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Questionnement chrétien |
Au début de notre ère, la philosophie d’Aristote domine les réflexions savantes, et il faut attendre la fin du Moyen-Âge pour voir apparaître de nouveaux débats. Le problème principal est que le monde occidental, désormais chrétien, assure l’existence d’un Dieu omnipotent, incompatible avec certaines idées du philosophe grec. En effet, si Dieu avait envie de créer un deuxième monde, ce ne sont certes pas les théories d’Aristote qui l’en empêcheraient... ou alors les pouvoirs divins sont limités – une hérésie ! D’aucuns tentent de pallier cette contradiction. Ainsi, Thomas d’Aquin (1225-1274) assure qu’il n’y a aucun problème d’omnipotence dans cette question de pluralité des mondes, car la perfection peut justement se trouver dans l’Unicité de la création ! Roger Bacon (1214-1294) et d’autres assurent que, pour avoir plusieurs mondes et aucun problème de « place naturelle », il faudrait qu’un vide existe entre ces mondes, ce qui est impossible dans la philosophie d’Aristote : notre monde est donc bien unique.
Pourtant, les critiques se font de plus en plus nombreuses, avec comme antienne « Dieu n’est pas soumis aux lois d’Aristote ». En 1277, Etienne Tempier (?-1279), évêque de Paris, condamne ainsi 219 exécrables erreurs à caractère scientifique, en y incluant notamment le fait que la Cause Première ne peut créer plusieurs mondes. Jean Buridan (1300- 1358) assure quant à lui que Dieu est capable de créer un deuxième monde et de s’arranger pour que les éléments respectent les lois d’Aristote dans ce monde-là aussi ! Pour Guillaume d’Ockham (1280-1347), celui du fameux rasoir, la pluralité des mondes est une évidence, voire une nécessité – dans chaque monde, les éléments retournent à leur place, sans même le besoin d’une intervention divine. Nicole Oresme (1325-1382), évêque de Lisieux, poursuit en affirmant que, si les corps lourds restent au milieu des légers, il n’y a aucun problème. Le cardinal Nicolas de Cuse (1401-1464) va même plus loin : pour lui, l’Univers est ouvert, et la Terre n’y occupe aucune place privilégiée ; de plus, la création divine peut s’exprimer partout – tout corps étant formé des mêmes éléments. Les adeptes de la pluralité restent cependant minoritaires, et la plupart des penseurs de l’époque résolvent le problème à la manière de Thomas d’Aquin : oui, Dieu pourrait créer un autre monde mais en pratique, il n’en a fait qu’un.