Revue des différentes dynamiques atmosphériques planétaires

Auteurs: Thomas Navarro, Arianna Piccialli

Introduction

La rotation de la planète est la clé de la circulation atmosphérique, comme on vient de le voir sur Terre avec le rôle de la force de Coriolis dans la formation de la cellule de Hadley. Ainsi, il est fondamental de garder en tête les périodes de rotation pour les planètes du système solaire.

L'obliquité, qui est l'angle entre l'axe de rotation et la perpendiculaire au plan de l'orbite autour du Soleil, nous renseigne sur les saisons. Dans le cas de Vénus, l'obliquité proche de 180° signifie que la rotation est rétrograde : Vénus tourne de l'Est vers l'Ouest, dans le sens opposé aux autres planètes.

Caractéristiques des planètes avec une atmosphère
CorpsPériode de révolution (jours)Période de rotationObliquité
Vénus224.7243.0 jours177.4°
Terre365.223h5623.4°
Mars687.024h3725.2°
Jupiter4335.39h503.1°
Saturne10757.714h1426.7°
Titan10757.715.95 jours26.7°

Les informations que nous possédons sur ces planètes proviennent d'observations, de résultats de modèles et des équations régissant l'atmosphère.

definitionMéthodes d'étude des atmosphères planétaires

Les méthodes d'étude des atmosphères planétaires comprennent des moyens différents tels que la télédétection (en utilisant des telescopes sur la Terre ou des vaisseaux spatiaux); des mesures directes in situ obtenues par sondes, ballons, atterrisseurs; des études de laboratoire; et des modèles de circulation atmosphèrique. Les mesures des mouvements atmosphériques sont accomplies principalement par les moyens suivants :

  1. Mesures directes du vent in situ en utilisant des anémomètres.
  2. Suivi des ballons-sonde atmosphériques placés à différentes altitudes (Régulièrement utilisé sur Terre et deux fois sur Vénus) (Fig.1).
  3. Suivi des atterrisseurs pour mesurer le vent (Sur Vénus, Mars, Jupiter, et Titan) (Fig. 2).
  4. Suivi des nuages pour déterminer la vitesse du vent (Surtout sur Vénus) (Fig. 3).
  5. Détermination indirecte de la vitesse du vent à partir des champs de température (Voir les équilibres dynamiques).
  6. Mesures du décalage Doppler des raies spectrales pour déterminer la vitesse du vent (Surtout pour Vénus, Mars, et Titan).
Figure 1
Vega-Venus-Balloon.jpg
Représentation artistique du ballon VEGA dans l'atmosphère de Vénus.
Crédit : http://space-sky.com/inflatables-in-space/
Figure 2
nature04060-f1.2.jpg
Vitesse du vent zonal sur Titan pendant la descente de la mission Huygens.
Crédit : M. K. Bird, et al., Nature 438, 800-802 (8 December 2005)
Figure 3
Figures/Tracking_clouds_on_Venus.jpg
Exemples de nuages identifiés dans les images de Venus Express et utilisés pour déterminer la vitesse du vent su Vénus.
Crédit : Fig. 3 dans Khatuntsev et al, Cloud level winds from the Venus Express Monitoring Camera imaging, Icarus (2013); doi: 10.1016/j.icarus.2013.05.018

Planètes à rotation rapide

La Terre et Mars présentent des circulations à grande échelle très similaires typiques d'une planète en rotation rapide - les deux planètes ont des périodes de rotation similaires (Table). La différence principale est due à la présence des océans sur la Terre. En définitive, les deux atmosphères sont mises en mouvement par la différence d'énergie reçue sur la surface en fonction de la latitude.

La Terre

circulation.png
Circulation atmosphérique moyenne schématique sur Terre. Les cellules ne sont pas à l'échelle : elle font quelques dizaines de km d'altitude pour des milliers de km de largeur !
Crédit : T. Navarro

La circulation atmosphérique à grande échelle se caractérise par des cellules de circulation entre différentes latitudes. Si la cellule de Hadley rejoint l'équateur aux latitudes moyennes à environ 30 ° Nord et Sud comme vu auparavant, les cellules de Ferrel ne fonctionnent pas du tout sur le même mécanisme que les cellules de Hadley. Elles mettent en jeu des ondes planétaires baroclines qui dominent les mécanismes de transfert. Les cellules de Ferrel se situent entre les latitudes 30 et 60 ° dans chaque hémisphère, dans lesquelles on trouve un courant-jet. On trouve également une cellule polaire de latitude 60° au pôle dans chaque hémisphère, délimitée par le vortex polaire.

Cette structure en cellule est un comportement moyen de l'atmosphère, qui varie avec les saisons et surtout avec les conditions météorologiques locales, dépendant de nombreaux phénomènes transitoires et chaotiques. Par exemple le centre de la cellule a tendance à se déplacer de part et d'autre de l'équateur lorsque le point subsolaire varie en latitude selon la période de l'année. De plus, il n'existe pas non plus de courant ascendant ou descendant continu et clairement mesurable dans les branches des cellules pour un observateur momentané en un endroit donné. Il s'agit là d'un comportement moyen qui peut être dominé par des effets locaux ou temporaires (cycle jour/nuit, topographie, perturbation météorologique, etc ...). La manifestation la plus tangible de ces cellules à tout un chacun demeure néanmoins la présence de courants jets.

Mars

Tout comme la Terre, Mars possède également une cellule de Hadley. Du fait de l'atmosphère plus ténue de Mars (la pression au sol y est de seulement 6 mbar en moyenne, par rapport à 1000 mbar sur la Terre), les gradients de pression relatifs des pôles à l'équateur sont plus grands et la cellule de Hadley y est plus étendue. Pendant l'équinoxe on trouve deux cellules de Hadley centrées sur l'équateur comme sur Terre, mais durant le solstice, on ne trouve plus qu'un seule grande cellule de Hadley des moyennes latitudes de l'hémisphère d'été vers les moyennes latitudes de l'hémisphére d'hiver. Il faut noter que la différence notable de position de l’ascendance au moment du solstice entre la Terre et Mars vient de la faible inertie de la surface martienne (contrairement aux océans terrestres), qui fait que le maximum de température se déplace complètement dans l’hémisphère d’été alors qu’il reste dans les tropiques sur Terre.


Planètes à rotation lente

Vénus

L'atmosphère de Vénus est caractérisée par une dynamique complexe: une super-rotation rétrograde domine dans la troposphère/basse mésosphère, tandis qu'une circulation solaire-antisolaire peut être observée dans la thermosphère. La super-rotation s'étend depuis la surface jusqu'au sommet des nuages avec des vents de seulement quelques mètres par seconde près de la surface et atteignant une valeur maximale de 100 \textrm{ms}^{-1} au sommet des nuages (70 km), ce qui correspond à un periode de rotation de 4 jours terrestres. Les processus responsables du maintien de la super-rotation zonale dans la basse atmosphère et sa transition vers la circulation solaire-antisolaire dans la haute atmosphère sont encore méconnus.

En plus de la super-rotation zonale, une cellule de Hadley s'écoulant de l'équateur aux pôles avec des vitesses de moins de 10 \textrm{ms}^{-1} a été observée au sommet des nuages. La circulation de Hadley ou méridienne sur Vénus joue un rôle important dans le transport d'air chaud vers les pôles et d'air froid vers l'équateur. Il s'agit d'une cellule dans chaque hémisphère et elle n'est pas limitée aux régions proches de l'équateur comme sur la Terre où la cellule de Hadley est limitée par la force de Coriolis, mais elle s’étend jusqu’aux pôles.

Vénus
Cover_Venus.jpg
Crédit : ESA/VMC/Venus Express

Titan

Il y a très peu mesures directes de la circulation atmosphérique de Titan, un satellite de Saturne, avec une période de rotation de 16 jours. Comme sur Vénus, une super-rotation est prévue dans la haute atmosphère; néanmoins, au contraire de Vénus, les saisons sur Titan jouent un rôle important dans la circulation générale. Les observations obtenues par la sonde Cassini-Huygens montrent la présence d'un seul jet très intense direct vers l'est avec des vitesses de 190 \textrm{ms}^{-1} entre les latitudes 30^\circ-50^\circ dans l'hémisphère nord. L'existence d'une circulation de Hadley de l'équateur au pôle a été également prédite. L’hémisphère Nord est l’hémisphère d’hiver au moment des observations de Cassini. Les cellules de circulation prédites vont d’un pôle (été, ascendance) à l’autre (hiver, subsidence) pendant la majeure partie de l’année, avec une transition autour de l’équinoxe au cours de laquelle l’ascendance se déplace pour changer d’hémisphère, la cellule se réduisant sur l’hémisphère de printemps pendant qu’une autre se développe sur l’hémisphère d’automne, puis prend sa place.


Planètes géantes

Sur les planètes telluriques les vitesses du vent sont mesurées par rapport à la surface de la planète. Comme les géantes gazeuses et les géantes glacées ne disposent pas d'une surface solide, les vents sont généralement mesurés par rapport à la période de rotation de leur champ magnétique. Chacune des quatre planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus, et Neptune) montrent une circulation zonale intense formée par un système de courants-jets qui alternent leur circulation (Est-Ouest) avec la latitude.

Géantes gazeuses

Les planètes géantes gazeuses de notre Système solaire, Jupiter et Saturne, sont composées essentiellement de gaz légers, comme l'hydrogène et l'hélium. On observe aussi la formation de nuages constitués de méthane, d'ammoniac, et du sulfure d'hydrogène.

Au niveau des nuages d'ammoniac, Jupiter possède environ 6-8 courants-jets par hémisphère, avec une vitesse maximale à l'équateur où le jet dirigé vers l'est atteint une vitesse zonale de \sim 100-125 m s-1, et à 23° Nord les vents atteignent jusqu'à 180 m s-1. Saturne possède 4-6 courants-jets par hémisphère, avec un très fort et large jet équatorial direct vers l'est à une vitesse maximale de \sim 450 m s-1. Jupiter affiche également de nombreux tourbillons de courte durée et des tempêtes de longue durée comme la Grande Tache rouge.

Animation issue de 16 images de Jupiter prises par Voyager 1, espacées de 10h (durée du jour sur Jupiter) et traitées pour en produire une animation fluide.
Crédit : NASA / JPL / Björn Jónsson / Ian Regan

Géantes glacées

Les planètes géantes glacées de notre Système solaire, Uranus et Neptune, sont constituées principalement d'eau, méthane ou d'ammoniac.

Les deux planètes glacées montrent un jet équatorial dirigé vers l'ouest - avec une vitesse de \sim 100 m s-1 et de \sim{500} m s-1 respectivement pour Uranus et Neptune - et deux jets intenses aux latitudes moyennes dirigés vers l'est avec une vitesse maximale de 200 m s-1. Comme sur Jupiter, forts tourbillons, convection et tempêtes ont été observés sur Neptune. Au contraire, sur Uranus aucune tempête n'a été observée.