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3a) Le nombre moyen de planètes par système qui sont de type terrestre et capable d’abriter la vie |
3) : Le nombre moyen de planètes par système qui sont de type terrestre et capable d’abriter la vie
Nous cherchons maintenant le nombre de planètes qui seraient rocheuses et dans leur zone habitable (i.e., la zone au-delà de l’étoile centrale où l’eau est sous forme liquide à une pression proche de 1 bar), ce qui était sous-entendu par Drake lors de l’écriture de l’équation. Par exemple, la zone habitable du Soleil se situe entre 0.7 et 1.3 fois la distance de la Terre (avec des calculs simplistes, i.e., Vénus peut parfois être incluses dedans dépendant de la complexité de la zone habitable que l’on modélise*). L’étude de Bryson et al. (2021) compile les résultats de la mission Kepler pour évaluer ce nombre pour différents types d’étoiles (plus l’étoile est chaude, plus la zone habitable est loin de l’étoile). Ils trouvent que les planètes ayant un rayon entre la moitié et 1,5 fois le rayon terrestre qui orbitent autour d’étoiles avec des températures effectives entre 4800 et 6300 K (i.e., incluant notre Soleil) sont dans leur zone habitable entre et fois par étoile (c’est une limite conservative, la limite optimiste étant entre 0.58 et 0.88 planètes habitables par étoile). De manière intéressante, ils estiment (avec un intervalle de confiance de 95%) qu’en moyenne l' exoplanète la plus proche de nous dans sa zone habitable autour d’une étoile G ou K serait à ~6 pc, et il devrait y avoir environ 4 planètes dans leur zone habitable autour de naines G ou K à moins de 10 pc de notre Soleil.
*Revenons quelques instants sur les calculs de zone habitable, i.e., la distance à l’étoile où l’on peut trouver de l’eau liquide**. Ce concept est loin d’être évident bien que sa définition paraisse simple au premier abord. En effet, pour faire un calcul propre, il faut prendre en compte la taille de la planète, la composition et la masse de son atmosphère, la masse de l’eau liquide en surface, ou même le volcanisme, ce qui peut faire de grosses différences sur la température finale de la planète et changer l’état physique final de l’eau (gazeux-liquide-solide). On voit bien que ça n’est pas qu’un critère de distance à l’étoile car la Lune par exemple n’est pas habitable. On fixe généralement dans la définition de l’habitabilité que l’eau de surface doit être liquide pour une atmosphère de type Terre (avec beaucoup de diazote, de vapeur d’eau et un peu de CO2). On voit bien que cela aussi peut poser problème car la Terre jeune qui était riche en CO2 a abrité la vie il y a au moins 3.8 milliards d’années alors que le Soleil n’avait que 70-75 % de sa luminosité actuelle. Une définition simpliste pousse donc la jeune Terre pleine de vie en dehors de la zone habitable avec des océans glacés. On sait que ça n’était pas le cas grâce aux données archéologiques et ceci à cause de la présence de gaz à effet de serre dans l’atmosphère de la jeune Terre (qui n’avait pas encore de dioxygène). Mars qui est situé en dehors de la zone habitable telle que définie de manière simpliste a pourtant eu de l’eau liquide à sa surface grâce à une atmosphère bien plus épaisse qu’aujourd’hui. De plus, la définition usuelle ne prend pas en compte les océans liquides qui pourraient se cacher sous une surface gelée et être chauffés par l’intérieur (e.g., Encelade, un satellite de Saturne, pourrait être dans ce cas). Dans les atmosphères épaisses des planètes du Système Solaire (Vénus ou les 4 planètes géantes), il y a toujours une partie de l’atmosphère en altitude ou en profondeur avec une température clémente qui permettrait d’envisager le développement d’une certaine forme de vie, par exemple, bactérienne (mais rien n’est moins sûr). Il faut donc être attentif à la définition utilisée pour la zone habitable et prendre cette notion avec de grosses pincettes, mais il faut admettre que c’est très utile pour calculer des ordres de grandeurs, faire des choix pseudo-motivés, et discuter avec le grand public.
**Vous êtes en droit de vous demander : Pourquoi on veut de l’eau pour faciliter le développement de la vie ? Cela peut paraître à priori très anthropocentrique. C’est en effet un peu le cas mais pas que. La Terre est un cas particulier (ou unique ?) où la vie a pu se développer, donc il est bon de tester des modèles pour lesquels on est sûr que ça fonctionne avant de se lancer dans des hypothèses plus fantaisistes. De plus, il a été montré que l’eau est un bon solvant pour permettre de créer de plus grosses molécules (en particulier avec le carbone), nécessaires à la création des premières briques de la vie comme les protéines ou l’ARN. Enfin, pour le bon fonctionnement des cellules il faut absolument un solvant liquide pour permettre de « nourrir » les cellules et qu’elles puissent se déplacer à bon escient. L’eau est peut-être le seul liquide capable de faire cela. Pour le moment, il est impossible d’en être sûr. Il y a par exemple des lacs d’hydrocarbure liquide à la surface de Titan (éthane, méthane, voir Figure). L’ADN ou l’ARN ne peuvent pas survivre dans du méthane liquide mais des membranes peuvent se former et peut-être que d’autres formes de vie pourraient se développer. Il est très difficile de savoir quel mécanisme pourrait être à l’œuvre dans ces lacs d’hydrocarbures mais on a la chance d’avoir Titan à quelques encablures (à peine 1,5 milliards de km) de chez nous et de nombreux projets proposent d’aller voir ce qu’il s’y passe de plus près (sous-marins, drones, …).