelle que soit au final la solution choisie, il y aura toujours des cas limites où on ne pourra pas décider s'il s'agit d'une planète ou d'une naine brune, ce qui relativise toute définition trop stricte.

Références :


Se tester

Auteur: Francoise Roques

Questions : Histoire

exerciceAntiquité

Les philosophes Epicure et Lucrece étaient convaincus de l'existence des mondes extraterrestres.

Question 1)

Sur quelle idée reposait leur conviction?

exerciceDécouverte

Une étape importante a été de réaliser que les "planètes", astres errants au milieu des astres fixes, étaient de même nature que la Terre, des corps sphériques avec, éventuellement, des satellites.

Question 1)

Quelle invention a permis de comprendre la nature des planètes?

exercicePlanètes

Le nombre de planètes du système solaire a fluctué au cours de l'histoire.

Question 1)

Combien y avait-il de planètes dans le système solaire en 1655? et en 1780?

Question 2)

Qu'est-ce-qui différencie Uranus et Neptune des 6 autres planétes?

Question 3)

Qu'est-ce-qu'a de particulier la découverte de Neptune?


Questions : Définitions

exerciceDéfinitions

La définition des planètes comporte 3 conditions.

Question 1)

La première condition est qu'une planète tourne autour du Soleil. Quels objets cette condition exclut-elle?

Question 2)

La deuxième condition est qu'une planète a une masse suffisante pour être de forme sphérique. Quels objets ne sont pas des planètes à cause de cette condition ?

Question 3)

La troisiéme condition est qu'une planéte a éjecté tous les objets présents sur les orbites proches. Quels objets sont exclus par cette condition?

Question 4)

Comment appelle-t-on les objets qui obéissent aux deux premières conditions et pas à la troisiéme?

Question 5)

Une exoplanète doit-elle forcément tourner autour d'une étoile?


Exercices : Exoplanètes

Utilisez le catalogue Les exoplanètes, pour regarder la distribution des paramètres (histogrammes) et leurs relations (diagrammes).

exerciceHistogrammes

Notez qu'il est possible de choisir l'échelle et le nombre de bins.

Question 1)

Etude de l'histogramme des masses des exoplanètes:

A quoi sont dues les limites inférieures et supérieures de la distribution des masses?

La distribution est-elle régulière? Comment cela peut-il s'expliquer?

exerciceDiagrammes

Utilisez l'outil Diagrammes. On peut modifier les intervalles de valeur et choisir des échelles logarithmiques.

Question 1)

Suivre l'évolution de la masse des exoplanètes en fonction des années de découverte.

Question 2)

Que montre le diagramme des masses en fonction des rayons des exoplanètes?

Question 3)

Autres questions:

  • Que montre l'histogramme des années de découverte des planètes.
  • Où se trouve l'exoplanète la plus lointaine?
  • Quelle est l'exoplanète la moins massive?


Mini-projet

Auteur: Francoise Roques

Mini projet: Evolution

Lire et faire un commentaire de l'article "Defining and cataloging exoplanets: The exoplanet.eu database" .


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ACCES AU PLAN DES CHAPITRES


Formation et évolution des systèmes planétaires

Auteur: Philippe Thébault

Formation et évolution des systèmes planétaires

Une des questions clef quant à la compréhension de nos origines est celle de la formation de la Terre et, plus généralement, de toutes les planètes. Pendant plusieurs siècles, étudier cette formation planétaire équivalait implicitement à expliquer la formation des seules planètes que nous connaissions : celles de notre système solaire. La situation a radicalement changé en 1995, avec la découverte de la première « exoplanète » autour d’une autre étoile. A ce jour, plus de 1000 planètes extrasolaires ont été détectées, et, du moins d’un point de vue numérique, les 8 planètes du système solaire ne représentent plus aujourd’hui qu’une infime fraction du total.

Malgré cela, les modèles de formation planétaires sont encore affectés par un fort tropisme « système solaire », car ils sont, dans leurs grandes lignes, les héritiers de théories développées dans les années 70, 80 et 90 pour expliquer la formation des 8 planètes telluriques et géantes autour du soleil. Ce tropisme s’explique bien entendu également par le fait que ces 8 planètes sont encore, de très loin, celles que nous connaissons le mieux. Ceci n’empêche pas que l’existence de systèmes extrasolaires, dont certains ont des caractéristiques très éloignées de celles du système solaire, est de plus en plus prise en compte dans les études les plus récentes. L’un des défis principaux de ces études est aujourd’hui d’expliquer la grande diversité de systèmes planétaires révélée par les observations.

Dans les pages qui suivent, nous présenterons en détail le modèle « standard » de formation planétaire, sur les grandes lignes duquel la plupart des chercheurs s’accordent aujourd’hui. Comme nous le verrons cependant, rien n’est gravé dans le marbre et il existe encore (et heureusement !) bien des questions en suspens dans ce scenario « standard ».

Par ailleurs, le modèle standard étant, pour l’essentiel, adapté aux caractéristiques de notre système solaire, nous axerons notre présentation sur les planètes de ce système. Mais nous verrons également comment ce scenario, ou du moins certaines de ses étapes, est affecté par les contraintes déduites des centaines de systèmes extrasolaires connus à ce jour.


Découvrir

Auteur: Philippe Thébault

Historique et contraintes observationnelles

Auteur: Philippe Thébault

Quelques repères historiques: modèles evolutionnistes et modèles catastrophistes

Les premières tentatives pour expliquer scientifiquement la formation des planètes remontent au 17ème siècle. En schématisant quelque peu, on peut dire que, durant près de 3 siècles, vont s’opposer les partisans de deux scénarios radicalement différents.

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Les tourbillons de Descartes
Crédit : Bibliothèque de l’Observatoire de Paris

Historiquement les plus anciens, les modèles dits « évolutionnistes» postulent que les planètes naissent de façon « naturelle » lors de la formation du soleil et des autres étoiles. Le premier de ces modèles est celui de Descartes (1633), pour qui l’univers est rempli de tourbillons, au centre desquels les éléments les plus lourds se condensent pour former les étoiles tandis que les plus légers restent en périphéries pour former les planètes. Un siècle plus tard, Kant (1755) et Laplace (1796) proposent que les étoiles se forment par effondrement d’un nuage de matière (une « nébuleuse ») en rotation sur lui même : pour conserver le moment cinétique lors de la contraction, la force centrifuge crée un disque dans le plan de rotation, disque dans lequel se forment des anneaux concentriques dans lesquels vont finalement se condenser les planètes.

Les modèles « catastrophistes » postulent au contraire que les planètes se forment lors d’évènements isolés, rares et/ou violents. Pour le naturaliste Buffon (1741), c’est la collision d’une comète avec le soleil qui produit un nuage de débris à partir duquel se condensent et se refroidissent les planètes. L’âge d’or des modèles catastrophistes est cependant le début du XX siècle, au moment où le scénario de la nébuleuse semble irréaliste en raison de son incapacité à expliquer que les planètes possèdent 100 fois plus de moment cinétique que le soleil (voir ici). A cette époque, c’est la rencontre proche entre le soleil et une autre étoile qui est privilégiée, rencontre qui arracherait de la matière au soleil et/ou à l’étoile, matière à partir de laquelle se condensent ensuite les planètes (scénario de Moulon-Chamberlain,1904 et Jeans, 1917).

Ce n’est que dans la 2ème moitié du XX siècle que le débat sera (définitivement?) tranché en faveur des modèles évolutionnistes, quand tous les scenarios catastrophistes auront été rejetés, notamment quand Spitzer (1939) aura montré que la matière chaude arrachée au soleil va se disperser bien plus rapidement qu’elle ne peut se condenser.

Il est important de souligner qu’au delà de leurs détails techniques, ces 2 types de scénarios aboutissaient à deux visions totalement différentes quant à notre place dans l’univers. Pour les « catastrophistes », les planètes telles que la nôtre sont dues à un événement exceptionnel, et sont donc sans doute très rares, tandis que les thèses évolutionnistes prédisent que les planètes sont un « produit dérivé » banal de la formation stellaire et doivent donc être très abondantes dans notre galaxie. On peut remarquer que cette opposition de visions s’est aujourd’hui en partie reportée sur le débat sur la vie dans l’Univers, avec d’un côté ceux qui pensent quenous sommes sans doute seuls dans l’Univers, car l’apparition de la vie nécessite un concours de circonstances hautement improbable, et ceux qui au contraire pensent que la vie apparaît « naturellement » lorsque les conditions physiques sont réunies.


Structure du système solaire

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98% du moment cinétique du système solaire est contenu dans les planètes.
Crédit : Philippe Thebault
images/Cours-2-MasseSS-.png
99,8% de la masse du système solaire est contenue dans le Soleil.
Crédit : Philippe Thebault

Avant de présenter la théorie des modèles de formation planétaire, il est essentiel de les replacer dans leur contexte. Il faut pour cela bien comprendre quelles sont les caractéristiques fondamentales du système solaire qui vont contraindre tout modèle de formation. Certaines de ces caractéristiques sont du niveau de l’évidence, et d’autres un peu plus techniques, mais toutes nous apprennent des choses essentielles sur l’origine des planètes.

Un premier fait essentiel est que les 8 planètes orbitent toutes à peu près dans le même plan, et de plus dans le même sens. Par ailleurs, ce plan et ce sens correspondent aussi à l’axe et au sens de rotation du soleil sur lui même. Ce simple fait plaide très fort en faveur d’une origine commune pour toutes les planètes, origine sans doute également liée à l’origine du soleil lui même. Car si, par exemple, le soleil avait capturé les planètes les unes après les autres, alors il n’y aurait aucune raison pour qu’elles soient toutes dans le même plan.

Autre point fondamental : plus de 99,9% de la masse MSS du système solaire se trouve dans le soleil lui même, les planètes ne représentant qu’une toute petite fraction de celle-ci. Mais par ailleurs, l’essentiel du moment cinétique JSS du système solaire (pour schématiser, son énergie de rotation) est, lui, contenu dans les planètes, le soleil ne contenant que 1% du moment total. Ce paradoxe est, on le verra plus loin, l’un des faits les plus contraignants pour les modèles de formation planétaire.


Composition des planètes

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Composition des 4 planètes géantes du système solaire, en unité de masse terrestre
Crédit : Philippe Thebault

Un premier regard, même superficiel, sur les planètes du système solaire montre que celles-ci peuvent se repartir en 2 groupes bien distincts: les 4 planètes telluriques, petites et proches du soleil, et les 4 planètes géantes, beaucoup plus massives et situées dans les régions externes et froides. Les planètes telluriques ont des masses comprises entre 0.06 et 1M_earth, sont essentiellement rocheuses et sont très pauvres en Hydrogène et Helium, les 2 éléments de loin les plus abondants dans l’Univers. A l’inverse, les planètes géantes ont des masses comprises entre 15M_earth (Uranus) et 300M_earth (Jupiter). Parmi ces géantes il faut tout d’abord distinguer les 2 géantes « gazeuses » que sont Jupiter et Saturne, dont l’essentiel de la masse est contenue sous forme d’H2 et He gazeux, mais qui contiennent cependant de 10 à 50 M_earth de solides sous formes de roches et de glace (probablement concentrée dans un coeur solide). Viennent ensuite les géantes « glacées » que sont Uranus et Neptune, dont l’essentiel de la masse est sous forme de glace (d’eau, d’ammoniaque et de méthane), mais qui possèdent cependant une atmosphère contenant de 1 à 5M_earth de H2 et He.

On peut remarquer que la composition de toutes ces planètes diffère très fortement de la composition globale de l’Univers, qui est lui constitué à 98% d’hydrogène et d’Helium. Même les géantes gazeuses contiennent une proportion très importante d’éléments lourds si on les compare à la composition du soleil, qui est, elle, très proche de celle de l’univers dans son ensemble. Ce point est fondamental quand il s’agira de remonter à la « Nébuleuse solaire de masse minimale » initiale (cf. lien).


L'âge du système solaire

Toutes les planètes du système solaire ont été très fortement remodelées dans les premiers temps de leur histoire, et la surface de nombreuses d’entre elles a également été irréversiblement altérée par l’évolution au cours des milliards d’années qui ont suivi. De ce fait, il ne reste aucun matériel planétaire primordial qui puisse nous permettre de remonter aux premiers instants du système solaire. De tels matériaux primordiaux et en particulier une certaine catégorie de météorites appelée « chondrites » constituent les corps les plus primitifs du système solaire, et l’on pense que leur intérieur n’a quasiment pas été altéré depuis les premiers instants de celui-ci. On peut mesurer l’âge de ces chondrites à l’aide de la décomposition radioactive de certains éléments qu’elles contiennent (cf. lien). De manière assez remarquable, ces méthodes de datation ont permis d’estimer l’âge du système solaire à une précision extraordinaire : 4,568 milliards d’années ! L’âge des plus vieilles roches terrestres, de petites inclusions cristallines de zircon, est, quant à lui, estimé à 4.404 milliards d’années. Ce qui laisserait donc environ 150 millions d’années au maximum pour former la planète Terre. L’âge des plus vieilles roches lunaires est, lui, d’environ 4.5 milliards d’années.

AllendeMeteorite
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La météorite « Allende », la plus célèbres des « chondrites carbonnées ».
Crédit : Wikipedia

Le scénario standard: formation d'un disque protoplanetaire

Auteur: Philippe Thébault

Le scénario standard de formation planètaire

Il existe aujourd’hui un scenario « standard » de formation planétaire, dont les grandes lignes sont acceptées par l’essentiel des scientifiques, du moins en ce qui concerne les planètes telluriques. Pour l’essentiel, ce scenario a été développé au cours des années 60 et 70, notamment à partir des travaux pionniers du savant russe Victor Safronov. Ce modèle est l’héritier direct des anciens modèles évolutionnistes (cf. lien), avec lesquels il partage l’idée essentielle que les planètes se forment « naturellement » et conjointement avec les étoiles, à partir de la contraction d’une « nébuleuse » en rotation.

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Description schématique des principales étapes du scénario « standard » de formation planétaire
Crédit : Observatoire de Paris

Dans ce scénario standard, les planètes se forment progressivement, étape par étape, à la suite d’une succession de processus distincts. Ceux-ci peuvent schématiquement se résumer ainsi (cf. Figure) : Tout commence avec un grand nuage de gaz moléculaire froid, dont certaines régions peuvent s’effondrer sous l’effet de leur propre gravité, formant des cœurs denses et chauds qui vont devenir une proto-étoile. Autour de ces cœurs, la contraction du nuage (ou plutôt d’un fragment de celui-ci) va finir par former un disque sous l’effet de la force centrifuge. On arrive alors à une étape où proto-étoile, disque et enveloppe (le reste du fragment de nuage initial) coexistent, la matière étant accrétée de l’enveloppe sur le disque, puis du disque sur l’étoile. Le disque d’accrétion est initialement très chaud, mais il va se refroidir avec le temps. Ceci va permettre la condensation de grains solides : roches, mais aussi glaces dans les régions externes. Ces grains vont ensuite croitre par collisions mutuelle pour former des corps kilométriques appelés « planétésimaux ». L’accrétion mutuelle de ces planétésimaux va alors former des embryons planètaires, puis les planètes elles-mêmes, tandis que le disque de gaz primordial va se disperser.

Nous allons maintenant examiner plus en détail chaque étape de ce processus. Comme nous le verrons, malgré un consensus global sur les grandes lignes, certaines étapes du modèle standard sont encore mal comprises et les débats sont loin d’être clos.


Au commencement: un nuage moléculaire

Toutes les étoiles, et par la même occasion les planètes qui leurs sont liées, naissent dans de gigantesques nuages moléculaires. Ces nuages sont essentiellement composés d’Hydrogène et d’Helium, à savoir les 2 éléments les plus abondants dans l’Univers, et sont extrêmement froids, avec des températures de l’ordre de 10K. Ils ont des tailles pouvant aller d’une fraction de parsec (pc) à plus de 20pc, et peuvent contenir de quelques dizaines à plusieurs milliers de masses solaires (M_sun), voire plusieurs millions de masses solaires pour les nuages dits "géants". Bien que ces nuages soient bien plus compacts que la matière inter-galactique alentour, leur densité est tout de même extrêmement faible comparée à notre environnement quotidien, de l’ordre de seulement 100 à 10 000 atomes d’Hydrogène par cm3. Ceci est à comparer aux quelques 1015 molécules/cm3 de l’atmosphère terrestre ! (En fait, un nuage moléculaire « dense » est bien plus vide que le « vide » à l’intérieur d’une chambre à vide dans un laboratoire !).

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La nébuleuse du « Cône », une pépinière de jeunes étoiles.
Crédit : Hubble Space Telescope (NASA)

Ces « nurseries » stellaires sont observées par milliers dans notre galaxie, soit comme des « poches sombres » bloquant la lumière des étoiles situées derrière elles, soit comme de magnifiques nuages éclairées de l’intérieur par les premières étoiles qui s’y sont formées (cf. Image).


Effondrement du nuage, formation d'une Proto-Etoile

Un nuage moléculaire est a priori à l’équilibre hydrostatique, c’est à dire que sa gravité est compensée par la pression thermique des molécules qui le composent (cf. Théorème de Viriel). Cependant, dans certains de ces nuages, cet équilibre va être rompu et ils vont commencer à s’effondrer sur eux-mêmes, et ce pour des raisons encore mal comprises. Est ce parce-que certains nuages deviennent trop massifs pour que la pression thermique puisse lutter ? Ou bien cet effondrement est il déclenché de l’extérieur, par exemple lorsque 2 nuages se collisionnent ou bien lorsqu’une supernova explose à proximité ? Quoi qu’il en soit, une fois cet effondrement commencé, les choses s’emballent assez rapidement. Au bout de quelques milliers d’années, la turbulence crée des structures en filaments en même temps que le nuage initial commence à se fragmenter en morceaux de plus en en plus petits (cf. Image), chacun de ces fragments pouvant potentiellement être un site de formation stellaire : les étoiles naissent donc en groupe !

A l’intérieur de chaque fragment, une forte condensation de matière se produit au centre, jusqu’à ce que celui-ci devienne opaque à la lumière infra-rouge. A partir de ce moment, une sorte d’ « effet de serre » se produit et la température augmente fortement dans ce cœur dense. A un certain point, la pression thermique stoppe l’effondrement du cœur et cette concentration de matière dense et chaude forme le premier stade d’une proto-étoile. Cette proto-étoile est initialement peu massive (1% de sa masse finale), mais elle augmente progressivement, car la matière du reste du nuage continue à s’effondrer et s’accumuler sur elle.

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Effondrement d’un nuage moléculaire et formation d’un groupe de jeunes étoiles dans une simulation numérique.
Crédit : Matthew Bate (Université d’Exeter)

Etoile T-TAURI et formationd'un disque d’accrétion

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Schéma de l’accrétion de l’enveloppe gazeuse vers le disque et la proto-étoile.
Crédit : Observatoire de Paris
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Une région de formation d’étoiles dans la constellation du Taureau. Avec en particulier l’étoile HL Tau (en haut à droite) et son magnifique disque proto-planétaire (image en encart, réalisée avec le télescope européen ALMA), ainsi que l’étoile HH Tau (en bas à droite) et ses jets de matière aux pôles de l’étoile.
Crédit : Hubble Space Telescope, NASA (grande image), et télescope ALMA, ESO (disque de HL Tau).

En parallèle au processus de formation stellaire, l’effondrement du nuage va également créer un disque en rotation autour de la proto-étoile. Ce disque se forme sous l’effet de la force centrifuge, dont l’intensité augmente à mesure que le nuage se contracte (à cause de la conservation du moment cinétique). On atteint donc un état où coexistent 3 composantes : 1) La proto étoile au centre, 2) le disque circumstellaire, et 3) le reste du nuage qui continue à s’effondrer. Il est important de noter que pendant cette étape de coexistence, le transfert de matière se fait du nuage vers le disque, et ensuite du disque vers l’étoile. D’où le nom de disque d’accrétion.

Au cours de cette phase d’accrétion, la température de la proto-étoile continue d’augmenter. Lorsque celle-ci dépasse plusieurs millions de degrés au centre de la proto-étoile, des réactions thermonucléaires vont se déclencher: une étoile est née ! Un très puissant jet de matière va alors se développer le long de l’axe de rotation stellaire. Une telle étoile, entourée d’un disque d’accrétion et produisant un jet bipolaire est dans ce qu’on appelle sa phase « T Tauri », du nom d’une étoile de la constellation du taureau. Cette phase T Tauri n’est pas qu’un simple concept théorique, car l’on dispose aujourd’hui de très nombreuses observations de ce type d’étoile jeune, révélant souvent à la fois un disque circumstellaire, un jet bipolaire et des restes de matière du nuage initial (voir image).


Accrétion visqueuse du disque

Le disque qui entoure la jeune étoile après environ un million d’années est appelé disque « d’accrétion », car la matière qu’il contient spirale lentement vers l’intérieur pour finalement tomber sur l’étoile. Ces mouvements de matière sont dus à la viscosité du disque, viscosité elle-même due à la turbulence du gaz. L’effet global de cette viscosité turbulente est de transférer l’essentiel de la matière vers l’intérieur du disque, tandis qu’une petite fraction de cette matière part vers l’extérieur en emportant l’essentiel du moment cinétique J du disque.

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Transfer de matière de l’enveloppe vers le disque en rotation képlérienne, et mouvement radial de la matière dans le disque dû à la viscosité de celui-ci.
Crédit : Observatoire de Paris

On pense que ce double transfert (masse vers l’intérieur, J vers l’extérieur), est ce qui résout, du moins en partie, le paradoxe d’un système solaire où 99.9% de la masse est dans le soleil, mais 99% du moment cinétique est dans les planètes (voir lien).


Le disque « PROTO-PLANETAIRE »

Le disque d’accrétion est initialement extrêmement chaud, et ce en raison du rayonnement intense de la jeune étoile, mais aussi à cause de la chaleur dégagée par la viscosité dans le disque. L’analyse des météorites montre que se produisent peut-être également des « flashs » thermiques brefs mais intenses dus sans doute à des ondes des chocs. Dans les régions les plus internes, les températures peuvent dépasser les 1500K, vaporisant même les particules rocheuses (silicates et composés ferreux). Au cours du temps, cependant, le disque va progressivement se refroidir. Dans les régions internes, les températures sont alors suffisamment basses pour permettre la condensation des roches, mais pas des composés volatils et des glaces (eau, méthane, CO, etc.). Dans les régions externes, en revanche, les températures descendent suffisamment pour permettre la condensation des glaces, et notamment de la glace d’eau (T<160 K). La frontière entre disque interne rocheux et disque externe roches+glaces est appelée « limite des glaces » (« snowline » en anglais). Elle se situe à environ 3 UA dans notre système solaire, et correspond donc peu ou prou à la limite entre planètes telluriques et planètes géantes. On pense que cela n’est pas un hasard, car, au delà de la limite des glaces, la matière solide est 3 à 4 plus abondante et permet donc l’accrétion de corps plus gros, pouvant de plus retenir une épaisse enveloppe de gaz (voir lien).

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Structure du disque proto-planétaire autour du jeune soleil.
Crédit : Observatoire de Paris

La nébuleuse solaire de masse minimale

Dans les années 1970 et 80, plusieurs scientifiques ont réalisé que, à partir de la structure actuelle du système solaire, il est possible d’avoir une idée de la distribution de matière dans le disque proto-planétaire initial. Il faut pour cela faire 2 hypothèses : 1) que la position actuelle des planètes correspond, approximativement, à celle où elles se sont formées, et 2) que le disque proto-planétaire avait une composition proche de ce qu’elle est aujourd’hui dans le soleil.

La procédure pour remonter au disque initial est alors assez simple : On considère tout d’abord la masse de matière solide (roches et glaces) contenue dans les planètes et on la distribue de manière continue entre l’orbite me Mercure et celle de Neptune (voir LIEN vers page d’exercice). Ceci nous donne alors la distribution radiale des solides dans le disque proto-planétaire. Si on fait ensuite l’hypothèse que le rapport solides/volatiles (H et He) est le même que dans le soleil, alors on peut remonter à la masse « manquante » de volatiles qui était présente au départ et qui a disparu en cours de route. Cette masse initiale est bien supérieure à la masse actuelle de gaz dans les planètes, même pour les géantes « gazeuses » Jupiter et Saturne. On a alors reconstitué un disque proto-planétaire « minimal », c’est à dire contenant la masse minimale de matière (de composition solaire) nécessaire à former les planètes actuelles. On appelle ce disque théorique la « Nébuleuse Solaire de Masse Minimale » (NSMM ou plus communément MMSN en anglais).

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Profil de densité radiale de la Nébuleuse Solaire de Masse Minimale (MMSN).
Crédit : Observatoire de Paris

On voit sur la Figure ci-dessus que, de manière remarquable, la distribution radiale de matière dans cette nébuleuse suit une loi de puissance en r-1.5 sur tout l’extension du disque. On remarque certes un saut de densité d’un facteur 3 vers 3AU, mais ce saut s’explique par la « ligne des glaces », au delà de laquelle la matière solide devient plus abondante en raison de la condensation de la glace d’eau.

Le profil d’une telle MMSN ne doit cependant être considéré qu’à titre indicatif, en particulier dans le système solaire externe, car on sait aujourd’hui que les planètes géantes ne se sont sans doute pas formées à leur position actuelle et ont sans doute migré dans le disque initial (cf. lien).


Le scénario standard: accretion des planètes telluriques

Auteur: Philippe Thébault

Condensation et accrétion des premiers grains

Le disque proto-planétaire se refroidit progressivement au cours du temps. A mesure que la température baisse, de plus en plus d’éléments peuvent se condenser. A moins de 1600K, ce sont des oxydes métalliques, à 1400K c’est le Fer, et, enfin, à 1300K, les silicates. La condensation forme initialement des grains très petits, de l’ordre de quelques microns. La croissance de ces grains se fait ensuite lors de collisions mutuelles, quand la vitesse d’impact est suffisamment faible pour qu’ils restent soudés. Pour des particules de si petites tailles, ce qui les fait « coller » les unes aux autres lors de collisions, ce sont les forces de surface moléculaire (forces de Van der Waals). Les vitesses et la fréquence des rencontres entre grains sont déterminées par le fait qu’ils sont couplés au gaz et que celui-ci a des mouvements turbulents. On pense que, pour une MMSN typique, les vitesses de collisions entre petits grains sont de l’ordre de 10cm/s à 10m/s (la vitesse d’un cycliste). Des expériences en laboratoire ont montré que ces vitesses sont effectivement suffisamment faibles pour permettre à 2 grains de s’accréter lors d’une collision. Ce processus d’accrétion grain à grain va former des particules filamenteuses de type fractal (cf. image), dont la taille peut atteindre quelques cm.

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Structure fractale résultant de l’accrétion mutuelle de grains micrométriques
Crédit : simulations numériques de A. Seizinger, Université de Tübingen.

La barrière du mètre

La suite de l’histoire est beaucoup plus problématique. Quand les corps solides ont atteint quelques centimètres ou décimètres, les modèles de croissance par collisions mutuelles rencontrent un problème majeur, qu’on appelle pour simplifier « la barrière du mètre ». En effet, ces corps sont devenus suffisamment gros pour commencer à se découpler du gaz, et ce gaz va alors commencer à exercer une forte friction sur eux. Ceci a deux conséquences : 1) Les vitesses relatives de collisions impliquant ces objets deviennent élevées, et le bilan de ces collisions n’est plus l’accrétion mais l’érosion des corps, et 2) La friction du gaz fait perdre du moment cinétique au corps solides, et ceux ci vont se mette à spiraler vers le centre du disque et l’étoile. Pour des corps de 1m, on calcule que le temps de migration vers le centre est de seulement quelques centaines d’années dans une MMSN « standard ».

La barriere du métre
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Bilan des collisions mutuelles entre corps solides dans la nébuleuse solaire de masse minimale, déduites de diverses simulations numériques effectuées dans la dernière décennie. En abscisses : taille de l’impacteur. En ordonnées : taille de la cible. On voit très clairement que dès que l’un des corps dépasse le mètre, l’accrétion est quasiment impossible
Crédit : Observatoire de Paris

Passer la barrière du métre

Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer comment surmonter la barrière du mètre. Certaines font appel à l’action de la turbulence du gaz et au fait que celle-ci crée des vortex au centre desquels les particules solides peuvent s’accumuler. Dans ces vortex, l’accrétion peut se remettre en marche pour 2 raisons: 1) les vitesses relatives sont suffisamment faibles pour que les particules « collent » à nouveau lors de collisions, et 2) La densité de grains solides au centre des vortex peut par ailleurs devenir telle qu’une instabilité gravitationnelle se déclenche, formant directement et rapidement des corps de plusieurs kilomètres. Dans le même ordre d’idée, d’autres scénarios envisagent que les grains sont piégés au niveau de singularités dans le disque de gaz, là où existe un très fort gradient de pression. Ces singularités peuvent se situer au bord de ce qu’on appelle des « Dead Zones » (sans activité magnétique), ou bien au niveau de la ligne des glaces, ou bien encore au niveau de surdensités créées par des Instabilités Magnéto-Hydrodynamiques (« MRI »). Dans ces zones de piégeage, l’accrétion peut se poursuivre pour les mêmes raisons que dans le scénario des « Vortex ».

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Instabilité de « courant » dans un disque proto-planétaire (MMSN).

D’autres scénarios proposent une solution alternative, fournie par la physique des collisions elle-même. Si il existe une très large dispersion de la taille des corps solides, alors les plus gros de ces corps seraient capable d’accréter les plus petits, même en cas de vitesses relativement élevées. Dans le même ordre d’idée, même en cas de collisions érosives, les fragments érodés pourraient former une poussière facilement ré-accrétable par les plus gros corps.

Il faut cependant rester prudent, car aucun de ces scénarios ne propose pour l’instant une explication 100% satisfaisante. Ce problème est l’un des sujets majeurs de la recherche actuelle sur la formation planétaire.


L’accrétion « boule de neige » des planétésimaux

Malgré un enfantement qui pose pour l’instant beaucoup de problèmes aux théoriciens (voir page précédente), il est probable que des « planétésimaux », c’est à dire des corps solides de l’ordre du kilomètre, vont finir par se former dans le disque. Ces planétésimaux vont ensuite eux aussi croître par collisions mutuelles, mais le processus d’accrétion est radicalement différent de ce qu’il était pour les petits grains, car c’est maintenant la force de gravité qui va faire « coller » les corps les uns aux autres. Le critère pour qu’il y ait accrétion est que la vitesse de collision vcoll doit être inférieure à la vitesse de libération vlib des 2 corps impactant. Pour des corps de l’ordre du kilomètre, vlib est de l’ordre de quelques m/s, soit la vitesse d’un piéton (pressé).

Si tous les planétésimaux avaient la même taille et croissaient ensemble, alors il faudrait environ 1 million d’années pour former un corps de 1000km aux alentours de 1 UA. On pense cependant que le processus d’accrétion est en fait beaucoup plus rapide, et ce du fait de la dispersion en taille des planétésimaux. Si en effet certains planétésimaux sont initialement plus gros que les autres, alors leur vitesse de libération sera supérieure et ils auront tendance à dévier les autres corps vers eux. Ceci les fera grossir plus rapidement, donc acquérir une vlib encore plus élevée, et donc dévier encore plus les petits planétésimaux vers eux, et ainsi de suite. Le processus s’emballe donc de lui même, dans une sorte d’effet « boule de neige » (voir lien1 et lien2), qui va se maintenir tant que les vitesses de collisions restent petites, de l’ordre de ce qu’elles étaient initialement (c’est à dire quelques m/s). L’accrétion boule de neige est capable de former de gros corps en seulement quelques 104 ans, sachant qu’à ce moment une grande partie de la masse de solides est encore sous forme de planétésimaux kilométriques.

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Un disque de planétésimaux (Vue d’artiste).
Crédit : http://www.spitzer.caltech.edu

Accrétion «oligarchique»

Le processus d’accrétion « boule de neige » ne peut pas continuer éternellement. Il va s’arrêter quand les quelques corps en croissance rapide deviennent suffisamment gros pour commencer à exciter gravitationnellement leur environnement. A ce moment là, la croissance ne s’emballe plus, tout en se poursuivant cependant à un rythme élevé. On entre alors dans la phase dite « oligarchique » du processus d’accrétion, car seuls les quelques heureux embryons formés par effet de boule de neige sont en croissance. On pense que la transition entre accrétions « boule de neige » et « oligarchique » a lieu lorsque la taille des embryons est de l’ordre de quelques centaines de kilomètres. La phase oligarchique va alors durer de l’ordre de 105 ans, pour former des « embryons » planétaires de la taille de la Lune.


Epuisement des ressources: fin de l'accrétion oligarchique

Au cours des phases d’accrétion « boule de neige » puis oligarchique chaque embryon fait progressivement le « vide » autour de lui. Le disque est alors structuré en régions concentriques à l’intérieur desquelles un seul gros corps dominant a émergé. Chaque embryon peut accréter les planétésimaux se situant à l’intérieur de sa « zone d’alimentation », correspondant à tous corps dont l’orbite peut être déviée sur l’embryon par focalisation gravitationnelle (cf. lien). Schématiquement, cette zone d’alimentation correspond à un anneau circulaire centré sur l’embryon, dont la largeur augmente à mesure que l’embryon grossit. Cependant, comme la masse disponible à l’intérieur de la zone d’alimentation croît moins vite que le taux auquel cette masse est accrétée par l’embryon, on aboutit in fine à une situation où la zone d’alimentation est vide. A ce moment, la phase de croissance par accrétion de petits planétésimaux s’arrête. Dans la région des planètes telluriques, on peut calculer qu’à ce stade, des corps d’environ 1000km se sont formés (cf. page d’exercice)

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Vidage de la zone d’alimentation autour d’un embryon planétaire en croissance.
Crédit : Philippe Thebault

Interaction entre embryos, phase finale de l'accrétion

Comme nous l’avons vu à la page précédente, l’accrétion boule de neige et oligarchique ne permet sans doute pas de former directement des planètes, mais s’arrête, par épuisement de la matière (planétésimaux, poussière, etc …) à accréter, lorsque des embryons planétaires de la taille de la Lune ont été formés. Heureusement (si, du moins, on considère l’apparition de planètes comme un bien), ces embryons sont alors devenus suffisamment massifs pour se perturber mutuellement à distance. Ces perturbations vont rendre leurs orbites excentriques, et celles-ci vont pouvoir se croiser. Ces collisions entre embryons vont se faire à vitesses élevées, mais les embryons sont maintenant suffisamment massifs pour que l’accrétion mutuelle soit possible même lors d’impacts assez violents.

Ce « jeu de quilles » entre embryons va durer quelques millions, voire quelques dizaines de millions d’années. A la fin de cette période extrêmement violente, la plupart des milliers d’embryons formés par l’accrétion oligarchique ont disparu. Ils ont été soit éjectés du système solaire, soit (pour la plupart) accrétés par les quelques heureux gagnants qui vont devenir les planètes que nous connaissons aujourd’hui.

Notons que, dans les régions internes du système solaire, ces planètes ne vont jamais devenir suffisamment massives pour pouvoir accréter le gaz qui est encore présent dans le disque. On verra qu’il en va tout autrement dans la région des planètes géantes (cf. lien).

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Vue d’artiste d’une collision entre 2 embryons massifs.
Crédit : http://www.spitzer.caltech.edu

formation de la lune

Les datations isotopiques indiquent que la Lune s’est formée entre 30 et 200 millions d’années après la Terre. Ceci place la formation de la Lune vers la fin de la phase agitée de collisions entre embryons planétaires (cf. page précédente). Les modèles récents postulent d’ailleurs que la formation de la Lune est due à un impact géant entre la proto-Terre et une autre proto-planète, appelée « Theïa », peut-être de la taille de Mars. Dans le modèle « standard » de Robin Canup (cf. image), Theïa impacte la Terre à vitesse élevée et est détruite ; un nuage de débris extrêmement chauds, essentiellement formé du manteau de Theïa se forme en orbite autour de la proto-Terre (qui est partiellement détruite par l’impact mais survit cependant), la Lune s’accrète ensuite à partir de cet anneau de débris en refroidissement. Un tel impact expliquerait plusieurs des caractéristiques peu banales de la Lune : 1) La Lune est très pauvre en fer comparée à la Terre. 2) Elle est également très pauvre en éléments volatiles (H20, Azote, CO2, etc…), 3) le timing pour la formation, 4) le moment angulaire très élevé du couple Terre-Lune.

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Simulation numérique de l’impact Terre-Theia ayant donné naissance à la Lune.
Crédit : Robin Canup (Southwest Research Institute)

Des analyses récentes d’échantillons lunaires ont cependant mis en évidence un problème majeur avec cette théorie : le fait que la surface de la Lune ait la même composition isotopique que la Terre pour les éléments O, Ti, Cr, W et K. Ceci n’est pas possible si la Lune est pour l’essentiel constituée de matière « theïenne », dont la composition isotopique a a priori peu de chances de ressembler à celle de la Terre, car étant probablement formée ailleurs dans le système solaire. Pour tenter de résoudre ce paradoxe, plusieurs modèles récents ont exploré différentes théories. Il est possible par exemple que le disque de débris post-impact ait été tellement chaud et dense qu’un équilibre isotopique avec la composition terrestre s’est fait. Il est possible également que la Terre et Theïa aient une origine commune. Alternativement, un impact plus énergétique (appelée « hit and run ») pourrait également arracher plus de matière à la Terre et faire que le disque de débris pré-lunaire soit dominé par de la matière terrestre. Enfin, si la rotation sur elle-même de la proto-Terre était initialement extrêmement rapide, alors l’impact avec Theïa aurait pu arracher énormément de matière du manteau terrestre pour former le disque pré-lunaire. Toutes ces théories ont leurs avantages et leurs défauts, mais on peut remarquer qu’aucune d’entre elles ne remet en cause le fait que la Lune se soit formée à partir d’un impact Terre-Theïa.


Et le gaz dans tout ça? Dispersion du disque primordial

Toutes les étapes de formation dont nous venons de parler se font dans un disque protoplanétaire dont l’essentiel de la masse est encore sous forme de gaz primordial (surtout de l’hydrogène). Les grains et les planétésimaux en croissance interagissent très fortement avec ce gaz et nous avons vu que ce gaz est sans doute essentiel pour que l’accrétion des plus petits grains puisse se faire.

Ce disque de gaz primordial n’est cependant pas éternel. L’observation des jeunes étoiles montre en effet que les disques proto-planétaires primordiaux se dispersent sur des échelles de temps comprises entre 1 et 10 millions d’années, la durée de vie moyenne étant sans doute de l’ordre de 3 millions d’années pour une étoile de type solaire. Ceci place la dispersion du disque sans doute au cours de la phase finale d’interactions mutuelles entre gros embryons (cf. lien).

Reste à expliquer pourquoi et comment le disque se disperse. Il existe pour cela plusieurs mécanismes possibles, comme par exemple le vent stellaire de l’étoile en phase T-Tauri, ou l’accrétion visqueuse du disque sur l’étoile. La cause la plus probable semble cependant être l’effet de « photo-évaporation » dû au rayonnement ultra-violet de la jeune étoile, qui, couplé à la viscosité du disque, est capable de disperser très rapidement le disque de gaz hydrogène après l’avoir « coupé » en deux (voir PHOTO-EVAPORATION).

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Proportions d’étoiles étant entourées de disques proto-planétaires massifs, dans différents amas stellaires ayant des âges différents.
Crédit : Roccatagliata et al., 2011, (the Astrophysical Journal).

Le scénario standard: formation des planètes géantes

Auteur: Philippe Thébault

Formation des planètes géantes ... Une toute autre histoire?

Le scénario présenté dans les pages précédentes se rapportait à la formation des planètes telluriques. La formation des planètes géantes est un problème en partie différent, avec quelques contraintes spécifiques. Les plus évidentes étant qu’il faut arriver à accréter beaucoup plus de matière sur chaque planète, entre 15 et 300M_earth, et qu’en plus, pour Jupiter et Saturne du moins, il faut arriver à accréter une énorme quantité de gaz (cf. lien). Cette accrétion du gaz pose de plus une contrainte très forte sur le timing de la formation de ces planètes, qui doit être achevée avant la dispersion du disque de gaz primordial, c’est à dire avant 10 millions d’années maximum (cf. lien). Enfin, il faut trouver un scénario de formation qui explique pourquoi Jupiter et Saturne sont très riches en gaz alors qu’Uranus et Neptune ne le sont pas.

Il reste que, comme on va le voir, le scénario « standard » de formation des géantes est, pour l’essentiel, une adaptation du scénario standard pour la formation des telluriques, en y rajoutant une étape finale d’accrétion d’une enveloppe de gaz massive. Cependant, comme nous le verrons également, ce scénario rencontre des difficultés, principalement le timing très strict pour l’accrétion du gaz, qui ont conduit plusieurs chercheurs à envisager un mode alternatif (et spécifique) de formation pour les planètes géantes, basé sur un effondrement gravitationnel direct dans le disque.


Le Modèle «standard» de formation des géantes: le «coeur solide»

Dans ce scénario auquel adhère une majorité de chercheurs (mais attention, majorité n’est pas vérité !), la formation des géantes suit un processus par étapes qui ressemble fortement à ce qu’il est pour les planètes telluriques. Il commence notamment par la condensation de particules solides qui vont ensuite se coller entre elles par collisions et former des planétésimaux, planétésimaux qui vont ensuite former, par accrétion gravitationnelle, des embryons planétaires massifs.

La différence essentielle est que nous sommes ici au delà de la limite des glaces, et que donc les particules solides qui vont constituer les briques de la formation planétaire sont composées de roches et de glaces. On estime que ceci multiplie par 4 la quantité de matière solide disponible (voir MMSN). Les planétésimaux vont donc être plus gros et pouvoir former des embryons planétaires plus massifs. Ceci va également permettre d’accélérer le processus d’accrétion, et compenser le fait que les vitesses orbitales (et donc les rencontres proches) sont plus faibles dans les régions externes.

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Principales étapes de la formation d’une planète géante dans le scénario du « cœur solide » : a) Accrétion « boule de neige » sur un embryon solde ‘roche + glace) qui se détache des planétésimaux environnants 
Crédit : Observatoire de Paris
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Principales étapes de la formation d’une planète géante dans le scénario du « cœur solide » :b) Quand l’embryon atteint environ 10 M_Terre, il commence à accréter le gaz alentour ;
Crédit : Observatoire de Paris
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Principales étapes de la formation d’une planète géante dans le scénario du « cœur solide » : c) Quand la masse de gaz accrétée est comparable à celle du cœur solide, l’accrétion du gaz s’emballe
Crédit : Observatoire de Paris

Modèle du coeur solide (2): accrétion du gaz sur jupiter et saturne

La présence de glace d’eau permet à la phase d’accrétion boule de neige et oligarchique de former des embryons planétaires bien plus massifs que dans les régions internes. Si cette masse dépasse environ 10 MTerre, alors la force d’attraction de la proto-planète est suffisante pour commencer à accréter le gaz qui l’entoure. Cette accrétion du gaz est tout d’abord progressive: il se forme une atmosphère dense dont la masse augmente linéairement avec le temps. Mais quand la masse de gaz devient comparable à celle du cœur solide au centre, cette atmosphère devient instable et s’effondre. L’accrétion du gaz s’emballe alors extrêmement vite, et permet d’accumuler plusieurs dizaines de masses terrestres en quelques milliers d’années (voir Figure) .Les 3 étapes de ce processus ont des durées très différentes : la phase initiale d’accrétion oligarchique de cœur solide dure 105 ans, l’accrétion progressive de l’enveloppe de gaz se fait sur plusieurs millions d’années, alors que la phase finale d’effondrement et d’accrétion brutale du gaz se fait en quelques milliers d’années seulement.

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Evolution de la masse du cœur solide (MZ) , de gaz (MZ), et de la masse totale de Jupiter dans les simulations numériques de Pollack et al., 1996 (Astrophysical Journal)
Crédit : Observatoire de Paris

Les limitations du modèle coeur solide

Comme nous l’avons déjà évoqué, la présence du gaz dans Jupiter et Saturne impose que la formation de ces planètes doit être achevée avant la dispersion du disque gazeux primordial, c’est à dire avant 10 millions d’années dans les hypothèses les plus optimistes (cf. lien) .

Il se trouve que beaucoup de modèles théoriques buttent sur cette contrainte temporelle. L’étape la plus problématique est la formation d’un cœur solide de masse 10 MTerre en moins de 1 millions d’années (sachant qu’ensuite l’étape d’accrétion progressive du gaz va durer plusieurs millions d’années supplémentaires). Avec la nébuleuse solaire de masse minimale, les simulations les plus optimistes arrivent à former un tel cœur solide au niveau de Jupiter, mais en aucun cas au niveau de Saturne, sans parler d’Uranus ou de Neptune. Le problème de Saturne peut certes se résoudre avec un disque massif de 10xMMSN, ce qui n’est pas l’hypothèse la plus générique mais reste une possibilité au vu des observations de disque. En revanche, la formation in-situ d’Uranus et Neptune ne semble pas possible dans le scénario de « cœur solide », même en tirant les paramètres à leurs limites.

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Simulation numérique montrant l’évolution dans le temps de la masse (en masses terrestres) du plus gros corps formé (ligne en trait plein) à différents endroits de la nébuleuse proto-planétaire solaire (MMSN).
Crédit : E. Thommes, (Astrophysical Journal).

Migration des proto-planètes et planètes

On sait depuis les années 70 qu’une planète immergée dans un disque de gaz interagit dynamiquement avec lui, et que cette interaction peut être suffisante pour significativement faire migrer la planète. Curieusement, ce mécanisme a, dans un premier temps, été largement ignoré dans les modèles de formation planétaire, sans doute parce-que les premières versions de ces modèles n’avaient pas vraiment besoin de migration. La situation a radicalement changé avec la découverte des premières exoplanètes, et en particulier des « Jupiter chauds » très massifs et très près de leur étoile, strictement impossibles à former avec le modèle standard (cf. lien). Par ailleurs, les problèmes rencontrés par le scenario de cœur solide pour former Uranus et Neptune in-situ, ont eux aussi rendu attractive la possibilité d’une migration (cf. page précédente). Aujourd’hui, tous les modèles de formation planétaire prennent en compte la migration, qui est un mécanisme essentiel pour expliquer certaines caractéristiques du système solaire ainsi que nombre d’exoplanètes

Il faut cependant distinguer 2 mécanismes de migration bien distincts : la migration des proto-planètes par interaction avec le disque gazeux primordial, et celle, plus tardive, des planètes avec le disque résiduel de planétésimaux.


Migration dans le disque de gaz primordial

Migration de Type I

Quand une proto-planète atteint une masse comparable à celle de la Terre alors que le disque de gaz est encore présent, elle se met à interagir dynamiquement avec celui-ci. Plus spécifiquement, la planète interagit avec les ondes de densité qu’elle crée dans le disque de gaz. Pour des profils de densité « standard », le bilan de ces interactions est une perte de moment cinétique de la planète, et donc une migration de celle-ci vers l’intérieur. La migration peut alors être très rapide, et faire tomber la planète sur l’étoile en quelques 104 ans seulement ! Ce mécanisme a un seul problème : il est trop efficace ! Comment expliquer que les planètes telluriques de notre système solaire n’aient pas été avalées par le soleil ? Il existe plusieurs solutions à ce paradoxe. La première est que le soleil a bien avalé quantité de proto-planètes telluriques, et que celles que nous voyons aujourd’hui proviennent de plus loin dans le disque et ont migré pour prendre la place laissée vide. Le corollaire est alors bien sur qu’il y avait au départ bien plus de matière solide dans le disque que ce que nous voyons aujourd’hui. Une autre solution est que l’accrétion des proto-planètes telluriques ne s‘achève qu’après la dispersion du disque de gaz. Dans ce cas, pas (ou peu) de migration, car seuls des embryons oligarchiques << M_earth étaient formés quand le disque primordial est encore présent.

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Migration de Type I pour planète de masse terrestre dans un disque proto-planétaire. On voit que la planète créé des sillons (des ondes de densité) dans le disque, mais n’est pas capable de vider la région autour d’elle.
Crédit : Simulations numériques de Frédéric Masset (CEA).

Migration de Type II

Pour des proto-planètes géantes de plus de 10M_earth, la situation change. Ces objets vont en effet creuser un sillon dans le disque de gaz et vider la région autour d’eux. Une fois ce « trou » créé, l’évolution radiale de la planète est couplée à celle du disque. Or, comme celui-ci spirale lentement vers l’étoile en raison de sa viscosité, la planète va elle-aussi migrer au même rythme. Cette migration régulière est a priori plus lente que celle de type I, et se fait sur une échelle de temps comparable à l’échelle de temps visqueuse du disque. Elle semble cependant inévitable pour toute planète géante en croissance. Et là encore se pose la question : quid des géantes du système solaire ainsi que de toutes les exoplanètes géantes observées à plusieurs UA de leur étoile ? Comment ont elles pu échapper à ce destin fatal ? La réponse pourrait être ici que l’union fait la force. En effet, si une planète migre toujours vers l’intérieur, deux planètes ensembles peuvent elles stopper cette migration, voir même l’inverser à condition que les ouvertures creusées par les 2 planètes se chevauchent et que la planète interne soit 2-4 fois plus grosse que l’autre. C’est ce qui s’est peut-être produit pour le couple Jupiter/Saturne, lors d’un processus migratoire complexe appelé le « Grand Tack » (cf. lien).

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Migration de Type II pour planète de masse 15 M_earth. LA planète est à présent capable de creuser un large vide autour d’elle. Elle « figée » dans le disque et va migrer lentement vers l’intérieur à mesure que le disque spirale vers l’étoile par accrétion visqueuse.
Crédit : Simulations numériques de Frédéric Masset (CEA).

Migration tardive après la dispersion du disque

Les migrations de Type I et II cessent après la dispersion du disque de gaz. Mais les planètes peuvent tout de même continuer à bouger, mais c’est cette fois ci en interagissant avec les planétésimaux résiduels non utilisés dans l’accrétion planétaire. En effet, à la fin de la phase oligarchique, une grande partie de la masse de solides est sans doute toujours sous forme de planétésimaux kilométriques. Les interactions des planètes avec ce disque de planétésimaux peuvent être complexes, car, à la différence du gaz, ceux ci peuvent être perturbés sur des orbites très excentriques, « rebondir » d’une planète à l’autre, voire éjectés du système. On pense que c’est un tel processus d’interaction planétésimaux/planètes qui est à l’origine de la structure actuelle du système solaire externe. C’est en particulier ce jeu de billard planétaire qui aurait placé Uranus et Neptune à leur position actuelle à 20 et 30 UA du soleil, alors que ces planètes se sont sans doute formés beaucoup plus près du soleil. Ceci pourrait résoudre les problèmes rencontrés par le scénario de cœur-solide pour former des planètes géantes loin de leur étoile (cf. lien).

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Le « modèle de Nice ». Les 4 planètes géantes se forment dans une région compacte en deçà de 15 UA du soleil. Après la dispersion du disque de gaz, elles interagissent avec les petits planétésimaux restant et migrent vers l’intérieur (Jupiter) ou vers l’extérieur (Saturne, Uranus et Neptune). Au bout d’environ 500 millions d’années, les planètes géantes passent par une phase dynamiquement chaotique qui disperse et éjecte quantité de planétésimaux dans le jeune système solaire. C’est cette phase chaotique qui serait à l’origine du Bombardement Massif Tardif (« Late Heavy Bombardment ») de météorites dont la Lune a gardé trace, ainsi que de la formation de la Ceinture de Kuiper au delà de l’orbite de Neptune.
Crédit : Observatoire de Paris

Un scénario alternatif: formation des géantes par instabilité gravitationnelle

Même si, on l’a vu, des pistes existent pour résoudre les problèmes rencontrés par le scénario « cœur solide » pour former Saturne « à temps » ou pour former Uranus et Neptune tout court, certains chercheurs envisagent des solutions plus radicales : abandonner le modèle standard et le remplacer par un scénario alternatif. Ce scénario est celui d’une formation par instabilité gravitationnelle dans le disque protoplanétaire gazeux. Ce disque n’est en effet pas homogène, et, inévitablement, des surdensités (des « grumeaux ») locales peuvent exister. En principe la pression thermique du gaz empêche l’effondrement gravitationnel de ces surdensités, et, de plus, la rotation képlérienne différentielle a tendance à les disperser rapidement. Cependant, si le disque est suffisamment dense et froid, alors ces grumeaux pourraient devenir gravitationnellement instables.

Ce scénario avait tout d’abord été proposé dans les années 70 pour expliquer la formation de toutes les planètes, mais avait rapidement été abandonné pour les planètes telluriques ,car il est très difficile de développer des instabilités dans le disque interne du fait de la forte chaleur et du fort cisaillement képlérien. Dans le disque externe, cependant, les conditions sont plus favorables, car la pression thermique et le cisaillement képlérien y sont moins forts. Des simulations numériques (cf. Image) ont ainsi montré qu’un disque protoplanétaire peut effectivement développer des instabilités locales. L’avantage de la formation par instabilité est qu’elle est en principe extrêmement rapide, de l’ordre de quelques centaines d’années seulement au niveau de l’orbite de Jupiter. Cependant, une grande inconnue subsiste : pour que ces instabilités initiales aillent jusqu’au bout et forment des planètes il faut qu’elles soient capable de se refroidir rapidement à mesure qu’elles se contractent. Or aucune simulation n’a encore prouvé à ce jour que cela était possible. Le scenario par instabilité a cependant connu un très fort regain d’intérêt avec la découverte récente de planètes extrasolaires géantes orbitant très loin, parfois à plus de 100UA, de leur étoile. De telles planètes sont en effet a priori strictement impossibles à former avec le scenario de « cœur solide », alors que le modèle par instabilité devient, lui, plus efficace dans ces régions externes. L’autre alternative étant, bien sur, que ces planètes se soient formées par cœur solide plus à l’intérieur et aient ensuite migrées vers l’extérieur (cf. page précédente).

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Formation de condensations de matière dans un disque proto-planétairepar instabilité gravitationnelle.
Crédit : Simulations numériques de Ken Rice (University of California)

La formation de la ceinture d’astéroides

Le système solaire ne se résume pas, loin s’en faut, aux planètes. Il est également peuplé d’une quantité innombrable de petits corps, la plupart d’entre eux regroupés dans 2 vastes structures. La plus célèbre est sans aucun doute la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter. On sait aujourd’hui que cette ceinture n’est probablement pas constituée des débris d’une ancienne planète qui aurait été détruite. On a plutôt affaire à une région où une planète n’a jamais pu se former, très probablement en raison des perturbations de Jupiter. Un point très important est que la masse totale de cette ceinture est très faible par rapport à ce à quoi on pourrait s’attendre dans un disque proto-planétaire ayant formé les planètes telluriques et géantes. Si on prend par exemple la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN), alors on estime qu’il devait y avoir initialement 1000 fois plus de matière solide dans la région des astéroïdes qu’il n’y en a aujourd’hui. Le grand défi de tout modèle de formation est donc d’expliquer comment 99.9% de la masse de la ceinture d’astéroïdes a pu disparaître.

Il n’existe aujourd’hui pas encore de consensus sur comment la ceinture s’est formée. Ce qui est sur est qu’il est impossible que les perturbations dynamiques de Jupiter (du moins, du Jupiter actuel) puissent à elles-seules éjecter autant de matière entre 2 et 4UA. Une solution pourrait être que les perturbations de Jupiter aient agi de manière indirecte, en excitant de gros embryons planétaires formés dans la ceinture, et que ces embryons, une fois placés sur des orbites excentriques, aient perturbés et éjectés l’essentiel des astéroïdes primitifs. Un autre scénario, qui a actuellement le vent en poupe, est celui dit du « Grand Tack ». Ce modèle suppose que les 4 planètes géantes se sont formées plus près du Soleil que leurs positions actuelles, et aient ensuite migré dans le disque. Jupiter aurait tout d’abord migré vers l’intérieur jusqu’à 1.5UA du Soleil (migration type II, voir lien) et éjecté l’essentiel de tous les corps présents dans la région astéroïdale actuelle. Mais une fois que Saturne l’a quasiment rejoint, les interactions entre les 2 planètes géantes vont les refaire migrer vers l’extérieur, destin que vont aussi partager Uranus et Neptune. Dans le chaos dynamique qui s’ensuit alors, des planétésimaux issus des régions externes vont être injectés dans la région <4UA (cf. image). La ceinture d’astéroïde est alors au final peuplée d’un mélange de corps provenant de différentes régions du système solaire, mais sa masse totale reste très faible.

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Formation de la ceinture d’astéroides dans le modèle du « Grand Tack ».
Crédit : Sean Raymond (Université de Bordeaux).

Formation planètaire dans les étoiles binaires

Le scénario de formation planétaire présenté aux pages précédentes suppose implicitement que le disque proto-planétaire et les planètes orbitent autour d’une étoile seule et isolée. Cette configuration pourrait a priori nous sembler la plus « naturelle », mais nous sommes ici fortement biaisés par le cas particulier qui est le nôtre : le système solaire. En réalité, la majorité des étoiles se trouvent dans des systèmes stellaires multiples, le plus souvent des binaires. On connaît aujourd’hui près d’une centaine d’exoplanètes habitant de tels systèmes (cf. Figure), et ce chiffre est sans doute sous-estimé, car les programmes de détection de planètes extrasolaires ont longtemps sciemment évité les systèmes binaires. La question qui se pose ici est, bien entendu, de savoir si la binarité influe sur le processus de formation planétaire, et si oui, comment ?

Pour de nombreuses binaires avec exoplanètes, la séparation entre les 2 étoiles est très grande, parfois plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’UA. Il est probable que, dans ce cas, la présence d’un compagnon stellaire ait eu une influence assez limitée sur l’accrétion de planètes autour de chaque étoile. Mais il existe des exoplanètes dans des binaires ayant des séparations de moins de 100UA, et on recense même 4 planètes dans des binaires séparées d’environ 20UA (cf. Figure). Pour mettre les choses en perspective, c’est comme si, dans le système solaire, on remplaçait Uranus par une étoile plus de 1000 fois plus massive ! Il paraît évident que les perturbations d’une étoile si proche vont fortement affecter la formation planétaire. Et c’est ce qu’ont effectivement montré de nombreuses études théoriques au cours de la dernière décennie. Ces études arrivent même à un résultat assez déconcertant, à savoir qu’il semble impossible de former les exoplanètes des binaires Gamma Cephei, HD196885 et HD40004 avec le modèle standard. Comment expliquer alors l’existence paradoxale de telles planètes ? Est ce que la formation planétaire se fait par un processus différent dans les binaires ? Ou bien est ce que c’est le modèle « standard » lui même qui doit être révisé pour expliquer ces cas « extrêmes »? Ou bien, solution moins radicale, est ce que ces binaires serrées étaient beaucoup plus séparées dans leur jeunesse, permettant alors à la formation planétaire de se faire dans un environnement beaucoup moins perturbé ? Ces questions sont encore loin d’être tranchées et les prochaines années devraient nous apprendre beaucoup sur cette problématique encore relativement recente.

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Structure de tous les systèmes binaires contenant au moins une exoplanète détectée (au 1/1/2014). Le cercle bleu indique la distance de la planète par rapport à l’étoile centrale, et le cercle jaune celle du compagnon stellaire. La taille du cercle bleu est proportionnelle à la masse de la planète. Les petits segments horizontaux traversant les petits cercles indiquent les excursions radiales des planètes et étoiles compagnons dues à l’excentricité de leurs orbites. Le segment vertical noir indique la limite externe de stabilité orbitale autour de l’étoile primaire (toute orbite au delà de cette limite est instable en raison des perturnations de l’étoile secondaire).
Crédit : Philippe Thebault.

Comprendre

Auteur: Philippe Thébault

Datation Radio-Isotopique


Datation radio-isotopique: Principe

Certains noyaux atomiques, appelés radioisotopes, sont naturellement instables et peuvent spontanément se désintégrer en noyaux moins massifs et stables, libérant de l’énergie sous forme de rayonnement. La décroissance du nombre N d’un type de radioisotopes {}^{p}A en un élément {}^{q}B suit une décroissance exponentielle d*N/dt prop-lambda*N . Où la quantité t_{1/2} = ln(2)/\lambda est le temps de demi-vie caractéristique de l’élément. Dans le cas le plus simple où aucun élément B n’est présent initialement le temps t peut être trouvé directement par le rapport B/A. Mais en réalité les choses ne sont jamais aussi simples, et ce pour au moins 2 raisons :

1) Il y a a priori toujours du {}^{q}B présent à t=0 ou, du moins, il est impossible d’exclure cette présence. Et on ne connait pas a priori cette quantité initiale de {}^{q}B

2) l’isotope {}^{q}B n’est souvent pas le seul possible pour l’élément B, qui peut également exister sous la forme {}^{q'}B, ce qui peut fortement compliquer les choses. En effet, dans un matériau à l'état gazeux ou liquide, les isotopes {}^{q}B et {}^{q'}B vont naturellement s'équilibrer entre eux à une valeur d'équilibre. En conséquence, dès qu'un matériau fond ou fusionne, toute information sur la quantité d'isotope {}^{q}B produite par désintégration de {}^{p}A va être perdue par cette mise à l'équilibre isotopique (autrement dit, toute fusion est un "reset" des isotopes de B).

Ceci va rendre la datation plus compliquée, mais elle reste néanmoins possible, du moins pour remonter jusqu'au moment de la dernière condensation du matériau. On peut grosso-modo distinguer 2 types de datation : datation absolue et datation relative.


Datation absolue

La désintégration de {}^{238}U en {}^{206}Pb a un temps de ½ vie de 4.47 109 ans, idéal pour mesurer l’âge des plus anciens corps du système solaire. Mais {}^{206}Pb n’est pas l’isotope naturel du Pb, qui est {}^{204}Pb. On obtient alors la relation suivante, liant les abondances de {}^{238}U, {}^{206}Pb et {}^{204}Pb:

\left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_P = \left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I + \left (\frac{{}^{238}U}{{}^{204}Pb} \right )_I  \left ( 1- e^{-\lambda_{238}t}  \right )

= \left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I + \left (\frac{{}^{238}U}{{}^{204}Pb} \right )_{P}  \left ( e^{\lambda_{238}t} -1  \right )

où les indices P et I se réfèrent aux abondances actuelles et initiales, respectivement. Le moment "initial" correspond à l'instant où l'objet en question s'est solidifié pour la dernière fois. En effet, dès que le corps fond ou se sublime en gaz, les proportions des 2 isotopes {}^{206}Pb et {}^{204}Pb s'équilibrent rapidement à leur proportion "naturelle" et toute information sur la désintégration de {}^{238}U est perdue (voir page précédente ). A cet instant initial le rapport {}^{206}Pb/{}^{204}Pb est donc égal à la valeur d'équilibre. En revanche, une fois le corps solidifié, un excès de l'isotope {}^{206}P va petit à petit se créer à mesure que {}^{238}U se désintègre. La variable inconnue est ici la quantité initiale absolue de {}^{206}Pb (ou de {}^{204}Pb), que l'on ne connaît pas a priori. Heureusement, il existe un deuxième type de désintégration d’U en Pb, la réaction {}^{235}U \Rightarrow {}^{207}Pb , dont le temps de vie est de 704 106 ans, et qui va nous permettre de contraindre les abondances initiales. Les équations sont alors:

\left (\frac{{}^{207}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_P = \left (\frac{{}^{207}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I + \left (\frac{{}^{235}U}{{}^{204}Pb} \right )_P  \left (e^{\lambda_{235}t} -1 \right )

\left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_P = \left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I + \left (\frac{{}^{238}U}{{}^{204}Pb} \right )_P  \left (e^{\lambda_{238}t} -1 \right )

Et donc: F = \left [\frac{\left (\frac{{}^{207}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_P -\left (\frac{{}^{207}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I }{ \left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_P - \left (\frac{{}^{206}Pb}{{}^{204}Pb} \right )_I} \right ]=\left ( \frac{1}{137.88} \right )\left ( \frac{e^{\lambda {}_{235}t} -1}{e^{\lambda {}_{238}t} -1} \right )

où 137.88 est la valeur présente de \frac{{}^{238}U}{{}^{235}U}, qui est une constante globale du système solaire actuel, et \lambda_{235}= \ln(2) / \tau_{235}, \lambda_{238}= \ln(2) / \tau_{238}. Cette relation est directement exploitable pour toute météorite non-homogène initialement, mais dont tous les composants se sont formés à la même époque. En effet, dans ce cas, les rapports initiaux {}^{206}Pb/{}^{204}Pb et ^{207}Pb/{}^{204}Pb sont les mêmes partout dans la météorite et sont égaux à leurs valeurs d'équilibre (indiquées par a0 et b0 sur la figure). Par conséquent, dans un graphe {}^{206}Pb/{}^{204}Pb vs. ^{207}Pb/{}^{204}Pb , toutes les mesures du rapport F doivent se situer une même droite, appelée isochrone, dont la pente va directement donner l’âge de la météorite (cf. Figure).

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Isochrone isotopique construite à partir des abondances actuelles relatives de 207Pb, 206Pb et 204Pb en différents endroits d’une même météorite
Crédit : Observatoire de Paris

Datation relative

La désintégration radioactive permet également de dater des corps même bien après la disparition des radionucléotides concernés (c'est à dire bien au delà du temps de 1/2-vie de la désintégration concernée). C’est le cas par exemple de la désintégration {}^{26}Al \Rightarrow{}^{26}Mg, dont le temps de ½ vie est de « seulement » 720 000ans. Notons que ni {}^{26}Al, ni {}^{24}Mg ne sont des isotopes naturels de leurs éléments, qui sont, respectivement, {}^{27}Al et {}^{24}Mg. A la différence de la désintégration d’{}^{238}U, il n’existe aujourd’hui plus de {}^{26}Al que l’on puisse mesurer. En principe, on a donc :

({}^{26}Mg)_P=({}^{26}Mg)_I+({}^{26}Al)_I

Cette équation n’est pas d’une grande aide en elle-même, mais, comme pour la datation absolue, on peut tirer parti de la non-homogénéité d’une météorite donnée. Si en effet deux endroits de cette météorite avaient initialement des teneurs totales en Al (tous isotopes confondus) différentes, mais que la proportion de \frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} était, elle, la même, alors l’excès de {}^{26}Mg ne sera aujourd’hui pas partout le même, et cet excès sera relié à l’abondance actuelle locale de \frac{{}^{27}Al}{{}^{24}Mg} par la relation :

\left ( \frac{{}^{26}Mg}{{}^{24}Mg} \right)_P = \left ( \frac{{}^{26}Mg}{{}^{24}Mg} \right)_I + \left ( \frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} \right)_I + \left ( \frac{{}^{27}Al}{{}^{24}Mg} \right)_P

Les mesures de \frac{{}^{26}Mg}{{}^{24}Mg} et \frac{{}^{27}Al}{{}^{24}Mg} en différents endroits de la météorite vont alors tracer une isochrone dont la pente donnera la teneur initiale en \frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} (voir Figure).

Maintenant, si on compare les teneurs initiales de \frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} obtenus pour différentes météorites, on peut obtenir une datation relative des temps de formation de ces météorites. En effet, étant donné le temps de vie très court de {}^{26}Al, sa teneur par rapport à {}^{27}Al pourra être très différente suivant l’instant où la météorite s’est formée. Si on compare les valeurs \left (\frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} \right )_Idans 2 météorites différentes, on obtient ainsi la datation relative de leur formation par la formule:

\left (\frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} \right)_I^1 = \left (\frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} \right)_I^2 e^{-\lambda(t_1- t_2)}

t_1 et t_2 sont les instants de formation des 2 météorites, et \lambda est le taux de désintégration de la réaction {}^{26}Al \Rightarrow {}^{26}Mg

Il faut cependant ici bien faire attention à deux points très importants :

  1. ces mesures relatives ne sont possibles que si {}^{26}Al était uniformément distribué dans la nébuleuse initiale. Les dernières recherches semblent cependant montrer que tel était bien le cas. 
  2. la fraction de \left (\frac{{}^{26}Al}{{}^{27}Al} \right )_{0} estimée correspond à ce qu’elle était au moment de la dernière condensation de l’objet. En effet, quand le corps est dans un état fluide (gaz, liquide), les abondances de {}^{26}Mg et {}^{24}Mg se ré-équilibrent automatiquement à leurs proportions « naturelles » et tout excès antérieur de {}^{26}Mg est effacé. Autrement dit, le chronomètre isotopique se « reset » lors de tout épisode de très forte température.
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Isochrone obtenue à partir des abondances actuelles des différents isotopes de Mg et Al dans la météorite carbonée « Alliende »
Crédit : Observatoire de Paris

La barrière du mètre

Comme nous l’avons vu (cf. lien), une des étapes les plus délicates du scénario standard de formation planétaire est celle qui fait passer des premières poussières condensées dans la nébuleuse aux planétésimaux kilométriques. La principale difficulté étant atteinte pour des corps de 10cm-1m, pour lesquels les vitesses de collision deviennent trop élevées pour permettre l’accrétion, et qui vont de plus avoir un mouvement de dérive très rapide vers l’étoile centrale. Ces deux problèmes sont tous deux liés à l’action du gaz sur les corps solides. En effet, toute particule solide plongée dans un milieu gazeux subit la friction de ce gaz, qui va être proportionnelle à la surface de contact entre le gaz et l’objet. Cette friction peut ainsi s’exprimer sous la forme

F \propto K\sigma\Delta_V

\Sigma est la section efficace du corps ( \pi r^2) et \Delta_V la différence de vitesse entre le gaz et la particule. Si maintenant on applique le principe fondamental de la dynamique, on obtient que l’accélération a due au gaz vaut:

a=\frac{1}{M}K\sigma\Delta_V \propto \frac{1}{r}\Delta_V(r)

On pourrait a priori se dire que, dans le cas présent, \Delta_V est nul car aussi bien le gaz que les corps solides orbitent autour de l’étoile suivant les mêmes lois de Kepler, et donc en principe à la même vitesse orbitale v_{kep}=(GM/R)^{1/2}. Mais il y a en fait une différence, car le gaz est lui, en plus, soumis à une force de pression due au gradient de température et de densité dans la nébuleuse. Dans un disque proto-planétaire de type MMSN, cette force de pression s’exerce de l’intérieur vers l’extérieur et tend donc à contrebalancer la gravitation de l’étoile. Tout se passe donc comme si le gaz « percevait » une étoile de masse \beta M_* < M_* et aura donc une vitesse Képlérienne v_{kep'} inférieure au v_{kep} d’un corps solide orbitant dans la vide. On dit alors que le disque de gaz est « sub-Képlérien ».

Le comportement de corps solides plongés dans ce disque de gaz est alors compris entre 2 extrêmes : les particules les plus petites (<mm) sont piégées dans le gaz et bougent avec lui, et on a dans ce cas \Delta_V= 0 et donc a=0. A l’autre extrême, les planétésimaux très massifs sont, eux, découplés du gaz et subissent de la friction, mais ne vont pas beaucoup en pâtir car le rapport \frac{1}{r} est tout petit et ils vont donc être très difficile à bouger par le gaz. Donc la aussi a=0. Entre ces 2 extrêmes, il existe un régime intermédiaire avec des corps suffisamment gros pour être découplés du gaz ( \Delta_V > 0) mais pas suffisamment massifs pour être insensibles à la friction. Ce régime de taille intermédiaire se situe autour de 10cm-1m. Pour des corps de cette taille l’effet de la friction gazeuse est maximal (cf. image). Et comme v_{kep}(gaz) < V_{kep}, cette friction aura tendance à ralentir les corps solides et à les faire dériver vers l’étoile. Cette vitesse de dérive peut atteindre plus de 50m/s, ce qui correspond à 1UA en moins de 100ans !

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Vitesse de dérive radiale (en cm/s) vers l’étoile centrale, en fonction de taille des corps solides présents dans la nébuleuse protoplanétaire de type MMSN. On voit très clairement qu’un pic est atteint pour des corps proches de la taille du mètre.
Crédit : Observatoire de Paris

Dynamique d'un disque de planétésimaux

Une population de planétésimaux orbitant le soleil ne pourra former des corps plus massifs que si les vitesses de rencontres mutuelles \Delta V_{coll} sont, pour une fraction importante de ces rencontres, inférieures à \beta V_{lib} ; où V_{lib} est la vitesse de libération à la surface de 2 planétésimaux en collision et \beta<1 un paramètre prenant en compte la dispersion d’énergie lors de l’impact. Toute la question est alors de savoir si, effectivement, ce critère \Delta V_{coll} < \beta V_{lib} va être rempli dans un disque de planétésimaux kilométriques laissé à lui même.

L’état dynamique d’un tel disque va dépendre de l’équilibre entre plusieurs mécanismes: la gravité mutuelle des planétésimaux, la force de friction du gaz primordial toujours présent à ce stade, la dissipation d’énergie lors des collisions physiques, et, bien sur, la gravité de l’étoile autour de laquelle tous les corps orbitent. Si on fait l’hypothèse simplificatrice que tous les planétésimaux ont la même taille r, alors on peut montrer que le disque va tendre vers un état stationnaire où les vitesses de rencontres vont en moyenne être de l’ordre de V_{lib}(r). Si en effet \Delta V_{coll} \ll V_{lib}, alors les déflections gravitationnelles lors de rencontres proches vont automatiquement augmenter \Delta V_{coll}. Et si, à l’inverse, \Delta V_{coll} \gg V_{eva}, alors la dissipation d’énergie cinétique lors des collisions va être très forte et fera diminuer \Delta V_{coll} . Cet équilibre autour de \Delta V_{coll} = V_{lib} est plutôt une bonne nouvelle, car il entraine qu’une fraction des collisions vont effectivement permettre l’accrétion des corps (sachant qu’il y aura toujours une dispersion des vitesses de collision autour leur valeur moyenne).

Sachant que tous ces corps sont en orbite autour d’une étoile, par exemple le Soleil, les vitesses relatives de collisions vont être directement liées à l’excentricité (et à leur inclinaison si on est en 3D) de leurs orbites : plus les orbites sont excentriques, plus \Delta V_{coll} augmente, plus elles sont circulaires, plus \Delta V_{coll} tend vers zero. Pour de petites excentricités, à l’ordre zero on peut écrire que

\Delta V_{coll} \sim eV_{kep}

Il faut réaliser que, pour des planétésimaux kilométriques, on a affaire à des vitesses très faibles, car les V_{lib} de tels corps sont de l’ordre de quelques mètres par seconde seulement. Ceci se traduit par des excentricités orbitales très faibles, de l’ordre de 0.0001 ! (cf. exercice).


Accrétion «Boule de neige»

Si tous les planétésimaux du disque avaient exactement la même taille r et grandissaient tous à la même vitesse, alors leur taux de croissance serait égal à \frac{dm}{dt} = \pi (r+r)^2 \sigma   \frac{V}{h} dt\sigma est la densité surfacique de planétésimaux, V leur vitesse relative de collision et h l’épaisseur du disque. Si on fait l’approximation raisonnable que V \sim e V_{kep} (cf. page précédente) et que h = i a (a, distance à l’étoile et e excentricité moyenne de l’orbite des planétésimaux), alors on obtient \frac{dm}{dt} = 4 \pi r^2 \sigma \frac{e}{i} \Omega_k avec \Omega_k = \frac{V_{kep}}{a}, vitesse angulaire Keplerienne. On trouve alors que \frac{dr}{dt} = cste, et que la croissance en taille est linéaire avec le temps. Pour une MMSN à 1UA on trouve qu’il faut alors quelques 106 ans pour former un corps de 1000km (cf. EXERCICE)

Mais il semble qu’en réalité l’accrétion suive un chemin beaucoup plus rapide et efficace, mais très sélectif, appelé accrétion « boule de neige ». Il est en effet plus que probable que, dans tout disque réel, toutes les tailles ne sont pas identiques et que, localement, certains planétésimaux soient, par hasard, légèrement plus grands (de taille r_1>r) que ceux qui les entourent. De ce fait, ils ont une vitesse de libération V_{lib}(r_1) supérieure à celle des corps environnants. En conséquence, ils vont légèrement infléchir la trajectoire des autres corps vers eux. On peut paramétriser cette déflection en considérant que le corps r_1 a une section efficace « effective » \sigma_{grav} plus grande que sa simple section efficace géométrique \pi r_1^2. On a alors

\Sigma = \pi (r_1+r)^2 \left [ 1+ \left (\frac{V_{lib}(r_1,r)}{\Delta V} \right )^ 2\right ]

\left (1+ \left (\frac{V_{lib}(r_1,r)}{\Delta V} \right )^ 2 \right ) est appelé le terme de « focalisation gravitationnelle ». Du fait de cette surface efficace« dilatée », le corps r_1 va croître plus vite que les autres. Le rapport \frac{r_1}{r} va donc augmenter, ce qui a pour effet d’encore augmenter la focalisation gravitationnelle, et donc le taux de croissance de r_1, et ainsi de suite. La croissance de ce corps initialement légèrement privilégié va donc rapidement s’emballer.

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Accrétion boule de neige : un corps initialement plus gros que les planétésimaux qui l‘entourent va légèrement infléchir la trajectoire de ceux-ci vers lui (Figure A). De ce fait, il va croître plus rapidement que les corps qui l’entourent, ce qui va encore accentuer sa tendance à infléchir vers lui l’orbite de ceux-ci (Figure B). Le processus s’auto-amplifie de lui même et conduit à la formation rapide d’un embryon planétaire alors que la majorité des autres planétésimaux n’a pas accrété de matière (Figure C).
Crédit : Philippe Thebault

Photo-évaporation et dispersion du gaz

L’un des moyens les plus efficaces pour disperser le disque de gaz en moins de 10 millions d’années (voir la page de cours) est le couplage entre (l'accrétion visqueuse du disque) et la photo-évaporation du gaz. Ce dernier mécanisme est la conséquence de l’effet du rayonnement ultra-violet (UV) de l’étoile sur les molécules de gaz, essentiellement H et He. L’interaction des photons UV va en effet chauffer le gaz, c’est à dire lui donner une plus grande agitation thermique, et si cette vitesse d’agitation thermique dépasse la vitesse Képlerienne locale, alors le gaz est éjecté. Comme V_{kep} est \propto a^{-0.5} mais que l’énergie transportée par un photon UV ne diminue pas avec la distance à l’étoile, ce sont les molécules des régions extérieures qui seront le plus facilement éjectées lors d’interaction photon-gaz (mais le flux de photon, et donc le taux d’interaction avec le gaz, va, lui, diminuer avec a). On peut ainsi calculer qu’il existe un rayon critique, appelée r_g, au delà duquel l’énergie déposée par photo-évaporation dépasse l’énergie orbitale :

r_g = \frac{(\gamma -1)}{2\gamma} \frac{GM \mu}{K_B T} \approx 1.4 \frac{M/M_{\odot}}{T/10^4 K} AU

T est la température du gaz par suite de l’interaction avec un photon, \mu est le poids atomique moyen du gaz,K_B la constante de Boltzman, \gamma le ratio des chaleurs spécifiques (5/3 pour un gaz mono-atomique), G la constante gravitationnelle et M la masse de l’étoile. Dans les faits, à cause de la rotation du gaz, le rayon critique de dispersion est plutôt égal à r_{cr} \sim 0.2 r_g. Pour un rayonnement UV typique, on a T \sim 10^4 K. Pour une étoile de type solaire et un disque de type MMSN , on obtient alors r_{cr} = 2 \verb?UA?.

Cependant, tant que le disque est très dense, à la distance r_{cr} le flux de matière  \dot{M_{acc}} vers l’intérieur du disque dû à la viscosité est supérieur au flux de matière M_w éjecté par photo-évaporation (cf. IMAGE, CASE 1). Mais à mesure que la masse du disque diminue par accrétion sur l’étoile, \dot{M_{acc}} va décroître, jusqu’à ce qu’on atteigne le point où \dot{M_{acc}}(r_{cr}) = M_w(r). A partir de ce moment, la matière gazeuse au-delà de r_{cr} est éjectée du système avant de pouvoir franchir la frontière r_{cr} pour se mettre « à l’abri ». Une ouverture est alors créée dans le disque, qui se retrouve coupé en deux. La partie interne du disque est protégée de la photo-évaporation, mais est tellement petite (<2UA) qu’elle va très rapidement être accrétée sur l’étoile (alors qu’auparavant le flux de matière spirallant sur l’étoile était compensé par de la matière venant de plus loin dans le disque). La partie externe du disque va elle se disperser progressivement de l’intérieur (r_{cr}) vers l’extérieur. Les modèles numériques indiquent que la troncature du disque se fait au niveau de r_{cr} sur une échelle de quelques millions d’années, tandis que la dispersion qui s’en suit est beaucoup plus rapide, quelques 105 ans peut-être.

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Différentes étapes du processus de dispersion d’un disque proto-planétaire gazeux par photoevaporation et accrétion visqueuse du disque.
Crédit : Observatoire de Paris

Se tester

Auteur: Philippe Thébault

Datation de la météorite «Allende»

exerciceDatation de la météorite «Allende»

La météorite dite « Allende », tombée en 1969 au Mexique, est probablement la météorite la plus étudiée de toute l’histoire. Elle est le représentant archétypal des chondrites carbonées, qui sont parmi les corps les plus primitifs du système solaire (cf. lien). Elle a de ce fait fortement contribué à faire connaître l’âge de notre système solaire à une très grande précision. La méthode utilisée pour cette datation se base sur la désintégration U-Pb et sur la mesure des abondances relatives des différents isotopes du plomb.

Question 1)

La Figure présente les différentes mesures isotopiques effectuées en différents endroits de la météorite. En vous basant sur ce graphe, essayez d’estimer l’âge « d’Allende » en utilisant les formules présentées au chapitre «Comprendre ». Attention: Les fractions isotopiques reportées sur le graphe ne sont pas forcément celles de la formule présentée dans le cours.

exo1-datation-allende.png


Reconstruire la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN)

exerciceReconstruire la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN)

La MMSN est une entité théorique qui permet d’avoir une idée de la structure initiale du disque proto-planétaire qui a formé les planètes du système solaire, en faisant l’hypothèse que celles-ci se sont, en gros, formées à leur emplacement actuel (cf. cours).

Question 1)

A partir de la masse et de la composition actuelle des 8 planètes du système solaire, donner une estimation de la distribution radiale de la matière solide (roches+ glaces) dans la MMSN. Pour cela on peut supposer que la masse solide de toutes les planètes était initialement repartie dans un disque continu s’étendant de l’orbite de Mercure à celle de Neptune. L'information que l'on cherche est alors quelle est la densité surfacique de matière (par exemple en kg/m2) dans ce disque en fonction de la distance radiale r au soleil. Il peut ensuite être intéressant de tracer un graphe représentant (r).

Attention: si pour les planètes telluriques la masse solide de ces planètes peut-être considérée comme étant égale à leur masse totale, il n'en va pas de même pour les planètes géantes (qui contiennent également beaucoup de gaz). La masse totale de matière solide (roche+glaces) contenue dans les planètes géantes n'est pas connue avec une grande précision, mais on pourra prendre les fourchettes suivantes:

Jupiter: entre 10 et 45 MTerre de matière solide

Saturne: entre 20 et 30MTerre de matière solide

Uranus: entre 9 et 13 MTerre de matière solide

Jupiter: entre 12 et 16 MTerre de matière solide


Estimation de la vitesse de libération d'un planétésimal

exerciceEstimation de la vitesse de libération d'un planétésimal

Question 1)

Donner la vitesse de libération vlib à la surface d’un planétésimal de taille R et de densité ρ, en supposant, pour simplifier, que celui-ci a une forme sphérique.

Application numérique : donner vlib pour un corps de 1km, pour un corps de 100km, pour la Terre, et pour Jupiter.


Croissance «ordonnée» d'une population de planétésimaux

exerciceCroissance «ordonnée» d'une population de planétésimaux

Comme nous l’avons vu (cf. lien1 et lien2 ), l’étape intermédiaire dans le scénario de formation planétaire est celle qui fait passer de planétésimaux kilométriques à des « embryons » planétaires de 500-1000km. Lors de cette étape, le processus fondamental est l’attraction gravitationelle mutuelle des planétésimaux lors de leurs rencontres. Dans sa version initiale, le modèle d’accrétion des planétésimaux supposait que ceux-ci croissent de manière « ordonnée », c’est à dire tous ensemble et à la même vitesse. Même si on sait qu’aujourd’hui ce scénario ne correspond pas à la réalité (l’accrétion se faisant par effet « boule de neige » bien plus rapide), il est quand même intéressant d’avoir une idée du rythme de croissance pour cette croissance « ordonnée ».

Question 1)

Pouvez vous ainsi estimer le temps qu’il faut pour former des corps de 1000km à partir d’une population de corps de 1km ? On supposera que :

  1. On se situe à 1UA dans une Nébuleuse Solaire de Masse Minimale (cf. cours et Exercice 2).
  2. Le disque de planétésimaux est toujours à l’équilibre dynamique, à savoir que les vitesses de rencontres V_{col} sont de l’ordre des vitesses de libération V_{lib} (attention : V_{lib} va donc évoluer au cours du temps, car cette vitesse est directement proportionnelle à la taille des planétésimaux)
  3. Les orbites des planétésimaux sont orientées de manière totalement aléatoire. V_{col} peut alors facilement s’exprimer en fonction de l’excentricité des orbites (voir cours).
  4. Il y a « équipartition » entre les composantes planes et verticales des orbites des planétésimaux, c’est à dire concrètement que leur inclinaison i = ½ e.
  5. Chaque rencontre entre planétésimaux se traduit par l’accrétion de ces corps l’un sur l’autre
  6. Tous les planétésimaux grandissent ensemble et au même rythme, c’est à dire qu’à tout instant ils ont tous la même taille
  7. Dans la MMSN, la densité surfacique de matière solide à 1UA est σ 10g/cm2
  8. La densité massique d'un planétésimal est comparable à celle d'un astéoïde, soit environ 3g/cm3


Vidage de la zone d'alimentation des embryons

exerciceVidage de la zone d'alimentation des embryons

Les phases d’accrétion boule-de-neige puis oligarchique produisent in fine un seul corps dominant (un « embryon ») à chaque distance radiale de l’étoile centrale (cf. cours « Accretion boule de neige », « Oligarchique » et « épuisement des ressources »). Un tel corps grossit en accrétant des petits planétésimaux et débris contenus dans sa « zone d’alimentation », c’est à dire un anneau radial à l’intérieur duquel tout corps aura une orbite croisant celle du corps dominant en raison de la focalisation gravitationnelle vers celui-ci (cf. lien). Pour un corps massif, la largeur de cette zone d’alimentation est environ égale à 3R_{Hill} de chaque côté de l'orbite de la planète, où R_(Hill)=R*(M_(emb)/(3*M_soleil))^(1/3) est le rayon de Hill correspondant à la « sphère d’influence » gravitationnelle du corps.

Question 1)

A) Montrer que la croissance par accrétion sur l’embryon va forcément finir par s’arrêter, car l’élargissement de la zone d’alimentation est plus lent que la croissance de l’embryon.

B) Estimer, pour une MMSN à 1UA du soleil, quelle est approximativement la masse atteinte par un embryon au moment où sa zone d’alimentation est vidée.


Projet

Auteur: Philippe Thébault

Projet

Auteur: Philippe Thébault

Caractéristiques des exoplanètes dans les systèmes binaires

Contexte

Plus de 80 exoplanètes ont été découvertes dans des systèmes binaires, et ce chiffre est sans doute sous estimé car de nombreux programmes d’observations excluent les binaires de leur échantillon d’étoiles. Le processus de formation de planètes dans un tel environnement, forcément très perturbé, est une question encore non-résolue à ce jour (voir lien). On peut cependant essayer d’avoir une idée de l’effet que peut avoir la binarité en regardant de plus près à quoi ressemblent les exoplanètes découvertes à ce jour dans de tels systèmes. Ressemblent elles aux autres exoplanètes ou bien ont elles des caractéristiques propres? Ce petit projet se propose d’étudier cette question en utilisant la base de données du site « Exoplanètes » pour regarder si la distribution des masses et des orbites des exoplanètes dans les binaires diffère de celles des autres exoplanètes.

Outils

Travail à effectuer

Nous nous intéresserons ici aux planètes orbitant l’une des 2 étoiles d’un système binaire, et non pas celles orbitant autour des 2 étoiles (planètes « circumbinaires »). Nous éliminerons par ailleurs les binaires trop « séparées », pour lesquelles la distance d entre les 2 étoiles est supérieure à 300 UA (valeur arbitraire mais au delà de laquelle on peut raisonnablement penser que le compagnon stellaire a peu d’effet sur la formation d’une planète autour de l’étoile primaire). Le travail se fera alors en 5 étapes :

  1. Aller dans la partie « Base de données : Diagrammes » du site « Exoplanètes ». Par défaut, le site va alors afficher la distribution (m, a), où m est la masse de la planète et a le demi-grand de son orbite, de toutes les exoplanètes connues à ce jour. Sauver et/ou imprimer ce graphe, qui va nous servir de référence.
  2. Etablir ensuite à la main, sur le site « Binary catalogue of exoplanets », la liste des système binaires avec d<300UA
  3. Aller maintenant dans le catalogue de la Base de données du site « Exoplanètes » et sélectionner dans ce catalogue toutes les exoplanètes répertoriées à l’étape 2. Pour cela, il suffit de cocher le petit « carré » au début de la ligne correspondant à la planète désirée. Pour sauvegarder cette liste, cliquer ensuite sur « Cocher la Liste Sélectionnée ».
  4. Maintenant, retourner sur la page « Diagrammes » et produire le graphe (m, a) pour ce sous-groupe des exoplanètes dans les binaires. Pour cela, cliquer dans la case « Echantillons » (tout en bas) et y insérer la sélection effectuée à l’étape 3 en faisant simplement CTRL-V (ou CMD-V sur Mac) dans la case.
  5. Comparer maintenant ce graphe à celui correspondant à l’ensemble de la population exoplanétaire. Pouvez vous y discerner certaines tendances, et si oui, lesquelles ?

Réponses aux exercices

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Exercice 'Antiquité'


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Exercice 'Découverte'


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Exercice 'Planètes'


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Exercice 'Définitions'


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Exercice 'Datation de la météorite «Allende»'


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Exercice 'Reconstruire la nébuleuse solaire de masse minimale (MMSN)'


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Exercice 'Croissance «ordonnée» d'une population de planétésimaux'


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Exercice 'Vidage de la zone d'alimentation des embryons'