Transits d'exoplanètes

Auteurs: Emmanuel Lellouch, Jean-Mathias Griessmeier, Quentin Kral

Transits d'exoplanètes

Ce chapitre présente la recherche et l'étude des exoplanètes par la méthode des transits. Il décrit les techniques d'observation, ainsi que les phénomènes observés et les paramètres déduits de ces observations concernant la planète, son environnement, sa structure interne et son atmosphère.

La lecture de ce cours demande quelques connaissances sur les atmopshères planétaires disponibles ici.


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Auteur: Emmanuel Lellouch

Définitions


Différents mots pour une variété de phénomènes

Vus depuis la Terre, les objets célestes peuvent passer les uns devant les autres, ce qui conduit à l’obscuration partielle ou totale de l'objet le plus lointain. Lorsque deux objets ont une taille apparente différente, le passage du plus petit devant le plus grand est appelé transit . Celui du plus grand devant le plus petit est appelé occultation ou plus improprement éclipse .


Dans le système solaire

Jupiter

Phénomènes mutuels des satellites de Jupiter
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Dans le système solaire, les transits les plus courants sont ceux des satellites galiléens devant Jupiter, ainsi que leurs transits, occultations et éclipses mutuels. Dans le cas de Jupiter, lorsque la planète est proche de son équinoxe (tous les 5.5 ans environ), on peut observer les phénomènes mutuels de ses satellites galiléens, parmi lesquels on distingue entre transits, occultations et éclipses.

Mercure et Vénus

Transit de Vénus
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Transit de Vénus de 2012 observé dans une bande H alpha, qui montre les tâches solaires et le filaments.
Crédit : C. Hetlage, APOD

Moins fréquents mais plus connus sont les transits de Mercure (13 ou 14 fois par siècle) et Vénus (2 fois, séparées de 8 ans, tous les 243 ans) devant le Soleil.

Le Soleil et la Lune

En principe, le terme éclipse (littéralement : privation de lumière) devrait être réservé aux situations dans lesquelles un corps passe dans l’ombre d’un autre et non derrière lui. Il est ainsi employé correctement lorsqu’on parle d’une éclipse de Lune – la Lune passant dans l’ombre de la Terre – mais improprement lorsqu’on parle d’une éclipse de Soleil, ce phénomène devant en toute rigueur être appelé occultation du Soleil par la Lune .

Le système solaire extérieur

Les planètes et petits corps du système solaire extérieur, très peu lumineux, passent assez souvent devant des étoiles du fond de ciel plus brillantes qu'eux. Ces occultations d'étoiles, comme les "ombres chinoises" révèlent des informations inaccessibles autrement.

Quelques-uns des résultats obtenus grâce à ces phénomènes sont décrits ci-dessous.


Hors du système solaire

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hst-hd209458.png
Transit de la planète HD 209458 b, observé par le Télecope Spatial
Crédit : NASA

En sciences exoplanétaires, la méthode des transits consiste à mesurer les timings et l’ensemble des phénomènes observables lors du passage apparent d’une planète devant (figure ci-jointe- et derrière son étoile-hôte, lorsque ceux-ci se produisent en raison d’une orientation favorable de l’orbite planétaire (nous parlerons ci-après d’une planète transitante). Comme on le verra en détail, ces observations fournissent des informations irremplaçables sur la taille de la planète, ses caractéristiques orbitales, la structure et la composition de son atmosphère, voire la présence éventuelle de planètes supplémentaires dans le système.

Le passage de la planète derrière l’étoile (stricto sensu son occultation) est dans la littérature le plus souvent désigné par « transit secondaire » voire « éclipse secondaire », ou «anti-transit». Dans ce qui suit, on utilisera les termes transit (ou transit primaire) et éclipse secondaire pour le passage d’une planète devant et derrière l’étoile. L’observation de la planète hors transit, c’est-à dire dans la période de temps située entre le transit et l'éclipse secondaire fournit elle aussi des renseignements très intéressants sur la planète.


Des phénomènes riches d'enseignements

Roemer
Roemer.jpg
Gravure de l'article de Rømer dans le JOURNAL DES SCAVANS de l'orbite de Io (en haut) observée de la Terre (en bas). L'article rapporte les 8 années d'observation et la conclusion que la lumière ne se propage pas instantanément.
Crédit : BNF-Gallica
Chariklo
chariklo.png
L'enregistrement du passage de l'astéroïde Chariklo devant une étoile a révélé la présente de deux anneaux.
Crédit : L. Maquet

Dans différentes branches de l’astrophysique, l’observation de ces phénomènes de masquage ont donné historiquement des résultats scientifiques majeurs. Il y a exactement 400 ans, la mesure du timing des éclipses de Io par Jupiter a conduit le Danois Ole Rømer à la première estimation de la vitesse de la lumière (figure ci-jointe).

L’observation des transits de Vénus depuis différents points de la Terre a permis de calibrer les distances dans le système solaire (c’est-à-dire de mesurer l’unité astronomique) en employant la méthode des parallaxes. Elle a aussi fourni les premières indications sur la présence d’une atmosphère autour de Vénus (transit de 1761).

Les observations des éclipses de Soleil, qui permettent d’isoler la chromosphère, ont fourni de très nombreux résultats, parmi lesquels on se bornera à citer ici la découverte de l’hélium (1868), et la confirmation de la prédiction d’Einstein sur la déflection gravitationnelle de la lumière (1919) en comparant la distance apparente entre des étoiles selon que le Soleil était absent du champ ou présent (i.e. pendant une éclipse de Soleil).

Même si on se limite au système solaire, ces phénomènes continuent à fournir des informations majeures. La mesure des positions précises des satellites de Jupiter grâce aux phénomènes mutuels a permis de reconstituer leur mouvement orbital avec une précision suffisante pour en déduire le taux de dissipation d’énergie lié aux forces de marée dans l’intérieur de Io.

Dans des situations géométriquement semblables à celle des exoplanètes, la spectroscopie de Mercure et Vénus lors des transits récents devant le Soleil, et de Io en transit devant Jupiter, ont fourni de nouvelles information sur la composition et la structure de leurs atmosphères.

Un outil puissant d’étude des objets du système solaire lointain (objets trans-neptuniens) est fourni par la méthode de l’occultation stellaire : elle permet, par mesure du temps d’occultation – c’est-à-dire le temps de disparition de l’étoile derrière l’objet – la détermination de leur taille avec une précision (de l’ordre du kilomètre) inégalable par d’autres techniques. Les systèmes d'anneaux d'Uranus, de Neptune, du Centaure Chariklo (figure ci-jointe) et du transneptunien Haumea ont été découverts grâce à de telles occultations stellaires. Cette même technique permet de mesurer et de suivre l’évolution temporelle de la pression à la surface d’un objet comme Pluton.


Paramètres planétaires accessibles


Paramètres planétaires

L'observation des transits donne accès à des informations sur


Taille de la planète

Rayon

Géométrie des transits
transit-fig1.png
Figure 1 : Géométrie de l’orbite d’une planète transitante. Nous utilisons ici le terme éclipse secondaire pour désigner le passage de la planète derrière l’étoile, i.e. l’occultation.
Crédit : A traduire

La figure ci-jointe montre schématiquement la géométrie d’observation d’une exoplanète transitante. L’observable la plus directe est la mesure de la variation de flux pendant le transit primaire et l'éclipse secondaire. Hors transit, le flux mesuré correspond à la somme du flux de l’étoile Phi_e et celui de la planète Phi_p. Pendant l'éclipse secondaire, le flux mesuré est restreint à Phi_e.

Pendant le transit primaire, une fois que la planète est entièrement devant le disque de l’étoile, une fraction de la surface de l'étoile est cachée, delta=k^2=(R_p/R_e)^2, où R_e et R_p sont respectivement le rayon de l'étoile et de la planète. Le flux de lumière de l'étoile est réduit d'une fraction δ. Comme la planète est devant l’étoile, elle nous présente sa face non-éclairée, donc sa contribution au flux observé est nulle. En conséquence, le rapport du flux mesuré pendant le transit primaire à celui mesuré pendant l'éclipse secondaire (ou en pratique à celui mesuré à n’importe quel moment hors du transit) donne directement le rapport du rayon de la planète à celui de l’étoile.

exerciceTransit de planètes du système solaire

Question 1)

Calculez la baisse de luminosité du Soleil dû à un transit de Jupiter, de la Terre.

Les petites étoiles favorisent la détection de transits

L'exercice ci-dessus montre que le transit de Jupiter devant le Soleil conduit à une baisse de luminosité de celui-ci de 1.05%. Pour la Terre passant devant le Soleil, l’assombrissement relatif n’est que de 0.0084%.

La perte de flux mesurée pendant l'éclipse secondaire dépend elle non seulement du rapport k=R_(pl)/R_(et) , mais également du rapport de l’intensité lumineuse spécifique (i.e. pour une surface donnée) émise par les deux objets. Comme on le verra plus loin, il dépend de de la longueur d’onde, et selon celle-ci, des températures de la planète et de l’étoile, ou de l’albédo de la planète.

L’expression de la perte de flux au moment du transit montre que la détection d’un transit d’une exoplanète de rayon donné autour d’une étoile naine (de type M) est plus favorable qu’autour d’une étoile de type solaire ou d’une étoile géante. Par exemple, l’étoile Kepler- 42 a un rayon égal à 0.17 rayon solaire (120 000 km). Elle abrite 3 planètes, dont la plus petite (Kepler-42 d), a un rayon de 0.57 rayon terrestre, ce qui donne un signal photométrique de l’ordre de 0.1%, plus de dix fois plus fort que la Terre devant le Soleil.


Orbite : Période et excentricité

La grande puissance de la méthode des transits résulte de la reproductibilité du phénomène. Un système transitant peut être observé autant de fois que l’on souhaite, avec à chaque fois les mêmes caractéristiques en termes de timing et de profondeur de transit, ce qui permet l’accumulation de la précision sur ces deux paramètres. La précision sur la mesure des instants de transits est riche d’enseignements.

Dans le cas d’une orbite circulaire de période P, un transit et l'éclipse secondaire adjacente sont séparés temporellement de P/2. Ce n’est plus le cas pour une orbite elliptique, et la mesure de ces séparations temporelles (transit-éclipse et éclipse-transit) donne une information sur l’excentricité de l’orbite; plus précisément, elle contraint le produit e cos (ω), où e est l’excentricité et ω l’argument du périastre. La mesure des durées relatives du transit et de l'éclipse secondaire fournissent aussi des contraintes sur ces paramètres, mais avec moins de précision, eu égard à la courte durée des transits par rapport à leur périodicité.

Au-delà même de la caractérisation statistique des orbites planétaires, l’intérêt physique de ces mesures d’excentricité est grand. Ainsi, pour les planètes proches de leur étoile, les effets de marée associés aux orbites elliptiques produisent un chauffage interne qu’il est possible d’estimer, fournissant des contraintes sur la structure thermique des objets.

Par ailleurs, s’agissant de la connaissance de la période orbitale et des instants de transit et d’éclipse, la méthode des transits est presque toujours plus précise que la méthode des vitesses radiales. Pour autant, ces paramètres interviennent dans l’interprétation des courbes de vitesse radiale (ce sont 3 des 6 paramètres libres associés à cette méthode), donc leur connaissance indépendante via les transits a un grand intérêt pour l’amélioration de la précision sur les autres.


Orbite : Orientation

Orientation de l'orbite
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Figure 2 : Transit d’une exoplanète en présence de rotation stellaire. La planète masque d’abord des régions émettant vers le bleu, puis vers le rouge. La dernière ligne montre l’évolution de la vitesse radiale mesurée pour l’étoile pour différentes orientations de l’orbite planétaire. Dans les trois situations montrées, la durée du transit est la même de sorte que la simple observation photométrique du transit ne pourrait les distinguer.
Crédit : A traduire

Une exoplanète qui transite devant son étoile possède une orientation favorable pour la spectroscopie des vitesses radiales : L'étoile et la planète tournent autour de leur centre de gravité. Au moment du transit planétaire, l'étoile est à son point le plus éloigné de la Terre (i.e. l'observateur) et sa vitesse Doppler s'annule.

S’y rajoute un effet subtil : en raison de sa rotation propre, le rayonnement d’une partie de l’étoile est décalé vers le bleu, l’autre vers le rouge (Fig. 2). Si la planète a une orbite prograde (dans le même sens que la rotation stellaire), elle masque d’abord des régions de l’étoile émettant un rayonnement décalé vers le bleu (zones grisées sur la Fig. 2), puis vers le rouge (zones claires). En conséquence, par rapport à sa valeur mesurée au centre du transit, la vitesse radiale globale de l’étoile est d’abord décalée vers le rouge, puis vers le bleu. C’est ce que l’on appelle l’effet Rossiter- McLaughlin. L’effet est loin d’être faible: en raison des fortes vitesses de rotation stellaires (typiquement 2 km/s pour le Soleil), il peut se chiffrer en quelques dizaines de mètre par seconde – soit souvent plus que la vitesse Doppler de l’étoile liée à la planète.

L’évolution du décalage Doppler de l’étoile pendant le transit permet alors non seulement de confirmer l’existence du transit, mais aussi de déterminer l’orientation de l’orbite planétaire, à savoir l’angle entre le plan orbital et l’axe de rotation de l’étoile (angle appelé obliquité de l’étoile).

Cette méthode a mis en évidence de nombreux cas de tels désalignements spin-orbite, voire d’orbites planétaires rétrogrades. L’origine de ces désalignements reste mal comprise, mais est sans doute liée à des phénomènes d’interaction, magnétique entre la jeune étoile et le disque proto-stellaire, ou gravitationnelle avec des compagnons stellaires au moment de la formation, qui auraient pu faire « basculer » l’axe de rotation stellaire. Une autre hypothèse serait que l’axe de rotation de l’étoile représente bien la direction perpendiculaire au plan du disque primordial, et que c’est le système planétaire dont le plan orbital a changé depuis sa formation.


Orbites perturbées

Orbites non kepleriennes et planètes additionnelles

TTV
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TTV de l'étoile KOI 872 (Kepler-46)
Crédit : D. Forgan
Kepler-88
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La planète Kepler-88b transite devant l'étoile Kepler-88. La planète Kepler-88c a été décourverte par les perturbations induites sur les instants des transits.
Crédit : A. Santerne

De manière encore plus fine, la précision extraordinaire qui peut être atteinte sur les instants de transits peut révéler des cas d’orbites non-képleriennes. Ces situations peuvent résulter d’effets relativistes, de forces de marée liées à l’étoile, ou de perturbations associées à des forces gravitationnelles dues à des objets supplémentaires dans le système (deuxième étoile, planète additionnelle, etc.). Elles se manifestent par des variations sur les timings des transits primaire et secondaire, soit sur le long terme, ce qui peut indiquer une précession de l’orbite, soit à plus court terme, dans le cas de perturbations par des planètes non nécessairement transitantes dans le système.

Les planètes sur des orbites résonantes, c’est-à-dire présentant des commensurabilités de leurs périodes – produisent des variations particulièrement grandes des instants des temps de transit (figure ci-jointe). Cette effet est appelé TTV (transit time variation). L’ « inversion » des données de TTV en termes de propriétés (masse et orbite) des planètes perturbatrices est souvent « dégénérée » (i.e. n’a pas de solution unique), mais dans certains cas, une solution non-ambigüe peut être obtenue. Le plus souvent, l’ordre de grandeur des TTV est une très faible fraction de la période orbitale.

Un cas remarquable est celui de l’exoplanète Kepler-88b, une planète de 9 masses terrestres, qui présente des TTV de 12h d’amplitude, pour une période orbitale de 11 jours. Il a été prédit qu’ils étaient causés par une planète perturbatrice non-transitante de 0.7 masses de Jupiter, qui est ensuite été détectée par vélocimétrie radiale !


Un système extraordinaire : TRAPPIST-1

Transit triple de planètes de TRAPPIST-1
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Courbe de lumière pour un transit triple des planètes TRAPPIST-1c, TRAPPIST-1e, et TRAPPIST-1f. La configuration des planètes (jaune, rouge, vert) à trois instants particuliers est indiquée en bas.
Crédit : Gillon et al. 2017.
TRAPPIST-1 versus Jupiter
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Taille comparée du système de 7 planètes TRAPPIST-1 avec le système des lunes galiléennes de Jupiter et le système solaire interne.
Crédit : tréduire

Tout récemment (22 février 2017), un système exceptionnel de 7 planètes, toutes transitantes, a été découvert autour d’une étoile naine (rayon = 0.11 rayons solaires, masse= 0.08 masses solaires) ultra-froide (2550 K) appelée TRAPPIST-1 et située à 40 années-lumière. Les périodes orbitales (de 1.5 à 20 jours) sont telles que plusieurs de ces planètes peuvent transiter en même temps, et même s’occulter mutuellement pendant le transit, ce qui conduit à des courbes lumières d’une superbe complexité (Fig. ci-jointe).

Les tailles (Rp = 0.75 à 1.1 rayons terrestres) et masses (0.85 à 1.38 masses terrestres, mesurées par la méthode des TTV) indiquent clairement des planètes telluriques et trois d’entre elles pourraient avoir une température compatible avec l’eau liquide. Le système dans son ensemble (0.063 UA pour la planète la plus externe) tiendrait aisément dans l’orbite de Mercure, et apparaît comme un cas intermédiaire entre le système des satellites galiléens de Jupiter et celui du système solaire interne (Fig. ci-jointe).


Atmosphère: composition et dynamique - I

Structure verticale - transit primaire

Dans ce qui précède, nous n’avons parlé de d’observations photométriques des transits – c’est-à-dire dans une seule bande de longueur d’onde (outre la description de l’effet Rossiter-McLaughlin). Par ailleurs, nous avons implicitement supposé que la planète a un « bord net », de sorte qu’on pouvait parler de son « rayon » sans ambiguÏté. La réalité est plus floue. Les planètes géantes n’ont pas de surface solide bien définie, et même une planète tellurique peut posséder une atmosphère, qui influence la manière dont la lumière stellaire est absorbée pendant le transit. Concrètement, l’absorption préférentielle de la lumière à certaines longueurs d’onde par les gaz et/ou aérosols/nuages rend le « rayon d’absorption » de la planète plus grand à ces longueurs d’onde. Du coup, la mesure spectroscopique du transit, c’est-à-dire la variation de la profondeur d’absorption du transit en fonction de la longueur d’onde, permet d’obtenir des informations sur la composition de l’atmosphère, voire sa dynamique. Nous verrons plus loin les équations générales régissant ces principes. Notons que cette spectroscopie de transmission peut être effectuée dans tout l’infrarouge et jusqu’à l’ultraviolet, ce qui permet en principe de sonder une vaste gamme verticale de niveaux dans l’atmosphère, allant des troposphères (pression de plusieurs bars) jusqu’aux thermosphères/exosphères (nanobar).


Atmosphère: composition et dynamique - II

Structure verticale-transit secondaire

De même, il est extrêmement intéressant d’observer par spectroscopie l'éclipse secondaire. Comme on l’a vu, la différence entre le flux mesuré juste avant ou après le passage de la planète derrière l’étoile et celui mesuré pendant l'éclipse secondaire donne le rayonnement provenant de la planète elle-même (pour être précis, du côté éclairé de la planète). Selon le domaine de longueur d’onde, ce rayonnement planétaire peut-être de nature stellaire réfléchie ou thermique.

La première composante, qui domine dans le visible et le proche infrarouge, correspond à la lumière de l’étoile réfléchie par la planète. Le rayon étant approximativement connu par l’observation du transit, l’intensité de ce rayonnement réfléchi fournit l’albédo de la planète. Ce dernier résulte de la compétition entre les propriétés réfléchissantes/diffusantes et absorbantes de l’atmosphère (voire de sa surface). Pour une planète avec une atmosphère épaisse, les variations spectrales de l’albédo sont dues aux variations de ses propriétés de diffusion (par les gaz et/ou les nuages atmosphériques) avec la longueur d’onde, mais peuvent aussi faire intervenir la composition gazeuse (des espèces atomiques comme le sodium ou le potassium ont des raies d’absorption très fortes dans le visible). Comme on verra, la grande difficulté de la mise en œuvre de cette technique résulte dans la très faible intensité du signal planétaire à extraire.

Le domaine thermique, lui, correspond au rayonnement propre de l’atmosphère de la planète. Celui-ci dépend à la fois de la structure thermique verticale (la variation de la température avec la pression dans l’atmosphère de la planète) et des profils verticaux d’abondance des gaz – qui définissent le profil vertical de l’opacité atmosphérique. En termes de composition atmosphérique, la mesure du spectre thermique apparaît donc complémentaire de celle du spectre en transmission mesuré pendant le transit. Cette complémentarité reflète notamment le fait que les deux méthodes ne sondent pas les mêmes régions atmosphériques : le transit est sensible à la composition du limbe de la planète – i.e. les régions où la lumière stellaire est rasante (« terminateurs ») alors que l’émission thermique sonde le côté jour de la planète.

Par ailleurs, à une longueur d'onde donnée, le transit sonde des régions plus ténues de l'atmosphère que l'émission thermique.


Atmosphère: composition et dynamique - III

Chimie de l'atmosphère

A ce jour (janvier 2017), la spectroscopie des transits a permis de détecter un petit nombre d’espèces chimiques dans certaines exoplanètes (~20 objets en tout), parmi lesquelles les molécules H2O, CO2, CO, CH4, et les espèces atomiques H, C, O, Na, K. De manière très générale, l’intérêt de ces mesures est double, permettant (i) d’en déduire la composition élémentaire (par exemple le rapport C/O), qui donne des contraintes sur les processus de formation de ces objets (ii) de caractériser les processus physiques (photochimie, condensation, thermochimie à l’équilibre ou hors-équilibre, transport vertical, échappement atmosphérique...) qui gouvernent les atmosphères. L’étude des spectres exoplanétaires renseigne aussi sur la présence de nuages dans leurs atmosphères, dans la mesure où des nuages diffusants ou absorbants à haute altitude masquent les absorptions moléculaires attendues.


Atmosphère: composition et dynamique - IV

Courbe de phase

Transits et courbe de phase de HD189733 b
transit-fig3.png
Figure 3 : Transit, éclipse secondaire, et courbe de phase de la planète HD 189733 b, observés à une longueur d’onde de 8μm avec le télescope spatial infrarouge Spitzer. Les courbes sont normalisées au flux stellaire (1.000 pendant l'éclipse secondaire). Le transit (à la phase 0.0) fait environ 2.1% de profondeur, ce qui indique un rapport des rayons R_p/R_e de 1.0%. L'éclipse secondaire (phase 0.5) indique que le côté jour de la planète émet 0.3% du rayonnement stellaire à cette longueur d’onde, impliquant une température d’environ 1210 K. La figure du bas (zoom vertical de celle du haut) montre la courbe de phase. Après modélisation, celle-ci indique que la température du côté nuit est d’environ 970 K, « seulement » 240 K plus froid que sur le côté jour, ce qui implique une forte redistribution de la chaleur par la dynamique atmosphérique. D’après Knutson et al. 2007.
Crédit : à traduire

La figure montre qu’au cours de sa révolution autour de l’étoile, une exoplanète présente différentes phases : côté nuit au moment du transit, côté jour juste avant/après l'éclipse secondaire, et à l’instar de la Lune, des phases de croissant/quartier tout au long de l’orbite.

Le suivi de l’émission thermique avec la position de la planète sur son orbite – et ceci est vrai même pour une planète ne transitant pas – permet ainsi de mesurer les variations spatiales – en l’occurrence les variations avec l’heure locale pour une orbite circulaire – des propriétés atmosphériques. Ces courbes de phase renseignent principalement sur la variabilité diurne des températures atmosphériques. Par exemple, on pourrait s’attendre à ce que les Jupiter chauds, qui, dus aux effets de marée, sont en rotation synchrone autour de leur étoile, présentent des écarts de températures gigantesques entre les côtés éclairé et sombre. Ce n’est en fait souvent pas le cas (voir exemple sur la figure ci-jointe), ce qui implique une forte redistribution de la chaleur par des vents atmosphériques. Il est également généralement observé que le maximum de température ne se produit pas au midi local, mais est décalé vers les zones « de l’après-midi », ce qui s’explique par des effets d’inertie thermique.

Une méthode complémentaire consiste à résoudre temporellement l'éclipse secondaire dans le domaine thermique : la disparition progressive derrière l’étoile de la planète permet de déterminer successivement les températures de « tranches de planète » correspondant à des heures locales différentes, et ainsi d’établir une carte de températures.

La spectroscopie des transits donne enfin potentiellement un accès direct à la vitesse des vents atmosphériques. En effet si une molécule est détectée par spectroscopie du transit, la mesure précise de la longueur d’onde des raies planétaires peut éventuellement indiquer des décalages spectraux diagnostics de vitesses de vent. Ainsi, un décalage vers le bleu des raies de CO dans le cas de HD209458b a été interprété comme la signature de vents jour-nuit de l’ordre de 2 km/s. Des complications liées à la connaissance précise de l’orbite de la planète peuvent toutefois survenir. Dans un cas, il a aussi été possible de mesurer la période de rotation propre d’une exoplanète (β-Pictoris b) à partir de la largeur des raies de CO.


Environnement planétaire accessible


Transit de satellites

Nous n’avons ci-dessus parlé que de transits de planètes devant des étoiles. Le phénomène peut être généralisé au transit d’autres objets de nature planétaires, tels que : satellites, astéroïdes/comètes, anneaux. Un satellite d’une exoplanète transitante doit généralement lui-même transiter et peut donc en être détecté directement par une allure particulière des courbes ingress/egress. Même si le satellite est trop petit pour être observé directement, un autre effet potentiellement détectable serait la mesure de TTV, dues au fait que la position de la planète oscille autour du centre de masse planète-satellite. Les données de transit de la planète Kepler-1625 b ont montré la premiètre trace de présence d'un exo-satellite, appelé Kepler-1625 b I


Transit de comètes

En revanche, on connaît deux cas de systèmes exoplanétaires avec transits de comètes. Le plus célèbre et le premier découvert est celui du disque de débris de l’étoile β-Pictoris, dont le spectre présente des raies atomiques (Ca II par exemple) variables temporellement, qui sont interprétées comme la signature de comètes en évaporation passant devant l’étoile. L’analyse statistique de ces signatures prouve qu’il existe deux familles de comètes différant par leur type d’orbite. A noter que le système de β-Pictoris possède également une planète géante (β-Pictoris b), découverte par imagerie directe, d’environ 7 masses de Jupiter, de période 22 ans. La recherche de son éventuel transit n'a, pour le moment rien donné.

Des transits de comètes devant une étoile (transit par le noyau cométaire et pas signature spectrale du nuage comme dans le cas de β-Pictoris) ont été détectés par Kepler en 2017.


Transit d'anneaux

Transit d'anneaux
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Figur 4 : Modèle et courbe de transit du système SWASP-J1407. La planète (point au centre) est détectée par vitesse radiale mais ne transite pas. Elle est en revanche entourée d’anneaux géants qui transitent devant l’étoile en 56 jours. La bande verte indique le parcours de l’étoile relatif aux anneaux pendant le transit. Les anneaux présentent un « vide » aux 2/3 environ de leur extension, ce qui pourrait indiquer l’existence d’une lune.
Crédit : à traduire

Enfin, on a découvert le cas exceptionnel d’une exoplanète qui semble entourée d’anneaux (1SWASP J1407 b ; compte tenu de sa masse, environ 20 masses de Jupiter, il pourrait s’agir d’une naine brune). Ces anneaux, dont l’existence est attestée par leur transit devant l’étoile (Fig. 4), constituent un système géant (rayon ~90 millions de km, soit 200 fois les anneaux de Saturne) et pourraient abriter une masse totale d’environ 1 masse terrestre. Un modèle invoquant 37 anneaux distincts permet de reproduire la courbe du transit, qui dure 56 jours. A noter que le modèle présente une zone vide d’anneaux à environ les 2/3 du rayon total, peut-être la conséquence d’une lune de ~1 masse terrestre.


Comprendre

Auteur: E. Lellouch

Des événements rares


Probabilité de transit

L’une des limitations les plus importantes de la méthode est la faible probabilité qu’une exoplanète donnée passe devant ou derrière son étoile-hôte. Il faut en effet pour cela que l’observateur se trouve pratiquement dans le plan orbital de la planète (orbite vue « par la tranche »).

Considérons une planète découverte par vitesse radiale et dont l’orientation de l’orbite est inconnue. Pour qu’elle transite devant son étoile, en notant i l’inclinaison entre la normale au plan orbital et la ligne de visée, il faut que l’on ait la relation : cos(i)<(R_e+R_p)/a, où R_e et R_p sont les rayons de l'étoile et de la planète, a est la distance projetée entre l’étoile et planète au moment où celle-ci est au plus proche de l’observateur. Compte tenu que la planète est toujours beaucoup plus petite que l’étoile, et en se limitant pour simplifier au cas d’une orbite circulaire de demi-grand axe a, on peut montrer que la probabilité de transit et celle d'éclipse secondaire sont toutes deux égales à p=R_e/a. Ceci prouve le résultat intuitif que la probabilité de transit est plus grande pour les planètes les plus proches de leur étoile.


Recherche au hasard

exerciceDétectabilité des planètes par transit

Quelle est la probabilité, pour un extraterrestre, de détecter par transit,

Question 1)

- la Terre ? - Jupiter? - une planète à 0.05 UA d’une étoile de type solaire?

Cette probabilité peut se traduire en termes du nombre moyen d’étoiles qu’il faut observer pour espérer découvrir une exoplanète transitante à un rayon orbital donné. Si on note η la fraction des étoiles possédant une telle planète, ce nombre est de l’ordre de N 1/(p*eta). Par exemple, les « Jupiters chauds » ont une distance type à leur étoile de 0.05 UA, et concernent environ 1 % des étoiles. Ceci donne p 0.1 et N 1000.

Même dans ce cas très favorable (planète proche), on voit que la recherche d’exoplanètes nouvelles par transit nécessite l’observation en aveugle de grands échantillons.

L'exercice ci-dessus montre que la probabilité de détecter la Terre par transit n'est que de 0.45%. Pour Jupiter, la probabilité est de 0.09%. En revanche, pour une planète à 0.05 UA autour d’une étoile de type solaire, la probabilité atteint 9 %. Les probabilités de transit et d'éclipse secondaire peuvent différer lorsque l’orbite planétaire est d’excentricité non-nulle (elliptique) de sorte qu’il est en principe possible d’observer un transit primaire sans transit secondaire et vice-versa.


Temps des transits


Géometrie détaillée d'un transit

Temps
transit-fig5.png
Figure 5 : Géométrie d’un transit. δ est la profondeur du transit, b le paramètre d’impact, T la durée du transit et τ la durée de l’ingress.
Crédit : à traduire

La géométrie d’un transit est représentée sur la Fig. 5.

Appelons t_It_(IV) les 4 « temps de contact », c’est-à-dire les instants auxquels les disques de la planète et de l’étoile sont tangents. L’instant moyen de l’entrée (du disque planétaire devant le disque stellaire) est t_ent=(t_I+t_II)/2; de même l’instant moyen de la sortie (du disque planétaire) est t_sor=(t_III+t_IV)/2. L’intervalle de temps séparant ces deux instants, noté T, est par définition la « durée du transit », alors que tau_ent=t_II-t_I et tau_sor=t_IV-t_III sont respectivement la durée de l’entrée et de la sortie. On note également b le « paramètre d’impact », i.e. la distance minimale – exprimée en fraction de rayon stellaire – entre la position apparente de la planète et le centre de l’étoile.


Durée du transit

Avec ces définitions, en se limitant au cas des orbites circulaires et en faisant les approximations raisonnables suivantes : R_P<<R_e<<a, et b<<1 (transit non-rasant), on peut montrer que la durée du transit est égale à : T = T_0*racine(1-b^2)T_0=R_e*P/(pi*a), P étant la période orbitale.

Par ailleurs, tau_(ent)=tau_(sor)=(T_0*k/racine(1-b^2)), où k=R_p/R_e En combinant l’expression de T_0 ci-dessus avec la 3eme loi de Kepler, et en se ramenant au cas du système solaire, on obtient T_0=13*h*(P/1*an)^(1/3)*(rho_e/rho_sol)^( - 1/3) expression dans laquelle la seconde parenthèse représente le rapport de la densité de l’étoile à celle du Soleil. Ainsi, vu depuis une autre étoile, le transit de la Terre devant le Soleil ne dure que 13 h une fois tous les ans, et celui de Jupiter ne dure que 30 h une fois tous les douze ans, ce qui illustre à nouveau la rareté du phénomène. Bien évidemment, la mesure de la période requiert l’observation d’au moins deux transits.


Mise en oeuvre de la méthode


Différents objectifs scientifiques

Les expressions ci-dessus montrent que les transits sont des événements a priori rares, puisque seule, une faible fraction des exoplanètes transitent, et parmi celles-ci, seulement pendant une faible fraction de leur période orbitale.

Il faut donc distinguer entre les différents objectifs suivants: (i) la recherche d’exoplanètes, qui comme on l’a vu nécessite l’observation de grands échantillons (ii) le suivi photométrique de systèmes planétaires découverts en vélocimétrie radiale pour voir s’ils donnent lieu à des transits (iii) la caractérisation d’exoplanètes transitantes, notamment par spectroscopie.


Equipement

De par sa simplicité, la méthode est en principe accessible avec un équipement modeste, puisqu’au premier ordre il s’agit simplement (sauf pour le troisième objectif) de suivre photométriquement une étoile qui peut être relativement brillante. De fait, le premier transit d’exoplanète (celui de HD209458b, dont l’étoile a une magnitude 8) fut observé depuis le sol, en 2000, à l’aide d’un simple télescope de 25 cm, doté d’une caméra CCD. De nombreux programmes de recherche de transits au sol ont été développés, tels que TrES, XO, HAT, SuperWASP, avec des télescopes de 10 cm qui font des relevés sur des étoiles de magnitude 10 à 12, ou OGLE, avec un télescope de 1 m pour des étoiles de magnitude 14-16. A ce jour (fin 2016), ces relevés depuis le sol ont permis de découvrir environ 250 exoplanètes, notamment avec SuperWASP et HAT.

Comme on l’a vu plus haut, le transit d'une planète géante (resp. tellurique) autour d’une étoile de type solaire produit typiquement un signal photométrique de 1 % (resp. 0.01 %). En raison de la turbulence atmosphérique, les planètes telluriques ne sont pas à la portée des observations au sol, sauf autour des étoiles naines. Ce problème est éliminé par l’emploi d’observations depuis l’espace, qui ont en outre l’avantage de s’affranchir des aléas de la météo et des interruptions jour-nuit. Dans tous les cas, l’extraction des signaux planétaires requiert des techniques élaborées de photométrie de haute précision, excluant au maximum les erreurs systématiques éventuelles. Les projets spatiaux CoRoT et Kepler et leurs résultats sont décrits ci-après.


Difficultés de la méthode


Variabilité stellaire

La description faite plus haut de la perte de flux pendant un transit suppose que le flux stellaire est indépendant de la position sur l’étoile et constant dans le temps. Dans la réalité, le rayonnement stellaire est généralement caractérisé par un assombrissement centre-bord, lié au fait que le rayonnement au limbe provient d’un niveau plus élevé, et par conséquent plus froid, dans l’atmosphère de l’étoile, que celui au centre. En conséquence, l’atténuation du rayonnement de l’étoile lors d’un transit planétaire n’est pas purement géométrique.

Aux longueurs d’onde où l’assombrissement centre-bord est important, les courbes de lumière apparaissent ainsi plus « piquées » (c’est-à-dire moins plates) près de leur centre, puisque la planète masque alors une zone de rayonnement plus intense.

De manière plus générale, les étoiles présentent des hétérogénéités locales de flux, associées notamment aux tâches stellaires liées à l’activité de l’étoile. Leur masquage pendant le transit peut conduire à des irrégularités dans le profil d’atténuation de l’étoile, ce qui compliquera la détermination du rayon planétaire. Ces problèmes sont particulièrement sérieux dans le cas des étoiles géantes et sous-géantes. L’activité stellaire, qui induit une variation temporelle du flux total émis par l’étoile, peut aussi conduire à des courbes de lumières non parfaitement reproductibles dans le temps.


Faux positifs

Faux positifs
transit-fig6.png
Figure 6 :Transit d’une exoplanète devant son étoile (a), et trois types de « faux positifs » : (b) Transit d’une naine brune ou d’une étoile de très faible masse (c) transit d’une binaire à éclipse en présence d’une étoile brillante dans un système triple (d) transit rasant d’une binaire à éclipse. Au premier ordre, toutes ces situations donnent des courbes de lumières semblables.
Crédit : à traduire

Une faible atténuation temporaire et reproductible du flux stellaire peut sembler être la signature non-ambiguë d’un passage planétaire. Pourtant, il existe d’autres situations pouvant conduire au même type de signal (Fig. 6), telles que :

  1. le transit rasant d’une étoile dans un système binaire à éclipses

  2. le cas d’un système triple incluant une étoile brillante et une binaire à éclipses peu lumineuse : dans ce cas, l’effet du transit « normal » dans la binaire à éclipses est fortement dilué par la présence de l’étoile brillante, ce qui donne au phénomène l’apparence d’un transit planétaire de faible profondeur. Une variante de cette situation est le cas où la binaire à éclipse et l’étoile brillante ne font pas partie d’un système triple, mais se trouvent dans un alignement de circonstance.

  3. Enfin, même dans les cas où on peut établir qu’il s’agit bien du transit d’un objet unique devant l’étoile étudiée, il faut encore prouver que l’objet en transit est bien une planète : en effet, les étoiles de faible masse (<10% de la masse du Soleil) et les naines brunes ont des rayons comparables à celles d’une planète géante comme Jupiter, et ne s’en distinguent que par leur masse bien plus élevée.


Débusquer les faux positifs

Il y a différentes manière de débusquer ces « faux positifs ». Ainsi les cas des transits rasants peuvent être identifiés par leur forme plus piquée (en « V ») que celle des transits planétaires (en « U »). Par ailleurs, comme on l’a vu plus haut, la durée du transit donne une mesure de la densité de l’étoile-hôte ; une solution aberrante (c’est-à-dire incohérente avec celle que l’on peut estimer à partir de la température de l’étoile) indiquera qu’il ne s’agit pas d’un transit planétaire. Enfin, pour distinguer entre une véritable planète et un objet sous-stellaire de même rayon, le seul moyen est de déterminer la masse de l’objet par vélocimétrie radiale. L’étude (et l’élimination) des faux positifs est fondamental pour les études statistiques de population planétaire. Ce taux s’avère important et fortement dépendant des types de planètes. Par exemple, dans le cas des données Kepler, il est de l’ordre de 10 à 20 % globalement, mais peut atteindre 35-55% pour les planètes géantes, plus difficiles à distinguer des étoiles de faible masse et naines brunes. En revanche, le taux de faux positifs dans le cas des systèmes multi-planétaires (en particulier dans le cas des systèmes à TTV, voir ci-dessus) est faible.


Complémentarité des méthodes


Limites de la méthode des transits

L’observation photométrique du transit ne fournit que le rapport du rayon de la planète à celui de l’étoile, pas le rayon absolu de la planète. Par ailleurs, sauf dans les cas où des perturbations gravitationnelles entrent en jeu (TTV), les transits en eux-mêmes ne contraignent pas les masses planétaires.


Complémentarité des méthodes de transit et de vélocimétrie

En revanche, l’avantage majeur des transits est que les exoplanètes détectées par cette méthode le sont également en principe par vitesse radiale, puisque l’inclinaison de l’orbite i est alors favorable et bien connue (proche de 90°). L’amplitude du signal Doppler K_e sur l’étoile est relié à la masse planétaire par : M_p/(M_p+M_e)^(2/3)=((K_e*racine(1-e^2))/sin(i))*(P/2*pi*G)^(1/3) où M_p et M_e sont la masse planétaire et stellaire, e l’excentricité, P la période, et G la constante universelle de gravitation. L’avantage ici est qu’on peut écrire sin(i)=1.


Importance des données stellaire

Densité des exoplanètes
gillon2017.png
Diagramme masse-rayon des planètes TRAPPIST-1, comparées aux planètes telluriques du Système Solaire et quelques autres exoplanètes. Sont montrées aussi les courbes theoriques pour des planètes de différentes compositions
Crédit : Gillon et al. 2017

A nouveau, une limitation est que M_e n’est pas connue. Il faut donc combiner les mesures de transit et de vitesse radiale avec des informations indépendantes sur l’étoile, typiquement obtenues via les modèles d’évolution stellaire, qui donnent des relations entre âge, luminosité, rayon, masse et composition.

Par ailleurs, comme indiqué en 2.2, la profondeur du transit k^2=(R_p/R_e)^2, la durée du transit T et la durée de l’ingress/egress contraignent le rapport R_e/aet le paramètre d’impact b, ce qui permet de « calibrer » le rayon planétaire en absolu. Si les propriétés stellaires sont suffisamment bien connues, on peut donc obtenir des valeurs absolues du rayon et de la masse planétaire, donc de sa densité, ce qui a évidemment une importance énorme pour contraindre la nature (gazeuse, glacée, rocheuse) et la structure interne de la planète.

Finalement, en combinant la relation ci-dessous avec la 3e loi de Kepler, on peut déterminer la gravité planétaire g_p=G*M_p/R_p^2 indépendamment des propriétés de l’étoile : g_p=((2*pi)/P)*(racine(1-e^2)*K_e)/(R_p/a)^2*sin(i) La connaissance de g_p est nécessaire pour l’élaboration de modèles d’atmosphères.


Spectroscopie des transits et courbes de phase


Spectroscopie du transit

Spectre en transmission de HD 209458 b
transit-fig7.png
Figure 7 : Le spectre en transmission de HD 209458b, exprimé en termes de profondeur du transit. La partie visible (<1 micron) suggère l’effet de la diffusion Rayleigh et de l’absorption par le sodium à 0.58 micron. La présence de la vapeur d’eau est clairement visible à 1.4 microns (Deming et al. 2013).
Crédit : à traduire

Comme exposé plus haut, le principe de la spectroscopie du transit est de mesurer des variations spectrales de la profondeur du transit comme diagnostic de composition atmosphérique. A une longueur d’onde où l’atmosphère absorbe, le rayon "effectif" de la planète est augmenté d’une quantité alpha*H, où H est la hauteur d’échelle de l’atmosphère et α est généralement un nombre de l’ordre de quelques unités. La profondeur du transit δ est donc augmentée de : Delta*delta=((R_p+alpha*H)/R_e)^2-(Rp/R_e)^22*R_p*alpha*H/R_e^2=2*alpha*delta(H/R_p)

Cette relation montre fondamentalement que l’effet est d’autant plus grand que H est grande, i.e. que l’atmosphère est chaude, de faible masse moléculaire, et que la gravité est faible. Par exemple, pour un Jupiter chaud (T~=unité(1300;K), g=unité(25;g*s^(-2)), masse moléculaire = 2 amu (H_2), R_p=unité(70000;km)), on obtient H~=unité(210;km), ce qui fait Delta*delta/delta=0.02 en adoptant alpha=3. Pour une "Terre" (T~=unité(300;K), g=unité(10;m*s^(-2)), masse moléculaire = 28 amu (N_2), R_p=unité(6000;km)), on trouve H=unité(9;km) et Delta*delta/delta=0.008, en prenant toujours alpha=3.

Dans les deux cas, l’ordre de grandeur est donc une augmentation relative de la profondeur du transit de l’ordre de 1% de sa valeur. Pour la planète tellurique, compte tenu que le transit géométrique est déjà inférieur à 0.01%, le signal spectral Delta*delta est donc inférieur à 10^(-6), ce qui illustre l’extrême difficulté de ce type de mesures.

Echelle de hauteur

La spectroscopie du transit primaire permet d’estimer l’échelle de hauteur atmosphérique. Imaginons d’abord que le coefficient d’absorption intrinsèque de l’atmosphère varie avec la longueur d’onde λ, mais pas avec le niveau d’altitude dans l’atmosphère. Si on note sigma(lambda) la section efficace d’absorption à la longueur d’onde λ, l’opacité en visée verticale est tau(lambda;z)=sigma(lambda)*n(z)*H, où n(z) est la concentration de l’espèce absorbante à l’altitude z. Comme le transit sonde les couches au limbe, l’opacité le long de la ligne de visée est multipliée par le facteur géométrique d’augmentation du parcours racine(2*pi*R_p/H) , et vaut donc : tau(lambda;z)~=sigma(lambda)*n(z)*racine(2*pi*R_p*H) On peut montrer que le rayon planétaire effectif à la longueur d’onde λ est égal au rayon de la surface augmenté de la hauteur z(lambda) pour laquelle l’opacité en visée horizontale vaut environ 0.56 : R_(eff)=R_p+z(tau=0.56) Comme n(z) est relié à la concentration n_0 à la surface, selon n(z)=n_0*exp(-z/H), on peut en déduire z(lambda)=H*ln(sigma(lambda)*(n_0/(0.56))*racine(2*pi*R_p*H)) ce qui confirme que l’augmentation du rayon effectif est essentiellement proportionnelle à H (le terme dans le ln variant lentement avec H).

Cette expression montre que la variation du rayon effectif avec la longueur d’onde suit : d*z/d*lambda ~=H*(d*ln(sigma)/d*lambda) Si l’on connaît le mécanisme physique responsable de l’absorption (par exemple, la diffusion Rayleigh où σ varie comme une puissance de λ), la mesure de la variation du rayon effectif avec la longueur d’onde fournit directement la hauteur d’échelle de l’atmosphère H, donc une estimation de sa composition principale si la température peut être estimée indépendamment.

Le raisonnement précédent est valable en première approximation lorsque l’opacité atmosphérique est le fait des brumes, mais l’est moins pour une absorption par les gaz, car celle-ci dépend intrinsèquement fortement de la pression. Ce développement analytique doit donc être remplacé par des modèles numériques. Il n’en reste pas moins vrai que le spectre en transmission montre la planète « plus grosse » dans les bandes d’absorption gazeuse qu’en dehors de ces bandes, et qu’il est alors possible de contraindre la composition chimique (Fig. 7).

Les premières découvertes d’espèces chimiques dans les spectres d’exoplanètes en transmission datent des années 2002-2003 avec la détection d’espèces atomiques (Na, H, et plus tard K, C, O) dans le spectre visible. Le cas de l’hydrogène atomique est particulier car il donne lieu à des transits extrêmement profonds (15%), causés par des atmosphères d’hydrogène très étendues et en échappement rapide. Dans l’infrarouge, dû à la grande difficulté d’extraire les spectres, des controverses ont eu lieu sur la réalité et surtout la quantification des signatures spectrales en termes de paramètres atmosphériques. Il semble toutefois qu’un nombre important de ces spectres montrent les signatures spectrales de H2O, celles de CH4, CO2, et CO étant également présentes sur quelques objets. Une caractéristique très fréquente est le rôle des brumes ou nuages de haute altitude, qui contribuent à l’émission dans le spectre visible et tendent à masquer les signatures des gaz dans l’infrarouge.


Spectroscopie de l'éclipse secondaire

Comme on l’a vu plus haut, l’observation de l'éclipse secondaire permet en principe de déterminer par différence la quantité de radiation que nous envoie une exoplanètes, que ce soit sous forme de lumière stellaire réfléchie ou de rayonnement thermique propre. La difficulté est ici le contraste de luminosité entre la planète et l’étoile.

La profondeur de l'éclipse secondaire s'écrit :delta_ecl ~=k^2 *(I_p/I_e) où I_p et I_e sont les intensités (par élément de surface) émises par la planète et l’étoile et k est le rapport des rayons R_p/R_e.

Dans la composante stellaire réfléchie, juste avant l'éclipse secondaire, la planète – qui présente alors sa face entièrement éclairée – reçoit une fraction (R_e/a)^2du rayonnement I_e de l’étoile, et en réémet une fraction A(lambda)*(R_e/a)^2 où A(lambda)est appelé l’albédo géométrique. Ceci correspond donc à une profondeur de l'éclipse secondaire égale à : A(lambda)*(R_p/a)^2.

Comme A(lambda)<1(et peut être <<1) et que a>R_e(et normalement a>>R_e), ceci implique le résultat intuitif que l'éclipse secondaire est (beaucoup) moins profonde que le transit primaire. Pour un albédo caractéristique de 10%, la profondeur de l'éclipse secondaire dans la composante stellaire réfléchie est de ~10^(-5) pour un Jupiter chaud à 0.05 UA (contre 0,01 pour le transit). Pour une Terre à 1 UA de même albédo, elle vaudrait 2*10^(-10) ! Si elles sont complètement hors de portée dans ce dernier cas, les mesures d’albédo sont possibles pour des Jupiters chauds (voir plus loin les résultats de Kepler) mais requièrent une haute précision photométrique et l’accumulation de nombreuses mesures.

Le contraste devient progressivement moins défavorable dans la composante thermique. Dans ce cas, le rapport I_p/I_e s’écrit comme le rapport des fonctions de Planck aux températures caractéristiques de la planète T_pet de l’étoile T_e. Dans la limite des grandes longueurs d’onde, il tend vers le rapport T_p/T_e. Pour un Jupiter chaud (T_p~unité(1000-1500;K)) autour d’une étoile de type solaire, ce terme n’est plus pénalisant que d’un facteur ~1/6 à ~1/4). Ceci explique l’allure des courbes d'éclipse les plus favorables (cf. Fig. 3). Dans ce cas, il devient envisageable d’effectuer la spectroscopie de l’émission thermique.


Emission thermique de la planète

L’interprétation d’un spectre d’exoplanète dans le domaine thermique est très comparable à celle d’un objet du système solaire. Les paramètres libres sont essentiellement la structure thermique verticale, et les profils de composition qui stipulent la distribution verticale des gaz et des nuages. De manière générale, le rayonnement mesuré satisfait à l’équation dite du transfert radiatif, qui peut s’écrire (en négligeant les phénomènes de diffusion, et en supposant l’atmosphère suffisamment épaisse pour que la surface ne soit pas sondée) : I(lambda)=intégrale((B_lambda)(T(tau))*d(exp(-tau));tau) où I_lambda est l’intensité lumineuse sortante à la longueur d'onde λ, τ est l’opacité verticale intégrée sur la ligne de visée à cette même longueur d'onde, et B_lambda*((T(tau)))est la fonction de Planck à la température T(tau)du niveau atmosphérique d’opacité tau, et où l’intégrale porte sur l’ensemble de l’atmosphère. Essentiellement, l’information sur le profil de température est contenue dans la fonction de Planck, alors que le profil vertical d’opacité contraint la composition chimique.


Comment résoudre l'équation de transfert radiatif

GCM
gcm.png
Résultat d'un GCM
Crédit : M. Turbet, F. Forget

Une méthode dite d’inversion permet en principe de remonter aux deux paramètres, mais il est généralement impossible d’obtenir une solution unique ou même précise, compte tenu de la connaissance préalable très pauvre que l’on a des objets (contrairement aux atmosphères du Système Solaire), et le plus souvent de la qualité très modeste des spectres exoplanétaires (faibles résolution spectrale et signal-sur-bruit). Des contraintes supplémentaires peuvent être injectées pour aider à l’interprétation des spectres. Ainsi, on peut chercher des solutions physiquement cohérentes entre les profils de composition et de température, compte tenu des équilibres chimiques et de condensation entre les différents gaz et les nuages. Une autre complication est qu’on s’attend à ce que les profils atmosphériques présentent des variations horizontales considérables sur la planète (variations jour/nuit notamment), qui ne peuvent évidemment pas être appréhendées à partir d’un spectre planétaire unique.

Une approche alternative moderne est de construire des modèles atmosphériques auto-cohérents à 3 dimensions à l’aide d’outils de type MCG (modèles de circulation générale, GCM en anglais), puis de les tester en regard des observations. Il est aussi fructueux de combiner la mesure de l’émission thermique avec celle du spectre en transmission au moment du transit (cette dernière étant très sensible à la composition atmosphérique mais beaucoup moins aux détails du profil de température), tout en étant conscient que les deux mesures ne sondent pas les mêmes régions de la planète ; à nouveau le passage par un MCG peut s’avérer très utile.

Malgré tout, le plus souvent, au-delà de la présence avérée de certains gaz – H2O essentiellement – les interprétations du spectre d’un objet donné peuvent être diverses, avec des divergences sur les abondances gazeuses (parfois par des ordres de grandeurs), et sur la forme des profils de température – notamment la présence ou non de couches d’inversion (stratosphères).


Courbes de phase

La mesure de la courbe de phase est également une mesure de l’émission thermique d’une exoplanète, mais le focus est alors sur la variation photométrique de cette émission avec la position de la planète sur son orbite. Celle-ci renseigne sur les variations de la température « moyenne » (stricto sensu, la température au niveau d’émission dans l’atmosphère) le long de l’orbite. En général, comme indiqué plus haut, on a ainsi accès aux variations diurnes de température. Dans le cas d’une orbite de forte excentricité, les températures dépendent surtout de la distance à l’étoile, i.e. l’écart au périastre. Dans les deux cas, cela de permet de mesurer la constante de temps radiative de l’atmosphère, i.e. le temps caractéristique de réponse aux variations d’insolation.

Difficulté de la spectroscopie des exoplanètes

A de très rares exceptions près, la spectroscopie atmosphérique requiert une stabilité et une sensibilité qui ne peuvent être atteinte que par des moyens spatiaux. Dans l’infrarouge proche, les meilleurs spectres d’exoplanète en transit et en éclipse secondaire ont été obtenus par le télescope spatial Hubble (instruments NICMOS, STIS et surtout WFC3, couvrant 0.9 – 1.7 microns). A plus grande longueur d’onde, ces spectres ont été complétés par le spectromètre IRS (couvrant 5-14 microns) du télescope spatial Spitzer, alors que les courbes de phases proviennent le plus souvent du photomètre IRAC dans 4 bandes de longueur d’onde (3.6, 4.5, 5.8, 8.0 micron, cf Fig. 3). Dans un futur proche, les observations avec le télescope spatial JWST s'annoncent très prometteuses.


Les missions Corot et Kepler et leurs résultats


Deux missions de photométrie de haute précision

Nous terminerons par une description de deux missions spatiales dédiées (au moins partiellement) à la recherche et l’étude des transits exoplanétaires, et de leurs principaux résultats.


Corot

Corot
satellite-corot.png
le satellite Corot
Crédit : CNES
Courbe de lumière de Corot-7 b
corot-exo7b.png
Crédit : ESA

CoRoT (COnvection ROtation et Transits planétaires), un programme mené par le CNES en collaboration avec l’ESA, a fonctionné de janvier 2007 à décembre 2012. Ce télescope de 27 cm en orbite géocentrique polaire était équipé de 4 détecteurs CCD couvrant un champ d’environ 3.5°. CoRoT a suivi des milliers d’étoiles de magnitude 11 à 16 avec une sensibilité photométrique d’environ 0.01 %. CoRot a permis la découverte de 31 exoplanètes. Parmi celles-ci, on peut relever les cas particulièrement intéressants suivants :


Kepler

Kepler

Nombre d'exoplanètes
transit-fig8.png
Figure 8 : Nombre d’exo-planètes découvertes par année (jusqu’au 10 mai 2016). En bleu clair et ocre, la contribution de Kepler à ces découvertes.
Crédit : à traduire
Exoplanètes candidates de Kepler
transit-fig9a.png
Figure 9a : Candidats planétaires Kepler (en date du 23/07/2015) dans un diagramme période / rayon.
Crédit : à traduire
Taille des exoplanètes
transit-fig9b.png
Figure 9b : Distribution des exo-planètes confirmées en fonction de leur rayon
Crédit : à traduire
Exoplanètes dans la "zone habitable"
transit-fig10.png
Figure 10 : Les 21 planètes de rayon inférieur à 2 rayons terrestres et se trouvant dans la zone habitable. Elles sont placées dans un diagramme montrant l’énergie qu’elles reçoivent de leur étoile (normalisée à celle reçue par la Terre du Soleil) en fonction de la température de l’étoile. Les zones vertes indiquent l’extension probable de la zone habitable selon une estimation prudente (vert clair) et optimiste (vert foncé).

Kepler, une mission du programme « Discovery » de la NASA, a été lancée en mars 2009 et a fonctionné nominalement jusqu’en mai 2013. Malgré des avaries techniques, elle a pu poursuivre son programme exoplanètes après cette date, sous le nom de mission K2. Avec un télescope de 1.4 m en orbite héliocentrique, sa précision photométrique est de 3x10-5, ce qui permet d’atteindre les planètes sub-telluriques, même si de nombreux transits sont nécessaires pour garantir des détections sans ambiguïté. Avec un champ de 115 degrés carrés, Kepler surveille en permanence 150,000 étoiles, pour la plupart de magnitude 14-16, avec une mesure photométrique toutes les 30 minutes. Un traitement automatisé détecte les «candidats », appelés aussi les Kepler Objects of Interest (KOI), i.e. les signaux pouvant indiquer le transit d’une exoplanète, mais qui doivent ensuite être inspectés/validés pour éliminer les faux positifs.

Les résultats de Kepler sont annoncés sous forme de parution régulière de liste de candidats et de planètes confirmées. Le nombre de planètes Kepler confirmées a dépassé le millier en janvier 2015, et a atteint 2325 en mai 2016 (Fig. 8). La majorité est dans la gamme des « super-Terre » (1 à 2 rayons terrestres) et « mini-Neptune » (2 à 3 rayons terrestres) (Fig. 9a, 9b). A ce jour, le nombre total d’exoplanètes confirmées découvertes par la méthode des transits est de l’ordre de 2700 (correspondant à environ 2000 systèmes planétaires), sur un total de 4000 environ. La méthode des transits est devenue, et de loin, la plus prolifique.

Outre la richesse et les études statistiques que permettent ces découvertes, on peut, comme pour CoRoT, relever quelques cas de planètes ou systèmes Kepler remarquables :


Se tester

Auteur: F. Roques

Se tester

Auteur: J.M. Griessmayer

exerciceHD 189733

Temps :

En 2005, il n'y avait que 160 exoplanètes découvertes, la plupart par la méthode des vitesses radiales. La planète HD 189733 a été découverte par François Bouchy et son équipe au cours d'une campagne de recherche associant le spectrographe à fibres ELODIE et une caméra CDD.

Question 1)

La courbe de lumière de HD 189733 montre plusieurs phénomènes. Expliquer à quels phénomènes physiques chaque phase correspond et quels paramètres de la planète ils permettent d'estimer.

A quoi correspond le flux = 1?

Question 2)

L'appliquette montre les données de vitesse radiale de HD 189733. A l'aide des curseurs, retrouvez les paramètres de la sinusoide.

  • v_rest la vitesse radiale de l'étoile
  • v_0est la vitesse radiale du centre de gravité du système
  • a est la demi-amplitude de la sinusoïde
  • t est le temps en Jours Julien
  • T est la période de révolution de la planète autour de l'étoile
  • phi_0 est la phase

v_r = v_0 + a*sin(2*π*((t-2453610)/T) + φ_0)


Projet


Projet : Découverte de WASP-80

Ce projet a pour but de mettre en application tout votre nouveau savoir théorique pour l'appliquer à un cas pratique. Nous allons prendre des données réelles de transit, chercher si une planète s'y cache, et le cas échéant, déduire les paramètres de la planète associée, tels que son rayon et sa période. Vous comparerez alors vos résultats à ceux qui ont vraiment étaient publiés par l'équipe de recherche qui a traité ces données il y a quelques années.

Nous allons analyser des données provenant de SuperWASP qui est composé de 8 télescopes de 11cm chacun, ce qui permet de couvrir presque 500 degrés carrés sur le ciel (i.e. la surface d'environ 2500 pleines lunes à chaque prise). Il y a en fait un SuperWASP au Nord (La Palma) et un au Sud (Afrique du Sud) pour pouvoir couvrir tout le ciel (plus de détails ici ).

Voici les données historiques qui ont mené à la première détection de la planète autour de l'étoile WASP-80 en 2013. Dans ce fichier, vous trouverez les mesures photométriques de l'étoile WASP-80 (située dans la constellation de l'Aigle) à différentes dates. Les 3 colonnes indiquent respectivement la date du point photométrique (en BJD pour Barycentric Julian Date, qui donne le jour julien correspondant à l'observation), la magnitude de l'étoile mesurée à cette date, et l'erreur associée sur la magnitude.


WAST-80 : Les données

exerciceExercice

Nous allons utiliser python pour ce mini-projet. Vous pouvez aussi utiliser votre langage de prédilection si Python ressemble à des hiéroglyphes pour vous.

Question 1)

Commencez par charger le fichier wasp80data.txt qui contient les observations de WASP-80 et faites un graphe représentant la magnitude en fonction du temps, avec les barres d'erreurs associées à chaque point. En python, cela donne :

import numpy as np

import matplotlib.pyplot as plt

bjd, mag, err = np.loadtxt("wasp80data.txt", delimiter=' ', skiprows=1, unpack=True)

plt.errorbar(bjd,mag,err)

Question 2)

On pourrait travailler avec les magnitudes, mais il est plus commun de travailler directement en flux. En effet, un transit produit une baisse du flux total qui provient de l'étoile alors que ça provoque une augmentation de la magnitude et donc on ne verrait pas une baisse mais une croissance de la magnitude lors d'un transit en magnitude. Vous pourrez essayer plus loin de suivre la même procédure en travaillant sur les magnitudes (pour constater que l'on arrive aux mêmes résultats) mais pour le moment on travaillera en flux.

Reproduire le même graphique que précédemment en unité de flux

Que voyons-nous ? Est-ce ce à quoi l'on s'attend ? Voyons-nous un transit ? Pas vraiment ! Ça ne ressemble pas exactement aux courbes théoriques que l'on a vues dans le cours avec une belle chute de flux quand la planète passe devant son étoile. Pour cela il va falloir travailler un peu les données.

Un œil averti se rendra compte que ces données on été pré-traitées. On voit que la magnitude oscille autour de zéro, la composante de magnitude due à l'étoile a donc été retirée. On voit aussi que les données semblent suivre une ligne horizontale, sans qu'il y ait de variations linéaires ou polynomiales. En réalité, quand on obtient les données brutes, c'est beaucoup moins propre que cela, et il faut retirer les effets qui ne sont pas dûs au transit mais plutôt à l'observation en tant que telle. Il peut y avoir des déviations du signal dues à l'instrumentation (par exemple à cause de variations thermiques), ou même des variations de l’atmosphère au cours de l'observation. Il y a différentes méthodes pour réajuster les données afin de corriger ces variations qui ne sont pas dues au transit. De manière générale et simplifiée, cela revient à trouver une fonction polynomiale qui suit au mieux les variations à long terme et de retirer cette fonction du signal. On appelle cela le detrending. Les données que l'on traite ici ont déjà subi ce detrending et peuvent être maintenant exploitées pour chercher un transit potentiel et trouver les paramètres de la planète le cas échéant.


WASP-80 : Les transits

exerciceLa recherche des transits

Que faut-il faire pour essayer de voir un transit dans ces données ?

Ici, on a la magnitude (ou le flux) du système en fonction du temps. Pour pouvoir voir un transit, et c'est là toute la puissance de cette méthode de détection, il va falloir sommer les différents transits potentiels qu'il y a dans ces données. Pour cela, il faut trouver la bonne période sur laquelle sommer les données, et peut-être qu'alors avec une somme de plusieurs transits, on verra effectivement une courbe de lumière typique avec une baisse de flux quand la planète passe devant son étoile.

Question 1)

On peut essayer par exemple de sommer les signaux sur une période de 2 jours. En python cela donne :

from PyAstronomy.pyasl import foldAt

best_period=2#jours

phases = foldAt(bjd, best_period)

sortIndi = np.argsort(phases)

phases = phases[sortIndi]*best_period

mag = mag[sortIndi]

plt.plot(phases, mag)

Question 2)

On ne voit toujours rien. Idéalement, il faudrait pouvoir faire cela pour un très grand nombre de périodes et visualiser le résultat jusqu'à l'obtention potentielle d'une baisse de flux à un endroit de la courbe (i.e. voir le transit). C'est la méthode que l'on va utiliser, mais bien sûr, il est impossible de visualiser des millions de courbes à l'oeil et il faut trouver un bon indicateur que l'ordinateur puisse tester lui-même pour nous dire quand il y a effectivement une baisse de flux visible et donc un transit.

La méthode la plus couramment utilisée dans le domaine de la recherche est la méthode BLS (pour Box Least Square, développée par Kovacs et al. 2002). L'idée est de dire qu'un transit peut être en première approximation modélisé par une fonction porte (fonction rectangulaire). Un transit est en effet bien plus proche d'une fonction porte que d'un sinus ou cosinus car les variations lors de l'entrée ou de la sortie du transit qui peuvent être non rectangulaires ne représentent qu'une petite partie du signal et le reste du transit est plutôt plat. La décomposition en série de Fourier ne fournirait pas une fréquence donnée dominante mais plutôt un ensemble de fréquences alors que la fonction porte ne requiert qu'un terme pour bien modéliser le signal, d'où l'avantage.

On crée alors un modèle simple de fonction porte avec trois paramètres : sa profondeur, sa longueur (durée du transit) et sa phase (la date où le transit a lieu). On fait ensuite tourner le modèle sur un très grand nombre de périodes. Pour chaque période testée, l'algorithme BLS essaye de trouver les meilleurs paramètres (profondeur, longueur, phase) du modèle pour expliquer les observations. L'algorithme compare le meilleur modèle aux données et estime alors la vraisemblance (en log) du modèle en question (par exemple par une méthode des moindres carrés) et crée un périodogramme qui donne la vraisemblance du modèle en fonction de la période. On peut alors voir si certaines périodes paraissent plus vraisemblables que d'autres. Les pics dans le périodogramme indiquent la présence de planètes en transit ou du bruit non pris en compte dans le pré-traitement (detrending). Il faut faire attention aux faux-positifs avec cette méthode et les repérer est un champ actif de recherche dans lequel nous ne rentrerons pas en détails.

Trouvez la période du transit et sa profondeur dans les données de WASP-80.

Question 3)

Vérifiez ces valeurs en sommant les données initiales sur la période trouvée et en affichant le flux en fonction de la phase (vous pouvez utiliser le code de la question 1 ci-dessus pour sommer les différents transits sur une période donnée). Vous produirez aussi une deuxième courbe où vous moyennerez le signal dans des bins temporels d'environ 15 minutes pour avoir une courbe de transit plus lisse.

En faisant ce travail , on trouve le diagramme de la figure ci-jointe. :

Flux stellaire
projet/flux.png
Crédit : Q. Kral

Maintenant, on reconnaît une courbe de transit typique. On peut même zoomer sur la phase de transit pour obtenir la figure ci-jointe.

Transit
projet/zoom.png
Crédit : Q. Kral

On voit alors que la durée du transit totale est inférieure à 0.1 jours, i.e. <2.4h. Pour obtenir la courbe rouge rebinnée en python, on peut écrire un code ad hoc ou procéder ainsi :

from scipy.stats import binned_statistic

bin_means = binned_statistic(phases, mag, bins=300)

bin_means2 = binned_statistic(phases, phases, bins=300)

plt.plot(bin_means2[0], bin_means[0],color='red',linewidth=5)


WASP-80 : La planète

exerciceWASP-80 : Les paramètres de la planète

Déduisez maintenant le rayon de la planète et son demi-grand axe.

Question 1)

Il faudra d'abord trouver le rayon de l'étoile WASP-80 afin de pouvoir déterminer le rayon de la planète.

Question 2)

Le calcul du rayon de l'étoile que l'on vient de mener n'est qu'un calcul approximatif etTriaud et al. (2013) sont capable d'estimer ce rayon plus précisément à partir de leur jeu de données, ils trouvent R_e=0.57*R_s, que l'on utilisera par la suite pour comparer à leurs résultats.

Maintenant on peut déduire le rayon de la planète. En supposant que l'orbite est circulaire, on peut aussi déduire facilement son rayon orbitale à partir de la 3ème loi de Kepler

Question 3)

On peut maintenant comparer aux valeurs trouvées dans le papier originel de Triaud et al. (2013) (tableau ci-joint). On voit que nos valeurs pour R_(pla), la période et le demi-grand axe sont très proches des valeurs originelles.

Paramètres du système WASP-80
projet/Triaud2.png
article Triaud et al. 2013

On peut aussi comparer les valeurs trouvées avec celles de l'encyclopédie exoplanet.eu.

Comme vu dans le cours, on peut faire une première vérification pour tester pour un faux positif, en comparant la durée du transit théorique avec sa durée réelle que l'on a obtenue à la question 3 de la page précédente.


WASP-80 : Pour aller plus loin

Pour aller plus loin vous pouvez aussi essayer d'obtenir plus d'informations à partir des données, par exemple en utilisant, au lieu de la fonction porte, un vrai modèle de transit à la Mandel & Agol (2002) pour pouvoir déduire le paramètre d'impact et une possible excentricité en prenant en compte les effets d'assombrissement centre au bord (il y a une fonction python qui implémente ce modèle ).

Ce dossier(une fois décompressé, le fichier readme.txt décrit les différents fichiers) donne un ensemble de données qui permettent de faire d'autres analyses de cette planète:

Au boulot !


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Réponses aux exercices

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Exercice 'Transit de planètes du système solaire'


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Exercice 'Détectabilité des planètes par transit'


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Exercice 'HD 189733'


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Exercice


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Exercice 'La recherche des transits'


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Exercice 'WASP-80 : Les paramètres de la planète'