Comprendre

Auteur: Alice Le Gall

Processus de cratérisation des surfaces

Auteur: Alice Le Gall

Processus d'impact

Le processus d’impact et ses conséquences varient avec la vitesse du corps impacteur et la nature du sol impacté et de son impacteur. Si la planète possède une atmosphère, le projectile est freiné et chauffé ce qui peut entrainer sa vaporisation partielle voire totale ou sa fragmentation. Les météorites de moins de 10 m de diamètre parviennent rarement jusqu’au sol terrestre. Les modèles d’ablation atmosphérique prédisent un nombre réduit de cratère de moins de 20 km de diamètre sur Titan (seul satellite du système solaire possédant une atmosphère substantielle, voir chapitre Erosion et sédimendation des surfaces avec atmosphère), ce que semble confirmer les observations de la sonde Cassini.

Lorsque le projectile, ou ce qu’il en reste, atteint la surface, le processus d’impact commence ; on le décompose classiquement en trois phases qui, en réalité, se chevauchent dans le temps : la phase de contact et compression, la phase d'excavation et la phase de modification et relaxation. C'est ce qu'illustre la figure ci-contre.

Mécanisme de formation d'un cratère simple (gauche) et complexe (droite)
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Crédit : Lunar and Planetary Institute, modifié par P. Thomas (ENS Lyon-Laboratoire de Géologie de Lyon)

Contact et compression

Excavation

Modification et relaxation

L'appliquette "Cratérisation" permet d'appréhender les effets d’un impact météoritique sur Mercure, la Terre (avec ou sans atmosphère), la Lune et Mars en fonction des caractéristiques de l’impacteur (vitesse, angle d’arrivée, taille, densité) et de la surface impactée (densité).


Datation des surfaces planétaires par comptage de cratères

Age relatif

En l’absence d’échantillon du sol, la datation par comptage de cratères est la seule méthode pour estimer l’âge relatif des surfaces planétaires. Celle-ci s’appuie sur deux règles simples:

  1. Plus une surface est cratérisée, plus elle est ancienne.
  2. Plus les cratères sont grands, plus ils sont vieux.

Ces règles reposent sur l’idée que la population des impacteurs a évolué au cours du temps ; la taille des projectiles et le taux de cratérisation étaient nettement plus importants dans la jeunesse du système solaire, à une époque où les débris étaient abondants. Ces derniers ont progressivement été mobilisés pour former les planètes, les plus gros planétésimaux disparaissant en premier jusqu’à ce que les impacteurs moyens puis petits se fassent rares aussi. Si le bombardement météoritique a affecté de façon uniforme la surface d’une planète donnée, certaines régions en ont gardé toutes les cicatrices alors que d’autres ont connu depuis des épisodes de rajeunissement (par volcanisme par exemple).

L’échelle ci-contre renseigne sur le niveau de cratérisation des principales surfaces solides du système solaire, les surfaces les plus jeunes étant les moins cratérisées.

Age absolu

Ainsi, l’étude de la distribution des cratères (nombre de cratères en fonction de leur taille) permet-elle de donner un âge relatif à différentes unités de surface. Pour déterminer leur âge absolu il faudrait connaître précisément l’histoire de l’évolution du flux d’impacteurs dans le système solaire. Une partie de cette histoire a pu être retracée grâce à la datation radiogéniques d’échantillons lunaires collectés lors des missions Apollo. Ces datations précises, comparées à la distribution des cratères lunaires, ont permis de dresser des courbes d’évolution dans le temps de la densité et de la taille des impacteurs, révélant notamment un pic d’impacts il y a environ 4 milliard d’années lors d’une phase appelée le Grand Bombardement Tardif (ou Late Heavy Bombardement, LHB). Les surfaces du système solaire ayant atteint le niveau de saturation sont sans doute vieilles de 4 milliards d’années.

En tenant compte du fait que le flux des impacteurs devait varier avec la distance au Soleil et, lorsque cela est nécessaire, de la présence d’une atmosphère, les enseignements du cas lunaire peuvent être extrapolés afin de dater les autres surfaces planétaires. Cependant il est important de garder à l’esprit que cette extrapolation est sujette à caution ; la position des planètes et la densité des atmosphères ont pu, en effet, varier au cours de l’histoire du système solaire.

Degré de cratérisation des principales surfaces solides du Système Solaire
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Crédit : ALG

Processus d’altération des surfaces sans atmosphère

Auteur: Alice Le Gall

L'érosion spatiale sur les surfaces sans atmosphère

Les surfaces des corps sans atmosphère sont de véritables champs de bataille subissant en permanence:

Tous ces processus sont exogènes, c’est-à-dire ayant une cause externe à l’objet qu’ils affectent. Lentement mais sûrement ils érodent les surfaces mais sont aussi à l’origine de la formation des atmosphères extrêmement tenues, appelées exosphères, que l’on trouve autour de Mercure, de la Lune, de la plupart des satellites glacés et même des anneaux de Saturne.

L'érosion spatiale
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Crédit : CC BY-SA 3.0, modifié par ALG

Bombardement micro-météoritique

Les surfaces sans atmosphère sont constamment bombardées par des grains météoritique de diamètre <1 mm. Ce bombardement micro-météoritique ne contribue pas à augmenter le volume de régolithe (le régolithe lunaire ne grandit que de 1 mm/106 ans et, en raison de leur faible gravité, les astéroïdes perdent même constamment une partie de leur régolithe) mais il en modifie durablement les propriétés et la distribution.

Fragmentation, agglutination, vaporisation

Les impacts micro-météoritiques pulvérisent progressivement les premiers millimètres du sol, réduisant la taille des particules à la surface. Ce phénomène de fragmentation (ou «comminution» en anglais) est, en partie, compensé par un phénomène d’agglutination: lorsque les impacts sont suffisamment rapides, certains matériaux du sol fondent et, en refroidissant, se soudent (formant des sphérules de verre sur la Lune par exemple) ou soudent entre eux des fragments de roches et de minéraux donnant naissance à des particules plus grosses. Certains matériaux sont même vaporisés sous l’effet des micro-impacts avant d’être redéposés à la surface. Le régolithe lunaire est constitué d’environ 30% d'agglutinates, agrégats dont la taille varie de quelques micromètres à quelques millimètres et présentant à leur surface des nanoparticules de fer intégrées lors de la vaporisation puis re-condensation de minéraux ferrifères (olivine et pyroxène notamment). L’érosion spatiale sur la Lune est donc synonyme d’un obscurcissement (l’albédo diminue) et d’un rougissement de la surface avec le temps. Le régolithe lunaire est dit mature lorsque les processus de fragmentation et d’agglutination se compensent ; la taille des grains est alors ~60 μm. Un régolithe immature est constitué de grains plus gros et d’une proportion réduite d’agglutinates.

Dans le même ordre d'idée, sur les surfaces glacées, le bombardement micro-météoritique participe à la recristallisation de la glace lorsqu’elle est amorphe (c’est-à-dire sans arrangement précis, par opposition à la glace cristalline qui présente une structure héxagonale) à la surface par un processus de recuit (« annealing » en anglais) et lutte donc contre le travail d’amorphisation mené par les rayons solaires UV et les particules ionisées énergétiques (voir Radiations d’origine solaire et cosmique).

Enfin, sur les astéroïdes où la vitesse d’échappement est faible, le bombardement micro-météoritique, aidé par d’autres processus tels que le « sputtering» (voir Radiations d’origine solaire et cosmique), contribue à l’éjection et à la perte des particules les plus petites. Ainsi s’attend-on à trouver un sol plus grossier à la surface des plus petits astéroïdes.

Mélange

Le bombardement micro-météoritique modifie également la distribution des composés des régolithes. Les premiers millimètres du sol lunaire sont en permanence « labourés » par des micro-impacts ce qui a pour effet d’homogénéiser la composition verticale (en profondeur) du régolite. On parle d’"impact gardening" (de l’anglais « garden », jardiner). Ce processus est néanmoins très lent – il faut au moins 100 000 ans pour entièrement retourner et mélanger le premier centimètre du sol lunaire. Les couches plus profondes du régolithe ne sont retournées qu’à l’occasion d’impacts plus importants donc plus rarement.

La distribution horizontale des composés du régolite est, quant à elle, contrôlée par les lois de retombée balistique des éjectas autour du cratère principal (voir Processus de cratérisation des surfaces) et varie peu sous l’effet du bombardement micro-météoritique. Les micro-impacts peuvent néanmoins, localement, apporter de nouveaux éléments à la composition de surface.

Différents niveaux de dégradation des cratères sur Ganymède sous l’effet de l’érosion spatiale et notamment des pluies micro-météoritiques.
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Crédit : Figure extraite et modifiée de Moore et al. (2000).

Radiations d’origine solaire et cosmique

Sources

Les surfaces sans atmosphère sont également soumises à un bombardement permanent par des particules plus ou moins énergétiques en premier lieu desquelles des photons X et ultra-violet (UV) solaires, des ions issus du vent solaire et des rayons cosmiques provenant de notre Galaxie ou d’au-delà. Ces radiations modifient chimiquement, physiquement et structurellement les surfaces sur une profondeur allant de quelques micromètres à quelques mètres, en fonction de l’énergie des particules.

Le vent solaire est un flux de plasma essentiellement composé de particules d’hydrogène et d’hélium ionisées dont l’énergie est modérée (0.3-3 keV/nucléon). Ce flux varie, en température et en vitesse, avec l’activité du Soleil. Lors d’éruptions solaires et d’éjection de masse coronale, des rafales de particules solaires particulièrement énergétiques (1-100 MeV/nucléon) balayent notre système stellaire.

Les corps pourvus d’un champ magnétique propre (Mercure, Terre, Ganymède) sont protégés en grande partie des radiations, leur magnétosphère déviant les particules chargées le long des lignes de champ et agissant ainsi comme un bouclier. A l’inverse, les magnétosphères des géantes gazeuses, en piégeant et accélérant les particules chargées, produisent d'intenses ceintures de rayonnement et soumettent les satellites qui leur sont les plus proches à de grandes doses de radiations. En particulier, Io et Europe, autour de Jupiter, reçoivent des doses 100 à 1000 fois plus élevées que la Lune.

Effets

Les principaux effets du bombardement par les particules solaires et cosmiques sur les surfaces sont les suivants :

Sur ce dernier point, notons que les surfaces glacées sont particulièrement sensibles aux radiations car elles sont trois fois moins résistantes que les surfaces silicatées et plus volatiles (c’est-à-dire susceptibles de changer de phase). Rappelons que la glace d’eau peut exister sous plusieurs formes: différents états cristallins (en fonction essentiellement de la température) ou amorphes. A basses températures, le bombardement par les particules UV et les ions peut modifier la structure cristalline de la glace en surface, voire même entrainer son amorphisation. Europe, qui baigne dans magnétosphère jovienne et est, par conséquent, soumise à des taux de radiation particulièrement élevés, présente une surface jeune mais largement amorphisée alors que la phase cristalline est stable à la surface de Callisto, satellite près de 3 fois plus éloignée de Jupiter. Ganymède, qui se trouve entre Europe et Callisto et est, de surcroît, protégé par un champ magnétique propre, présente de la glace amorphe aux pôles (là où les lignes de champs sont ouvertes) et cristalline ailleurs.

Ceintures de radiation de Jupiter
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Crédit : NASA/JPL

Effets thermiques

Les corps sans atmosphère peuvent connaitre des variations de températures considérables au cours d’une journée. Plus l’inertie de la surface (c’est-à-dire sa capacité à stocker la chaleur) est faible et plus la rotation du corps est lente, plus le contraste jour/huit est important. Mercure, en particulier, subit les chocs thermiques les plus violents du système solaire : la température à sa surface peut varier de -170°C à 430°C.

Dilatation/contraction

Sur les surfaces silicatés du Système Solaire, la différence de réponse (dilatation/contraction) des minéraux des roches à l’alternance jour/nuit induit des contraintes mécaniques (surpression) pouvant déboucher sur la fissuration progressive voire l’éclatement de certaines roches. Plus les changements de température sont prononcés et rapides, plus ce processus de désagrégation, appelé thermoclastie, est efficace. En outre, les roches dont la taille excède la profondeur de peau diurne (la profondeur du sol qui subit les fluctuations diurnes du flux solaire - en général quelques centimètres) sont soumises à un fort gradient de température qui peut les fragiliser à long terme.

Migration/ségrégation

Sur les surfaces glacées du système solaire, en raison de la grande volatilité de la glace d’eau (c’est-à-dire de sa capacité à changer de phase), le cycle jour/nuit peut s’accompagner d’un phénomène de migration/ségrégation thermique.

Les surfaces des satellites glacés sont généralement constituées d’un mélange, aux proportions variables, de glace et d’un composé optiquement sombre (matière organique, soufrée ou silicatée). Les régions les plus riches en glace étant aussi les plus brillantes, elles sont moins efficacement chauffées par le Soleil (elles réfléchissent une grande partie du flux solaire) et le taux de sublimation de la glace y est bas. Inversement, dans les régions les plus sombres, le taux de sublimation de la glace peut être élevé. Ce déséquilibre permet un transfert de la glace des régions sombres et chaudes vers régions brillantes et froides. Ce transfert prend fin quand toute la glace du sol des régions sombres a disparu (laissant un sol encore plus sombre) et s’est redéposé dans les régions plus claires (accentuant alors leur brillance). Au passage, il est fréquent qu’une partie des volatiles se perde dans l’espace ou vienne enrichir une exosphère.

Le phénomène de migration/ségrégation thermique a pour effet de renforcer les contrastes d’albédo à la surface et, en séparant la glace de la matière sombre, va à l’encontre des processus de bombardements (météoritiques ou par des particules de haute énergie) qui tendent à homogénéiser le régolithe. Ce phénomène peut être local (exemple de Callisto) ou global (exemple de Japet). Sur Japet, même si l’origine de la matière sombre est vraisemblablement exogénique (en provenance de Phoebe), il est fort probable que le phénomène de migration/ségrégation participe à accentuer le contraste entre les basses et moyennes latitudes, très sombres, de la face avant du satellite et les pôles, particulièrement brillants : le jour, la glace des régions équatoriales se sublime et migre vers les pôles, plus froids, ou elle se re-condense. Sur Callisto, les crêtes des cratères des régions équatoriales sont recouvertes d’un manteau blanc résultant sans doute de la migration de la glace du fond des dépressions, généralement plus chaudes car doublement chauffées, à la fois par le flux solaire direct et par le flux solaire réfléchi sur les parois. Ce processus de modification du paysage par sublimation est aussi à l’œuvre sur Mars où ni l’eau ni le CO2 ne sont stables à la surface.

L’appliquette "Migration" vise à évaluer l’efficacité du phénomène de migration/ségrégation par rapport à d’autres processus d’érosion spatiale sur les principaux satellites glacés du Système Solaire.

L'appliquette Migration application.png

Ségrégation thermique sur Callisto et Japet
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Crédit : ALG

Erosion et sédimentation des surfaces avec atmosphère

Auteur: Alice Le Gall

L'érosion liée à l'activité atmosphèrique

Les surfaces des corps avec atmosphère sont certes protégées de l’érosion spatiale mais elles subissent d’autres formes d’érosion, souvent plus efficaces, liées à l’activité atmosphérique. Ces formes d’érosion se traduisent généralement par une perte graduelle de substance et notamment de relief. Elles sont aussi parfois à l’origine de paysages spectaculaires.

Il existe plusieurs agents et types d’érosion. Dans ce qui suit nous aborderons :

Et nous mentionnons seulement ici:

Quelque soit son moteur, l’érosion comporte trois phases étroitement liées :

Les gaz (par le biais du vent), l’eau, le méthane, l’éthane liquides sont des fluides. Avant de décrire leur action sur les surfaces planétaires, quelques rappels sur l’écoulement des fluides s’imposent.

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Rappels : L’écoulement des fluides

Notion de fluide

Un fluide est un milieu matériel déformable (il change de forme sous l'action d'une force extérieure). Il est constitué de particules libres de se mouvoir les unes par rapport aux autres. Les liquides sont des fluides peu compressibles ; ils conservent le même volume quelque soit leur forme et présentent une surface propre. Les gaz, en revanche, sont des fluides compressibles ; ils tendent à occuper tout l'espace disponible et n'ont pas de surface propre.

Qu’ils soient gazeux ou liquides, les fluides sont caractérisés par leur densité ρ et viscosité η. La densité ou masse volumique est la masse du fluide par unité de volume (en kg/m3). Elle est une mesure du nombre de molécules par unité de volume. La viscosité est une mesure de la résistance d’un fluide au changement de forme (en kg/(m⋅s) ou Pa.s); elle détermine la vitesse de mouvement du fluide. Lorsque la viscosité augmente, la capacité du fluide à s'écouler diminue. Les liquides ont une densité et une viscosité supérieures à celles des gaz: les molécules sont plus rapprochées, des liaisons (forces de van der Waals, interactions dipolaires) s'établissent entre elles qui augmentent la cohésion de l'ensemble. Le tableau ci-dessous donne les caratéristiques des atmosphères et agents liquides des planètes solides du Système Solaire.

Densité, viscosité et vitesse typique de fluides
Fluide Densité ρ (kg/m^3)Viscosité η (10^{-6} Pa s)Vitesse typique (m/s)
Eau liquide 10001540 5
Méthane liquide 450 184
Atmosphère terrestre 1.27 17.1 40
Atmosphère martienne 0.027 10.8
Atmosphère de Vénus71.92 33.0
Atmosphère de Titan 5.3 6.3 0.5-1
Glace 992 10^{14}-10^{21}10^{-6}

Pour un fluide s'écoulant sur une paroi (le vent ou un agent liquide au dessus d’un sol), la viscosité décrit la contrainte de cisaillement, c’est-à-dire la force tangentielle (par opposition aux forces normales, perpendiculaires à la paroi) qui s’applique par unité de surface sur la paroi. Cette contrainte de cisaillement s’accompagne de l'existence d'un gradient de vitesse d'écoulement dans le fluide. En effet, il existe une couche limite contiguë à la paroi, dans laquelle la vitesse du fluide passe de zéro, au niveau de la paroi, à sa la valeur maximale correspondant à celle d'un fluide libre. L'épaisseur de cette couche limite varie suivant l'état de la surface (plus la surface est lisse, plus la couche est mince). Plus précisément, on peut montrer que la vitesse de l’écoulement croit avec la hauteur au dessus de la paroi de manière logarithmique comme l'illustre la figure ci-contre.

Gradient de vitesse d'un fluide au dessus d'un sol
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Crédit : Université de Nantes

Ecoulement laminaire, écoulement turbulent

Un fluide peut s’écouler de différentes façons. Lorsque les lignes de courant (c’est-à-dire les tangentes en tous points parallèles à la direction de l'écoulement) restent parallèles entre elles et rectilignes, l’écoulement est dit laminaire. Au contraire, quand l’écoulement est désorganisé et le siège de tourbillons, on parle de régime turbulent (voir la figure ci-contre).

Afin de déterminer le régime en vigueur autour d’un "obstacle" (une roche dans l’eau ou un grain de sable dans le vent par exemple), on définit le nombre de Reynolds: R_e=\rho v d/\etad est le diamètre de l’obstacle et v la vitesse terminale ou de sédimentation du fluide (voir ici et ). Si le nombre de Reynolds est grand, les forces inertielles l’emportent sur les forces de frottement liées à la viscosité du fluide ; le régime est turbulent et des tourbillons se développent autour de l’obstacle. Au contraire, si le nombre de Reynolds est petit, en faisant « coller » le fluide à l’obstacle, les forces de viscosité tendent à faire disparaître les tourbillons ; le régime est laminaire.

Régime laminaire, régime turbulent
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L' activité éolienne: desctruction

Les vents sont provoqués par les contrastes de températures à la surface d’une planète et par la rotation de la planète. Les effets de l’activité éolienne sur un paysage sont multiples. Le vent déplace la matière sédimentaire, la redistribue, l’organise parfois en dunes et en modifie les propriétés physiques par abrasion mécanique.

Destruction : l’abrasion

Si l’action destructrice du vent est limitée par rapport à celle d’un agent liquide, les roches se trouvant sur le chemin de saltation (processus de transport des grains par sauts successifs, voir ici) des grains déplacés par le vent sont néanmoins progressivement polies, taillées, striées. L’efficacité de l’abrasion par le vent dépendant de la vitesse d’impact des grains, il est peu probable qu’elle soit élevée sur Titan et Vénus. En revanche, elle devrait l’être sur Mars comme semble le confirmer les images de la surface.

FigErosion3.png

L'activité éolienne: transport (initiation)

Transport: Initiation

Initier le mouvement d’une particule requiert d’avantage d’énergie que d’entretenir ce mouvement. Dans cet effort, l’idée que plus la particule est petite, plus elle est facile à mettre en mouvement est erronée ; il n’est pas si aisé d’arracher des particules fines à la surface. Ralph Bagnold (1896-1990), grand explorateur des déserts terrestres, a mis en évidence l’existence d’une taille de particule pour laquelle le mouvement à la surface était le plus facile à initier. Ce diamètre seuil d_t peut êtres estimé par la relation empirique suivante : d_{t}=10.7 \Huge(\frac{\eta^2}{\rho (\sigma - \rho) g}\Huge)^{1/3}\sigma est la densité du grain, g est l’accélération de pesanteur de la planète, \rho la densité de l’air et η sa viscosité. On a pu vérifier sur Terre que la répartition en taille des grains constituant les dunes était globalement distribuée autour de d_t.

La vitesse de cisaillement (qui caractérise la force que le vent exerce sur le sol) seuil de mise en mouvement d’un grain de diamètre d_t est alors : v_{*t}^{min}=3.5\frac{\eta}^{\rho d_t}.

La vitesse de l’écoulement (ici du vent), qui varie de manière logarithmique avec la hauteur z au dessus du sol (voir la figure), est liée à la vitesse de cisaillement v_* par la formule empirique suivante : v(z)=5.75v_*log(z/z_0)z_0 est un facteur lié à la rugosité de surface, environ égal à 1/30 de la taille des grains lorsque ces derniers sont compactés à la surface. Typiquement, sur la Terre et sur Mars, z_0=0.2-0.3 mm. C’est le gradient de vitesse d’écoulement au dessus du sol qui crée un cisaillement et permet de transférer l’énergie du vent vers les grains.

En tout logique, plus la gravité de la planète est faible, plus la taille des particules faciles à déplacer est grande et plus la vitesse seuil de mise en mouvement est petite. Sur Terre comme sur Titan, où les particules sont respectivement constituées de quartz et d’hydrocarbures solides, d_t∼0.2 mm. Cependant, sur Titan, qui 44 fois moins massif que la Terre, un vent à 1 m de la surface de 0.5 m/s suffit à initier leur mouvement alors que sur Terre un vent minimum de 4.5 m/s est requis. Sur Mars, la gravité est réduite aussi mais la faible densité atmosphérique élève la vitesse de cisaillement seuil de mise en mouvement. L’atmosphère dense de Vénus, au contraire, facilite la mise en mouvement de la matière sédimentaire. L’appliquette Erosion permet d’apprécier la facilité d’entrainement de la matière sédimentaire sur différents corps planétaires.

En dessous de la vitesse seuil v_{*t}^{min}, aucune particule, même petite, ne décolle.

En effet, pour les particules dont le diamètre d<d_t, la vitesse de cisaillement seuil de mise en mouvement décroit en 1/d mais reste supérieure à v_{*t}^{min} car le déplacement des petites particules est gêné par la présence d’une couche visqueuse tout près de la surface et/ou l’existence de forces cohésives (forces électrostatique ou de van der Waals). Il a fallu plusieurs tempêtes (« dust devils ») sur Mars pour balayer la poussière installée sur les panneaux solaires de Spirit et d’Opportunity.

Pour les grains dont le diamètre d>d_t, la viscosité de l’air n’est plus un obstacle mais la vitesse seuil de cisaillement nécessaire pour initier leur mouvement croit en \sqrt{d} selon : v_{*t}=0.1\sqrt{\frac{\sigma-\rho}{\rho} gd}. Evidemment, plus le grain est grand et/ou lourd, plus il est difficile à mettre en mouvement. Un air dense, cependant, facilitera son déplacement.

Vitesse de cisaillement seuil de mise en mouvement d’un grain en fonction de son diamètre d.
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Crédit : Adapté de la Figure 9.6 de H. Jay Melosh (2011)

L'activité éolienne: transport (suspension, saltation, reptation)

Transport : Suspension, saltation, reptation

Un bon moyen de prédire comment le vent déplacera un grain de diamètre d et de densité \sigma, est de comparer la vitesse de cisaillement de l’écoulement v_* à la vitesse limite de chute du grain dans l’atmosphère v_L, aussi appelée vitesse terminale: v_L=\sqrt{ \frac{4}{3}  \frac{(\sigma-\rho)dg}{C_d \rho}}C_d est un facteur caratéristique lié à la taille et à la forme du grain. C_d \approx 0.4 pour les grains de forme sphérique caractérisés par un nombre de Reynold suffisamment grand pour considérer que l’écoulement autour d’eux est de nature turbulente et C_d \approx 24/R_e pour les grains plus petits pour lesquels la viscosité de l’air joue un rôle non négligeable (petit nombre de Reynolds). Pour ces cas là on peut aisément montrer : v_L=\frac{d^2}{18}\frac{(\sigma-\rho)g}{\eta}.

Lorsque la vitesse de cisaillement de l’écoulement est nettement supérieure à v_L, le grain mis en mouvement entre en suspension ; il peut alors s’élever très haut dans l’atmosphère et traverser des distances intercontinentales. La condition v_*>>v_L étant plus facilement vérifiée pour des grains petits et/ou légers, ce type de mouvement concerne essentiellement les poussières.

Lorsque la vitesse de cisaillement de l’écoulement est comprise entre la vitesse seuil de mise en mouvement et la vitesse limite de chute (v_{*t}<v_*<v_L), le grain arraché à la surface est entrainé par le vent et se déplace alors par sauts successifs. C’est le phénomène de saltation. Les grains sont soulevées par le vent sur une longueur l \sim v_*/g (qui correspond à une hauteur de quelques centimètres ou dizaines de centimètres sur Terre) et retombent sous l'effet de leur propre poids, en rebondissant et en éjectant d'autres particules par impact. Une fois le mouvement de saltation initié, il requiert un vent moins fort pour être entretenu dans la mesure où, à chacun de ses sauts, le grain transmet une partie de son énergie cinétique à de nouveaux grains. Notons néanmoins que le mouvement de saltation peut être contrarié par le passage sur une surface rugueuse (ou la végétation sur Terre) et la présence d’une force de cohésion entre les grains (notamment la tension superficielle si les grains sont humides).

Enfin, les grains de plus grande dimension et/ou plus massifs, plus difficiles à soulever (v_*<v_{*t}), roulent ou glissent à la surface. Ils se déplacent ainsi de proche en proche sans jamais perdre le contact avec le sol. En réalité, leur mouvement est davantage déclenché par l'impact des particules en saltation plutôt que par l'action du vent. C’est la reptation.

Modes de transport des particules par le vent
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Crédit : Y. Reffet

L'activité éolienne: accumulation

Accumulation : dunes et autres formations éoliennes

Des vents excédant la vitesse seuil de déplacement ont été directement mesurés sur la Terre, Vénus et Titan. Mais cela ne suffit pas à expliquer pourquoi au moins 13% de la surface de Titan, 1.5% des continents terrestres, 0.7% du sol de Mars et 0.004% de la surface de Vénus observée par le Radar de Magellan sont couverts de dunes. Le mécanisme de formation de ces accumulations sableuses est complexe et nous n’en donnerons que le principe ici.

Les premiers grains mis en saltation, en retombant au sol, transmettent une partie de leur énergie à d’autres grains qui peuvent alors plus facilement se mettre en mouvement. La quantité de grains en saltation augmente ainsi progressivement jusqu’à ce que le flux soit saturé c’est-à-dire jusqu’à ce que le fluide ne puisse plus se charger en sable. Commence alors l’accumulation ; le sable érodé en amont se dépose sur le sol. Si la quantité de sable est suffisante, une dune apparaitra.

La morphologie des dunes est très variable (en étoile, barkhane, linéaire, transverse, … etc.); elle dépend non seulement du régime de vent en vigueur (unidirectionnel ou multidirectionnel, permanent ou oscillant) mais aussi de la disponibilité et de la nature des sédiments sur place. Dans les régions où la direction du vent s’inverse périodiquement, à l’échelle d’un jour ou d’une saison, les dunes sont souvent de type linéaire. L’essentiel des dunes observées sur Titan sont de ce type. Elles sont très semblables aux structures observées sur Terre en Namibie ou encore dans le désert d’Arabie Saoudite.

Il est important de souligner que le flux en masse de sédiment transporté par le vent étant proportionnel au cube de la vitesse de cisaillement (\propto v_*^3), l’orientation des dunes est donc plus volontairement contrôlées par des vents rares mais exceptionnellement puissants plutôt que par des vents présents tout au long de l’année mais dont l’intensité est faible. En particulier, il a été récemment montré que les dunes de Titan était sculptées lors de rares tempêtes tropicales, ce qui a permis de résoudre le mystère de leur orientation, contraire à celle des vents moyens prédits par les modèles climatiques mais en accord avec la direction de propagation des vents forts soufflant aux moments des Equinoxes.

Enfin, soulignons qu’il existe d’autres formes édifices éoliens, notamment des yardangs, (crêtes rocheuses sculptée par le vent) et trainées (« wind streaks ») sans expression topographique.

Classification des édifices éoliens
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Crédit : Adapté de la Figure 9.12 de H. Jay Melosh (2011)

L’activité pluviale et fluviale: destruction

Si la surface de Mars a pu voir l’eau couler dans le passé, aujourd’hui seules les surface de la Terre et de Titan sont soumises à l’érosion pluviale et fluviale. Il pleut, en effet, sur Terre partout où la température l’autorise. Sur Titan, ce sont les cycles du méthane et de l’éthane qui régissent la météo. Lorsque le sol est perméable, les « eaux » des pluies s’y infiltrent, venant parfois enrichir des aquifères - ou « alcanofères » sur Titan- souterrains, jusqu’à le saturer avant de s’écouler à la surface.

Destruction : Abrasion, altération physique et altération chimique

Au fur et à mesure, l’écoulement liquide décompose et désagrège le socle rocheux en place (aussi appelé substrat), par altération physique, mécanique mais aussi chimique, et participe ainsi à la production d’une masse sédimentaire ensuite transportée à l’état de grains ou de manière dissoute vers de plus basses altitudes

Altération physique: Plusieurs processus physiques provoquent la fragmentation mécanique du matériel rocheux sans en affecter la composition. En particulier, sur Terre, l’eau, en s’infiltrant, dans les fissures des roches les fragilise et contribue à leur désagrégation par cryoclastie (processus de fragmentation lié au cycle de gel/dégel) ou haloclastie (processus de fragmentation lié à la formation de cristaux de sels suite à l’évaporation de l’eau sur Terre). Ces processus étant liés à des changements de phase de l’agent liquide, ils ne sont sans doute pas très efficaces sur Titan où les variations de température à la surface sont très limitées (<2° pendant la journée, <4° d’une saison à l’autre).

Abrasion mécanique: Les débris solides transportés dans les écoulements sont aussi de puissants agents d’érosion; ils entaillent le substrat rocheux pour creuser des vallées et saper des berges. Un liquide étant plus dense qu’un gaz, l’activité fluviale est un agent d’érosion nettement plus efficace que l’activité éolienne : elle exerce une pression plus forte sur les sols, est capable de transporter des débris plus gros et est davantage aidée dans ses attaques mécaniques par la gravité. Pendant leur transport prolongé, les débris voient généralement leur taille se réduire et leur forme s’arrondir ; 10 km suffisent à façonner un galet de calcaire sur Terre - 300 km pour un galet siliceux. L’ampleur de ce travail d’érosion dépend de la vitesse et de la viscosité du fluide en mouvement ainsi que de la nature (notamment de la dureté) des sédiments et du socle rocheux. Est-ce l’érosion fluviale qui a façonné les pierres arrondies de 2 à 20 cm de diamètre photographiées par la sonde Huygens à la surface de Titan (voir la figure ci-contre)? Et si oui, combien de kilomètres on été nécessaires pour leur donner leur forme ? Des travaux préliminaires sur l’érodabilité de la glace d’eau à -180°C (la matière probable de la croûte de Titan) suggère que l’érosion par les rivières d’hydrocarbure sur Titan est aussi efficace que l’érosion fluviale sur Terre.

« Galets » sur Titan et sur la Terre
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Crédit : NASA/JPL/ESA/University of Arizona (Titan) et S.M. Matheson (Terre)

Altération chimique:Les activités pluviale et fluviale peuvent aussi modifier la nature chimique du socle rocheux, notamment par :

Figures karstiques sur la Terre et sur Titan
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L'activité fluviale: transport

Initiation

On l’a vu avec l’activité éolienne, la capacité d’un fluide à mobiliser un sédiment de diamètre d et de densité σ dépend de la densité ρ du fluide, de sa viscosité η et, bien sûr, de sa vitesse d’écoulement. En utilisant une loi d’échelle, l'appliquette "Erosion" permet de comprendre comment les différents paramètres en jeu agissent sur la mise en mouvement de la matière sédimentaire et de comparer l’action d’entrainement du vent sur différents corps planétaires à celle d’un solvant liquide (eau ou méthane liquide). Cependant, sans entrer dans le détail, soulignons que le modèle d’initiation de mouvement présenté dans la section "Activité éolienne: transport (initiation)" s’applique mal au mouvement des petites particules dans un fluide liquide, notamment parce que les forces de cohésion sont moindres et de natures différentes que celles en jeu dans un fluide gazeux. La figure ci-contre montre que des vitesses d’écoulement moins importantes sont requises pour transporter des petites particules dans l’eau ou le méthane liquide.

Transport fluvial
FigErosionPluviale41.png
Crédit : ALG

Suspension, saltation, traction

Une fois mis en mouvement, les sédiments peuvent être transportés. Les modes de transport des sédiments par un agent liquide sont sensiblement les mêmes que ceux vu pour l’activité éolienne: suspension (les particules ne sont jamais en contact avec le fond de la rivière), saltation (les grains se déplace en rebondissant sur le fond) et traction (les grains se déplacent en roulant ou en glissant au fond sans jamais perdre le contact avec le sol). Le transport des sédiments dans un liquide par saltation ou traction est aussi appelé charriage. A cette liste vient néanmoins s’ajouter la possibilité de transporter certains composés sous une forme dissoute (voir ici). Soulignons que l’addition d'une faible quantité de substance en suspension ou en solution peut augmenter grandement la viscosité du liquide.

Pour prédire le mouvement d’un grain dans une rivière, on peut comparer la vitesse de cisaillement du fluide à ce qu’on appelle la vitesse de sédimentation v_s c’est-à-dire la vitesse minimale qu'un flot doit avoir pour transporter, plutôt que déposer, un sédiment de diamètre d et de densité σ. La vitesse de sédimentation est à l’activité fluviale ce que la vitesse terminale est à l’activité éolienne. Elle dépend de la pesanteur, de la taille de la particule, de sa densité et de celle du fluide, et, pour les plus petites particules (celles dont le nombre de Reynolds est inférieur à 1), de la viscosité du fluide.

A l’instar de ce que l’on a vu pour l’érosion éolienne, la vitesse de sédimentation peut s’écrire: v_s=\frac{d^2}{18}\frac{(\sigma-\rho)g}{\eta} pour les petites particules sphériques autour desquels l’écoulement est laminaire et v_s=\sqrt{ \frac{4}{3}  \frac{(\sigma-\rho)dg}{0.4 \rho}} pour les particules sphériques plus grosses dont autour desquels l’écoulement est de nature turbulente.

Si l’écoulement est gravitaire (uniquement produit par l’action de la pesanteur), la vitesse de cisaillement basal (au fond d’un lit de rivière) est lié, en première approximation, à la profondeur du flot h (ou la hauteur des « eaux »), à la pente S du lit (S=sin \alpha) et à la gravité g par la relation : v_*=\sqrt{ghS}. Dans la pratique, on peut considérer que si v_*>v_s, les grains sont suspendus dans le liquide et si v_*<v_s, ils sont charriées (par saltation ou traction) ; les sédiments restent alors confinés dans une zone proche du fond. Plus la pente locale est forte ou plus le niveau des «eaux» est haut (notamment en période de crue), plus la matière sédimentaire sera facilement et abondamment transportée.

Notons que parce que la vitesse de l’écoulement n'est pas constante sur une section de cours d'eau (elle est maximale un peu en-dessous de la surface et dans l'axe du cours d'eau et minimale sur le fond et près des berges), une rivière profonde aura peu d'action sur le fond au contraire d’un écoulement très superficiel (quelques décimètres). Sur Terre, à vitesse égale en surface, la force érosive des wadi (lits de rivières généralement asséchées, en milieu aride) est en effet bien plus forte que celle des rivières des pays tempérés.

La figure ci-contre illustre les modes de transport des gros grains sédimentaires sur la Terre, Titan et Mars. Elle montre notamment que, pour une même vitesse d’écoulement, des sédiments plus gros peuvent être charriés sur Titan par rapport au cas terrestre. D’autre part, du fait de leur densité plus faible, les sédiments composés de glace sont a priori plus faciles à transporter que des sédiments de nature organique.


Paysages fluviaux et accumulation

Les « eaux » fluviales sont généralement collectées au sein de bassins de réception et viennent alimenter un réseau fluviatile hiérarchisé (rigoles, ruisseaux, rivières et fleuves sur Terre). Notons, une différence notable avec le cas éolien : l’agent liquide, contrairement au vent, ne se répartit pas sur toute la surface mais suit la ligne de plus grande pente en restant confiné dans un lit. Les filets d' « eau » confluent et fusionnent en chenaux de taille croissante. La mise en place de ces réseaux fluviatiles dépend de la pente régionale, du débit de liquide et de la nature du substrat (notamment de sa perméabilité). Sur pente forte, les chenaux sont multiples et confluent: le réseau fluviatile est dit en tresse: c'est le cas des portions amonts des cours d'eau (torrents de montagne). Quand la pente devient faible les différents cours d’ « eau » se rejoignent généralement en un unique chenal d'écoulement, souvent sinueux: le réseau à méandres caractérise la plaine alluviale proche de l'embouchure.

La matière sédimentaire mobilisée est déposée à l’endroit où la pente diminue formant ce que l’on appelle des cônes de déjection ou cônes alluviaux. La consolidation des sédiments est à l'origine de la formation des couches sédimentaires mais cette matière peut aussi être re-mobilisée lors de nouveaux épisodes pluvieux. Sur Terre, les sédiments finissent souvent leur voyage dans les océans. C’est peut être aussi le cas sur Titan dont les plus grands lacs sont connectés à des réseaux fluviatiles complexes (voir la figure ci-contre). Les amas de dépôts à l’embouchure des fleuves sont appelés deltas. De part et d’autre du lit limité par les berges, il est aussi fréquent de trouver des levées alluviales, topographies bombées formées par les dépôts des crues. Quelques exemples de paysages fluviaux sur la Terre, Titan et Mars sont présentés sur la figure ci-contre.

Paysages fluviaux
FigErosionFluviale3.png
Paysages fluviaux
FigErosionFluviale4.png
Crédit : Adapté de Grotzinger et al. (2013), Sedimentary processes on Earth, Mars, Titan and Venus. In : Comparative Climatology of Terrestrial Planets, S.J. Mackwell et al. Eds, pp 439-472. Univ. Of Arizona, Tucson.

Les dessins que forment les réseaux fluviatiles à la surface renseignent sur la nature du substrat rocheux, la pente locale et une éventuelle activité tectonique. Ils fournissent également des informations précieuses sur les climats présents ou passés. Cependant il faut garder à l’esprit que le flux de sédiments transportés variant en v_*^3, la forme des chenaux d’écoulement est généralement représentative d’événements catastrophiques et notamment d’épisodes de crue. Enfin, soulignons que tous les chenaux ne sont pas d’origine fluviale : les chenaux visibles à la surface de Vénus ont été creusés par des coulées de lave.