Ce chapitre a pour but de présenter ce que peut nous apprendre l'observation du flux émis ou réfléchi par l'atmosphère ou la surface d'une planète (ou d'une exoplanète).
Pour ce chapitre il est préférable d'avoir une connaissance préalable des concepts suivants :
Le flux radiatif reçu de la part d'une planète peut être analysé comme la somme de deux composantes :
Ces deux composantes seront traitées séparément dans la suite de ce chapitre. En général, les planètes sont largement plus froides que la photosphère de leur étoile, si bien que le flux réfléchi et le flux thermique s'observent de façon disjointe dans le spectre de la planète (voir figure). Cependant, ce n'est pas le cas pour les exoplanètes très chaudes, pour lesquelles le recouvrement des deux composantes n'est pas négligeable si bien que la séparation entre ces deux catégories perd de sa pertinence.
Dans le cas du système solaire, il est usuel de traiter le flux à des longueurs d'onde plus courtes que 5 µm (incluant donc l'UV, le visible et l'IR proche) comme provenant quasi-exclusivement du Soleil, et les longueurs d'onde plus grandes comme provenant de l'émission thermique du corps observé (incluant donc l'IR moyen et lointain, ainsi les domaines sub-millimétrique et radio). La relation mathématique entre température d'un corps noir et la longueur d'onde du maximum spectral s'appelle la loi de Wien : pour une étoile de température de surface voisine de quelques milliers de Kelvins, il se situe dans le domaine visible voire UV, tandis que pour une planète de température effective voisine de quelques dizaines à quelques centaines de Kelvins, il se situe dans le domaine IR.
Les planètes du système solaire constituent un cas particulier intéressant puisque l'on peut résoudre leur disque et même effectuer des observations en orbite. Il est même possible pour les planètes telluriques de distinguer le flux diffusé au sein de l'atmosphère de celui réfléchi ou diffusé par leur surface solide (voire liquide dans le cas de la Terre et de Titan).
Dans le cas de Mars et Vénus, les spectres dans l'infrarouge proche de ces planètes sont dominés par l'absorption due au dioxyde de carbone (CO2), composant majoritaire de leurs atmosphères. Dans l'ultraviolet, le spectre de Vénus est dominé par l'absorption due au dioxyde de soufre (SO2) ainsi que par un absorbant dont la composition n'est pas encore connue. Dans le cas de la Terre, ce même domaine spectral est dominé par l'absorption due à la vapeur d'eau et au CO2 (ainsi qu'au méthane dans une moindre mesure), tandis que le spectre visible et UV révèle la présence d'ozone O3 et de dioxygène O2. Le spectre réfléchi de Titan est quant à lui largement dominé par l'absorption du méthane CH4 et des aérosols présents dans son atmosphère.
La nature physique des objets diffuseurs varient selon le corps observé. Au sein de l'atmosphère terrestre, la diffusion est principalement le fait des molécules d'air (régime de Rayleigh), ainsi que des nuages d'eau (recouvrant à tout moment environ 50% de notre planète). Pour Vénus, les nuages épais et omniprésents empêchent toute observation de la surface en lumière solaire. Dans le cas de Mars, l'atmosphère peu dense ne crée pas beaucoup de diffusion Rayleigh, en revanche les poussières soulevées dans l'atmosphère par les tempêtes ainsi que les nuages de glace contribuent à la diffusion de la lumière solaire vers l'observateur de façon significative.
L'observations des surfaces de Mars et de la Terre depuis l'espace permettent de déterminer partiellement leurs compositions : la surface de Mars comporte ainsi des oxydes de fer en quantité significative qui lui donnent cette teinte "rouillée". La présence de silicates et de phyllosilicates (dont des argiles) est également décelable, ainsi que celle de sulfates.
Sur Terre, en plus des silicates et autres roches nues visibles dans les déserts, la végétation (chlorophylle) présente une absorption caractéristique en infrarouge proche. De plus, les étendues liquides (mers, océans) sont nettement reprérables également, via le phénomène de réflexion spéculaire (miroitante) typique des surfaces lisses.
Dans le cas de Titan, les observations de surface sont limitées à quelques fenêtres spectrales dans l'IR proche. Ces dernières révèlent des zones claires et sombes indiquant une présence variable de composés organiques sombres (par rapport à la glace environnante) à la surface. Le phénomène de réflexion spéculaire est également observé près des régions polaires, indiquant par là la présence de lacs d'hydrocarbures liquides.
Dans le cas des planètes géantes, il n'y a pas de surface à observer, seule l'atmosphère contribue au flux réfléchi. Il est difficile de sonder très profondément dans ces atmosphères, l'opacité (par absorption et diffusion) au sein de ces atmosphères croissant rapidement avec la profondeur en dessous des nuages visibles (constitués de NH3 ou NH3SH pour Jupiter et Saturne, de CH4 pour Uranus et Neptune).
L'absorption de certaines longueurs d'onde dans le visible nous renseigne aussi sur la composition gazeuse et/ou particulaire. Uranus et Neptune apparaissent ainsi bleu-vert en lumière visible à cause de l'importante épaisseur travsersée de méthane gazeux qui absorbe davantage dans le rouge. À l'inverse, sur Jupiter et Saturne, les brumes photochimiques situées en altitude comportent des chromophores de composition encore inconnue et absorbant l'UV et le bleu, ce qui donne à ces planètes une teinte globalement jaune-orangée.
L'analyse du spectre thermique permet d'identifier divers composés (surtout atmosphériques) de par la présence de bandes ou de raies spectrales caractéristiques d'une espèce chimique.
Les spectres thermiques en provenance des planètes du système solaire nous renseignement notamment sur :
Notons que ces mêmes techniques sont également utilisées depuis l'orbite terrestre pour des mesures satellitaires de composition atmosphérique, notamment pour des mesures météorologiques (nuages, vapeur d'eau) ou climatologiques (CO2).
Les spectres thermiques d'exoplanètes que nous sommes en mesure d'observer sont évidemment de bien moins bonne qualité que pour les objets du système solaire. Ils ne sont pas résolus spatialement (aspect ponctuel des exoplanètes), et sont en général de résolution spectrale assez faible (car on ne peut se permettre de trop disperser spectralement un flux reçu qui est en général très faible). Nous disposons néanmoins à ce jour des connaissances suivantes :
Lorsque la composition de l'atmosphère est connue, la forme exacte des raies spectrales vues dans le spectre thermique peut donner à l'observateur des renseignements sur la température du milieu responsable de l'émission thermique (que ce soit la surface ou l'atmosphère). Ainsi, une atmosphère où le profil thermique décroît avec l'altitude présentera des raies en absorption, tandis qu'une atmosphère où la température croît avec l'altitude (une stratosphère, donc) présentera des raies d'émission. Une explication plus détaillée est disponible ici.
L'utilisation de ces spectres pour la mesure du profil thermique n'est possible que dans une plage limitée d'altitude selon la raie observée. Elle nécessite également un gaz dont le profil vertical d'abondance est bien connu dans l'atmosphère : c'est le cas de CO2 sur Mars et la Terre par exemple. Il est hélas impossible de se livrer à la fois à des mesures de profils de composition et de température simultanément...
L'observation indirecte (par différence avec le spectre stellaire pur observable lors d'un transit secondaire) du flux thermique émis par des exoplanètes géantes permet, moyennant des hypothèses raisonnables sur leur composition, d'estimer la température des couches atmosphériques émettrices. Cependant, la faiblesse du signal impose une résolution spectale très faible, hélas insuffisante pour dériver un véritable profil vertical de température.
Pour décrire la géométrie d'une observation planétaire, il faut au moins trois angles, que l'on choisit conventionnellement de la façon suivante :
L'observation en nadir consiste à observer la planète en pointant l'instrument vers son centre. On observe donc l'atmosphère ou la surface qui se trouve directement sous la sonde. Cela correspond à un angle d'émission nul. Cependant, cette condition n'est jamais rigoureusement respectée, et on considère qu'une observation est en nadir tant que l'on peut négliger la courbure planétaire, ce qui donne une limite pour l'angle d'émission de l'ordre de 30° pour des observations depuis l'orbite basse.
Pour les observations au limbe, on observe la planète selon une incidence rasante ; en d'autres termes l'angle d'émission est proche de 90°. Dans cette configuration la courbure planétaire n'est pas négligeable : on ne peut plus considérer l'atmosphère comme constituée de couches planes parallèles. Le principal avantage de l'observation au limbe est que la résolution spatiale se traduit directement en résolution verticale, tandis que les observations nadir sont en général peu précises selon cette direction (mais plus adaptées à une cartographie horizontale). Un autre avantage des observations au limbe est la démultiplication des épaisseurs optiques traversées par les rayons lumineux au sein des différentes couches, ce qui se traduit par des gains substantiels de sensibilité pour la détection et la mesure d'espèces à l'état de traces.
Un transit primaire désigne le phénomène d'éclipse partielle d'une étoile par une planète et son atmosphère. L'occultant présente alors un diamètre apparent petit devant l'occulté. Un exemple connu dans le système solaire est celui du transit de Vénus, mais l'étude de ce phénomène a connu un regain d'intérêt avec son application à la détection et à la caractérisation d'exoplanètes.
Si la planète dispose d'une atmosphère, une partie de la lumière stellaire va traverser cette atmosphère pendant le transit primaire. L'observation du spectre transmis permet alors de mesurer quelle extinction supplémentaire est causée par l'atmosphère de la planète à différentes longueurs d'onde, permettant ainsi de contraindre la nature physico-chimique de ses constituants.
Un transit secondaire désigne le phénomène réciproque : c'est à présent l'étoile qui masque la planète, le plus souvent totalement étant donné que les étoiles sont bien plus grandes que les planètes.
Immédiatement avant et après un transit secondaire, on peut observer, en plus du spectre de l'étoile seule telle qu'elle apparaît en l'absence de transit, une contribution supplémentaire due au spectre émis ou réfléchi par la planète. Il est alors possible, par soustraction entre le spectre composite observé et celui de l'étoile seule (spectroscopie différentielle), d'analyser le spectre émis ou réfléchi par la planète seule. Une telle méthode exige toutefois une grande sensibilité, car la contribution d'origine planétaire est beaucoup moins intense que celle en provenance de l'étoile.
Une occultation (solaire ou stellaire) désigne un phénomène physiquement analogue à un transit primaire (l'occulté est une étoile, l'occultant une planète), mais où cette fois l'occulté est de diamètre apparent très petit devant l'occultant. L'observabilité des occultations s'accroît avec la proximité de l'observateur à l'occultant (à sa surface ou en orbite basse). Un coucher de Soleil est un exemple d'occultation d'observation quotidienne aisée. Il est toutefois possible d'observer des occultations loin de l'occultant, notamment depuis la Terre, entre un corps du système solaire et une étoile lointaine. Un autre type d'occultation aussi utilisé consiste en l'utilisation comme source de l'émetteur radio d'une sonde spatiale. L'occultant est alors l'atmosphère autour de laquelle orbite la sonde, et l'observation se fait à partir de radiotélescopes sur Terre.
L'extinction progressive (à mesure que l'occultant se place devant l'occulté) du rayonnement en provenance de la source permet alors de déduire les propriétés optiques des différentes couches atmosphériques traversées.
L'interaction entre le rayonnement (ondes du champ électromagnétique) et la matière (chargée au niveau microscopique : électrons, noyaux atomiques) se caractérise par trois types de processus radiatifs : l'absorption, l'émission et la diffusion.
Un processus d'émission intervient lorsque la matière cède localement de l'énergie au champ électromagnétique (création d'un photon). Cette émission est qualifiée de thermique lorsque le champ et la matière sont à l'équilibre thermodynamique à une même température (on peut voir alors leur interaction comme celle d'un gaz de photons perpétuellement absorbés et émis par la matière environnante, et se mettant en équilibre de la sorte). Il existe également des phénomènes d'émission non thermiques (ex: fluorescence, émission laser), mais ils sortent du cadre de ce cours ; certains de ces processus sont vus dans ce chapitre.
Un processus d'absorption a lieu lorsqu'inversement, le champ électromagnétique cède de l'énergie à la matière environnante (destruction d'un photon).
Lorsque la présence de matière interagit avec l'onde électromagnétique en absorbant et réémettant un photon dans un temps très court, donc sans lui soutirer d'énergie. La réémission s'effectuant dans tout l'espace, il en résulte une déviation des ondes électromagnétiques hors de la direction d'incidence. On appelle ce phénomène diffusion.
On regroupe les phénomènes d'absorption et de diffusion sous le nom d'extinction : ces deux phénomènes ont comme point commun de diminuer l'intensité d'un faisceau lumineux dans la direction d'incidence, soit en l'absorbant, soit en en déviant tout ou partie.
On définit alors la transmittance comme le rapport entre l'intensité lumineuse après traversée et celle avant la traversée du milieu : . Cette transmittance vaut 1 si le milieu traversé est transparent, 0 si le milieu est parfaitement opaque, et prend une valeur intermédiaire si le milieu est partiellement opaque. Elle dépend a priori de la longueur d'onde comme la formule l'indique.
La transmittance a l'avantage d'être une grandeur aisément mesurable, mais son interprétation physique directe est malcommode. Il est préférable pour cela d'introduire la grandeur appelée profondeur optique qui se déduit de la transmittance comme suit : , soit . Il est alors facile de déduire des propriétés mathématiques du logarithme que est une grandeur additive le long d'un même rayon (voir figure ci-contre), et qu'elle offre donc un paramétrage naturel de l'abscisse curviligne le long de ce rayon. Il est en outre possible de relier physiquement la variation locale de le long d'un rayon à la présence de matière traversée : c'est la loi de Beer-Lambert .
Elle s'exprime comme suit le long d'un rayon lumineux : où désigne l'abscisse curviligne le long du rayon (croissant dans le sens de propagation), la densité volumique de diffusants et/ou absorbants et la section efficace d'extinction des diffusants et/ou absorbants. En présence de plusieurs types de diffuseurs et/ou d'absorbeurs, il suffit d'ajouter leurs contributions individuelles. L'évolution de la profondeur optique totale selon la longueur d'onde au cours d'une occultation ou d'un transit offre donc la possibilité à l'observateur de déduire les propriétés matérielles du milieu traversé (densité volumique et nature physique des particules responsables de l'extinction).
Le régime de diffusion Rayleigh concerne la diffusion de la lumière par des particules petites devant la longueur d'onde (rayon ), ce quelque soit le type d'aérosol (sphérique ou non) : molécules isolées de gaz, micro gouttes, etc.
La théorie de Mie est quant à elle valable pour toutes les valeurs de , mais uniquement pour des particules sphériques (gouttes liquides par exemple). Elle tend vers le cas Rayleigh lorsque . Pour des particules non sphériques (cristaux, aérosols de Titan, poussières), cette théorie n'est valable qu'en première approximation, et les méthodes utilisées pour aller plus loin sont hors-programme.
Cette section efficace évolue de façon très différente selon le régime. Dans le régime Rayleigh, la section efficace est une fonction rapidement croissante de la longueur d'onde (une illustration courante étant la diffusion bien plus importante du bleu que de rouge dans l'atmosphère terrestre, donnant sa couleur à notre ciel). En régime de Mie, cette dépendance est bien plus faible, si bien que les diffuseurs apparaissent peu colorés en l'absence d'absorption (sur Terre, les nuages d'eau liquide sont un bon exemple).
La fonction de phase définit la répartition angulaire du rayonnement diffusé. C'est en quelque sorte la probabilité pour un rayon incident d'être diffusé dans une direction donnée.
Quand un rayonnement est diffusé et absorbé, on définit l'albédo de simple diffusion comme la proportion du rayonnement qui est diffusée. Si , toute la lumière est diffusée, il n'y a pas d'absorption. En revanche si , tout la lumière est absorbée, il n'y a plus de diffusion. En général, dépend de la longueur d'onde : .
Quand du rayonnement parvient à une surface, il peut être réfléchi de plusieurs façons :
Selon la longueur d'onde, le rayonnement incident sur une surface peut-être réfléchi mais aussi absorbé. On pourra alors étudier la réflectance d'une surface en fonction de la longueur d'onde (la réflectance valant 1 si tout la lumière est réfléchie ; 0 si tout est absorbé.).
L'étude de la réflectance d'une surface en fonction de la longueur d'onde peut être utile pour caractériser celle-ci. Ainsi certains minéraux ont un spectre avec des bandes d'absoption caractéristiques. C'est ce qui permet de caractériser des surfaces comme celles de Mars (pour détecter des minéraux hydratés par exemple), de la Lune ou bien celle d'astéroïdes et de comètes.
La température de brillance d'un objet est la température du corps noir qui émettrait la même intensité que celle émise par l'objet à la longueur d'onde : où désigne la fonction de Planck à la longueur d'onde pour un corps noir de température . Comme les courbes représentant les fonctions de Planck ne se croisent jamais, il y a correspondance unique entre et : la température de brillance n'est qu'une autre façon de décrire un spectre. En particulier, elle ne représente pas forcément la température d'un objet physique.
La formule de Planck permet d'exprimer analytiquement selon la formule .
Son intérêt principal réside dans l'interprétation des spectres thermiques issus d'un objet (ici une planète et son atmosphère). En effet, sous réserve de certaines hypothèses :
La température de brillance correspond alors à la température du milieu situé à une profondeur optique égale à 1 : avec comptée depuis l'observateur et le long du rayon. Intuitivement, cela résulte d'un compromis dans l'intensité intégrée le long du rayon et reçue par l'observateur :
Nous sommes à présent en mesure d'interpréter pourquoi les raies caractéristiques de certains gaz apparaissent tantôt en absorption, tantôt en émission dans les spectres thermiques observés. En effet, le centre d'une raie spectrale présente une absorption massique plus grande que les ailes de cette même raie. En conséquence, du point de vue d'un observateur extérieur à l'atmosphère, la profondeur optique unité est atteinte à des altitudes plus élevées aux centres des raies que sur leurs ailes. À partir de là, on a les cas de figure suivants :
Lorsque le composé responsable d'une raie d'absorption est bien connu spectroscopiquement (son absorption en fonction de la longueur d'onde notamment) et que son profil d'abondance vertical est supposé connu au sein de l'atmosphère étudiée, il est possible de savoir à quelles altitudes sont atteintes les profondeurs optiques unité pour les différentes longueurs d'onde (ainsi, comme expliqué ci-dessus, le coeur des raies va sonder plus haut que les ailes lointaines des raies, où les rayons pourront même provenir de la surface si l'atmosphère est transparente par ailleurs). L'analyse du flux spectral reçu par l'observateur selon la longueur d'onde va alors lui permettre de reconstituer le profil thermique dans les plages d'altitudes associées aux différentes raies spectrales.
De façon semi-quantitative, lorsque la section efficace et le profil vertical en densité de l'absorbant sont connus, il est alors possible de trouver à quelle altitude on a . On sait alors qu'il règne une température à cette altitude. On a supposé dans ce calcul que la visée de l'observateur pointe verticalement vers le centre de la planète (visée nadir).
Lorsque le profil vertical de température est supposé connu dans une atmosphère planétaire (par exemple au moyen de la méthode décrite précédemment), il est possible d'utiliser les raies spectrales de composés identifiés (et bien connus spectroscopiquement) pour en déduire leur profil vertical d'abondance sur une plage d'altitudes donnée.
De façon semi-quantitative et en visée nadir, on peut procéder comme suit : la connaissance du profil thermique permet, pour chaque longueur d'onde , de retrouver l'altitude correspondant à la température de brillance observée — en d'autres termes telle que . Or, on sait que cette altitude correspond à la profondeur optique unité à la longueur d'onde considérée, si bien que l'on a où désigne la section efficace d'absorption du composé mesuré (supposée ici indépendante de la pression et de la température) et la densité de colonne du composé recherché au-dessus de l'altitude , c'est-à-dire avec la densité volumique de l'absorbant à l'altitude . On peut alors en déduire par différentiation sur les altitudes sondées le profil de densité volumique du composé mesuré sur l'intervalle sondé.
Cependant, afin de moins dépendre des diverses approximations déjà évoquées, il est préférable d'utiliser un modèle de transfert de rayonnement afin de modéliser les spectres thermiques attendus et de les comparer ensuite aux observations en ajustant les différents paramètres (opération appelée fit en anglais de laboratoire). Notons que la procédure décrite ci-dessus ne fonctionne en pratique que lorsque les raies spectrales sont résolues, c'est-à-dire à une très haute résolution spectrale.
Il n'est en revanche pas possible d'inverser simultanément le profil thermique et le profil d'abondance du composé par la seule observation de ses raies d'absorption. On parle de problème dégénéré.
La lumière stellaire réfléchie et reçue par un observateur extérieur a subi au moins un événement de diffusion, soit au sein de l'atmosphère (molécules de gaz, aérosols), soit par la surface pour une atmosphère peu opaque autour d'une planète tellurique. Ces propriétés de réflexion sont résumées par la fonction appelée réflectance bidirectionnelle. C'est une fonction à quatre variables, deux pour caractériser la direction du rayon incident (d'angle zénital d'incidence et d'azimuth ) et deux pour celle du rayon émergent (d'angle d'émergence zénital et d'azimuth ) . C'est une fonction positive, dont la valeur minimale est nulle dans les directions où l'intensité réfléchie est nulle. Elle ne se déduit pas simplement des fonctions de phase calculables en régime de Rayleigh et de Mie, notamment à cause des phénomènes de diffusion multiple et de la possible contibution de la surface.
Dans le cas d'une couche réfléchissante (surface, sommet des nuages) surmontée d'une atmosphère purement absorbante (non diffusante en elle-même), on a alors une relation anayltique entre l'intensité réfléchie et celle de la source : où désigne l'épaisseur optique de l'atmosphère au-dessus de la couche réfléchissante (comptée selon la verticale). Le terme en exponentielle provient de la loi de Beer-Lambert pour le rayon incident et le rayon émergent, en tenant compte de leur inclinaison éventuelle qui les amène à traverser des épaisseurs atmosphériques plus importantes que des rayons purement verticaux.
Hormis l'étude la couche réfléchissante dans des longueurs d'onde où est négligeable, cette méthode permet de mesurer le spectre de l'absorption atmosphérique décrite par : on a ainsi accès à la densité de colonne intégrée au-dessus de la couche réfléchissante en examinant la profondeur des raies d'absorption des composés atmosphériques. Notons qu'au contraire de l'émission thermique, la présence de composés absorbants se traduit toujours par des raies en absorption et non plus en émission.
L'observation d'une occultation au cours du lever (ou du coucher) de la source à travers l'atmosphère d'une planète permet d'inverser le profil vertical d'extinction à la longueur d'onde à partir de l'observation des transmissions selon différentes altitudes tangentes (altitude minimale du rayon lors de sa traversée de l'atmosphère). Un des algorithmes permettant cette inversion est appelé méthode des pelures d'oignon : on découpe l'atmosphère en coquilles sphériques concentriques homogènes à la manière d'un oignon. L'altitude tangente la plus élevée pour laquelle on mesure permet de déduire l'extinction locale au sein de cette couche la plus extérieure. La profondeur optique observée juste en-dessous, à l'altitude tangente , est alors un peu plus grande. Comme on connaît déjà , on en déduit pour la couche immédiatement intérieure. Et ainsi de suite jusqu'au rayon le plus bas pour lequel on puisse mesurer une transmission .
La mesure des profils d'extinction dans l'atmosphère permet alors d'en déduire plusieurs paramètres importants :
Ces occultations sont donc une méthode précieuse de sondage atmosphérique, mais assez délicate à mettre en oeuvre. Il faut en effet pouvoir mesurer de nombreuses transmissions précisément, tout en connaissant parfaitement chacune des altitudes tangentes. Ceci n'est en général possible que pour un satellite en orbite autour de la planète, et nous restreint donc au système solaire.
L'observation d'un transit primaire se traduit par une baisse relative de luminosité en provenance de la source partiellement occultée, appelée profondeur du transit, notée et habituellement mesurée en ppm (parties par million). Pour une planète sans atmosphère, la profondeur est indépendante de la longueur d'onde (la réciproque n'est pas vraie : ainsi un plafond nuageux élevé peut conduire à la même observation, par exemple). En revanche, si l'atmosphère présente une extinction variable selon la longueur d'onde (que ce soit par absorption ou par diffusion Rayleigh par exemple), alors le rayon apparent de la planète (et donc la profondeur du transit) sembleront légèrement plus grands dans les longueurs d'onde où l'atmosphère cause davantage d'extinction.
On peut ainsi montrer, sous certaines hypothèses simplificatrices, que la variation relative de la profondeur du transit selon la longueur d'onde est liée à celle de la section efficace d'extinction (moyennée verticalement) au sein de l'atmosphère, selon la loi : où désigne l'échelle de hauteur de l'atmosphère et le rayon de la planète. Ces variations sont donc d'autant plus notables que l'échelle de hauteur est grande, ce qui favorise donc les atmosphères très dilatées. C'est par exemple le cas pour les Jupiter chauds (atmosphère légère constituée principalement de H2 et à température élevée).
L'intérêt d'un transit secondaire réside dans la possibilité d'effectuer une spectroscopie différentielle de la planète : si l'on mesure un spectre juste avant ou juste après ce transit secondaire, ainsi qu'un spectre de l'étoile seule pendant ce transit secondaire, on peut en déduire le spectre émis ou réfléchi par la planète seule vue à angle de phase nul.
Le spectre peut alors être analysé comme le serait n'importe quel spectre (par exemple en termes de température ou de composition pour un spectre thermique, ou bien de propriétés des diffuseurs pour un spectre réfléchi). C'est du moins le cas en théorie, car en pratique le faible rapport signal à bruit de tels spectres interdit à ce jour toute analyse trop poussée de ces spectres, de résolution spectrale souvent médiocre.
Difficulté : ☆ Temps : 10 min
Difficulté : ☆☆☆ Temps : 30 min
On considère la variation avec la longueur d'onde de la profondeur d'un transit primaire autour d'une étoile de rayon . Le meilleur ajustement par un modèle simple est représenté ci-dessous (l'axe des abscisses des gradué de façon logarithmique). L'échelle de hauteur de l'atmosphère de l'exoplanète sera supposée constante.
Estimer la profondeur du transit en l'absence d'atmosphère.
En déduire le rayon de la planète.
Interpréter l'allure générale du spectre de :
Mesurer la pente observée pour les courtes longueurs d'onde.
En déduire l'échelle de hauteur atmosphérique , puis la température sachant que l'on a aussi . On prendra , et .
Difficulté : ☆☆☆ Temps : 30 min
Interpréter les spectres d'émission thermiques suivants à l'aide du cours. On répondra notamment aux questions suivantes :
Pour l'interprétation du spectre 2, voici une formule semi-numérique pour convertir les radiances spectrales en température de brillance : où la longueur d'onde est en µm et la radiance en
Identifier les espèces gazeuses présentes dans la planète du spectre 1.
Estimer la température de surface pour le spectre 1, et la structure thermique des deux atmosphères.
Interpréter les pics centraux au coeur des bandes d'absorption vers 9,6 µm et 15 µm sur le spectre 1.
Identifier les deux objets du système solaire en question.
En 2011, l'équipe de Franck Montmessin (LATMOS, France) a découvert l'existence d'une couche d'ozone (O3) dans la haute atmosphère de Vénus côté nuit. Cette couche est très ténue et d'extension verticale restreinte. Elle présente également d'importantes variations horizontales, pouvant passer sous le seuil de détection. Les données utilisées provenaient de l'instrument SPICAV à bord de la sonde Venus Express (2006-2014) de l'ESA, et utilisaient la méthode des occultations stellaires en ultraviolet, domaine spectral où l'ozone présente une absorption caractéristique.
Ce mini-projet se propose d'appliquer la même méthode à des occultations stellaires simulées, comparables à celle mesurées par SPICAV mais plus faciles à traiter.
Les occultations simulées prennent en compte l'extinction de la lumière de l'étoile causée par la traversée d'une partie de l'atmosphère de Vénus. Cette atmosphère simulée est constituée de dioxyde de carbone (CO2 à 96,5%) suivant une distribution hydrostatique, et d'une couche d'ozone (O3) d'altitude fixe et d'épaisseur caractéristique assez mince. Le dioxyde de carbone absorbe majoritairement aux courtes longueurs d'onde, tandis que l'ozone présente une bande d'absorption centrée sur une longueur d'onde d'environ 250 nm (bande de Hartley) . Ce modèle, par souci de simplicité pédagogique, ne prend pas en compte les phénomènes suivants :
Ces occultations ont été simulées pour diverses altitudes tangentes du rayon lumineux. Ces altitudes représentent l'altitude minimale atteinte par le rayon lorsqu'il passe au plus près de Vénus. Un bruit synthétique a été également été ajouté.
Simulation
-------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------
pages_tester/qcm.html
Penser à appliquer la loi de Beer-Lambert.
Référez-vous à la loi de Wien.
Se référer aux pages du cours à propos de la composante stellaire réfléchie ou de la composante d'émission thermique.
Se reférer au cours
Attention au sens des implications logiques !
pages_flux-et-spectre/exo-transit.html
L'atmosphère ajoute-t-elle ou enlève-t-elle de la profondeur au transit ?
Vers quelle valeur extrémale cette profondeur tend-elle ?
L'atmosphère est de moins en moins opaque vers les grandes longueurs d'onde. On tend alors vers une valeur .
Estimer la proportion du disque stellaire obscurcie par celui de la planète.
, d'où . L'application numérique donne , soit une planète de taille intermédiaire entre Jupiter et Neptune.
La forme étroite de ces pics, ainsi que leur localisation donne une indication précieuse.
La pente constante peut s'interpréter au moyen d'une formule du cours, en considérant que
Prendre deux points faciles à repérer sur le graphique.
On trouve . Ne pas oublier que est en ppm ! ()
Utiliser les formules des questions précédentes.
On a avec les notations précédentes, d'où . Cela donne une température atmosphérique d'environ . Notons qu'une telle détermination est en pratique très imprécise, et donc d'intérêt limité.
pages_flux-et-spectre/exo-thermique.html
Il y a trois bandes identifiables.
Elles sont situées vers 15 µm, 9,6 µm et en dessous de 6 µm.
Il s'agit de CO2 vers 15 µm, de O3 vers 9,6 µm et de H2O en-dessous de 6 µm.
Interpréter le spectre 1 en termes de température de brillance.
Examiner ensuite si les raies sont visibles en absorption ou en émission.
Sur le spectre 1, en dehors de toute absorption gazeuse, le spectre thermique culmine à des températures de brillance légèrement supérieures à 300 K. Cela correspond à la température de surface.
Le spectre 1 présente des raies en absorption. Elles sont donc formées dans une zone où le profil thermique décroît avec l'altitude, entre environ 300 K et un minimum légèrement supérieur à 220 K. Le spectre 2, quant à lui, présente des raies d'émission, qui sont donc formées dans une stratosphère où le profil thermique croît avec l'altitude entre environ 100 K et 130 K.
Quelles altitudes sont sondées par les ailes lointaines ? les ailes proches ? le coeur des raies ?
Il s'agit de raies formées entre une zone profonde où la température décroît avec l'altitude jusque vers 220 K, et une zone plus élevée où la température remonte jusqu'à une valeur de 260 K en moins.
Utilisez les réponses aux questions précendentes : température, composition, structure thermique.
Le spectre 1 a été observé dans une atmosphère comportant du CO2, de l'ozone et du méthane. La température décroît d'une surface à environ 300 K jusqu'à un minimum de 220 K (troposphère), avant de croître à nouveau jusque vers 260 K (une stratosphère). Dans le système solaire, cela correspond à la Terre (plus précisément au-dessus d'un désert tropical).
Le spectre 2 a été quant à lui observé dans une atmosphère froide (température de brillance n'excédant pas 130 K), comportant une stratosphère et de nombreux composés organiques (hydrocarbures, nitriles). Dans le système solaire, cela correspond à Titan, satellite de Saturne.