L'objectif de ce chapitre est de découvrir la polarisation de la lumière, ses utilisations et comment elle nous apporte des informations sur les propriétés des environnements planétaires.
Dans ce grain, les concepts d'ondes et en particulier d'onde électromagnétique seront employés. Avoir une connaissance élémentaire de ces concepts est donc recommandée.
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Rasmus Bartholin (1625-1698) publie en 1669 ses observations des propriétés optiques du Spath d'Islande. Il avait remarqué qu'un rayon réfracté par un tel cristal produisait deux rayons, un rayon « ordinaire » et un rayon « extraordinaire ». Les deux rayons ayant des propriétés différentes : c'est la découverte de la biréfringence. Christian Huygens (1629-1695) étudiera aussi la double réfringence des cristaux de spath, et observera que l'intensité de la lumière transmise par deux cristaux dépend de l'orientation de ces derniers. Il y a donc une asymétrie autour de la direction de propagation : ce sont les bases de la polarisation.
François Arago (1786-1853) s'intéressera lui à la polarisation du ciel. Dans la même période, Étienne-Louis Malus (1775-1812) publie en 1809 des travaux sur la polarisation de la lumière par réflexion : il avait observé que la lumière du Soleil couchant observée après réflexion puis à travers un cristal biréfringent changeait d'intensité avec la rotation du cristal. En 1810, il publie ses travaux sur la biréfringence, qui lui valent le prix de l'Académie des Sciences. Il est le premier à employer le terme de « polarisation ».
Dans la lignée des observations de Malus, David Brewster (1781-1868) établit en 1815 les lois de la polarisation par réflexion, avec notamment l'angle qui porte son nom : l'angle de Brewster.
Augustin Fresnel (1778-1827) observera que les faisceaux ordinaires et extraordinaires produits par biréfringence ne peuvent pas produire d'interférences (car de différentes polarisations), ce qui lui permettra d'établir que la lumière est une onde transverse, et non longitudinale.
En 1845, Michael Faraday (1791-1867) réalise une expérience où il fait traverser un faisceau de lumière polarisée linéairement dans un matériau exposé à un champ magnétique orienté dans la direction de propagation de la lumière. Faraday observe que la direction de polarisation à la sortie du matériau est changée, prouvant l'effet d'un champ magnétique sur la lumière, et confirmant ainsi que la lumière est une onde électromagnétique.
La synthèse de ces divers travaux sur la lumière et la polarisation viendra avec James Clerk Maxwell (1831-1879) qui achèvera de construire la théorie électromagnétique avec les équations de Maxwell publiées sous diverses formes entre 1865 et 1873.
Pieter Zeeman (1865-1943) découvrira en 1896 l'élargissement et la polarisation des raies d'émission spectrales sous l'effet d'un champ magnétique. D'autre part, John Wiliam Strutt (Lord Rayleigh) (1884-1919) publie en 1871 ses travaux sur la diffusion (diffusion Rayleigh) de la lumière par de petites particules, expliquant ainsi la couleur et la polarisation du ciel. Toujours concernant la diffusion, Gustav Mie (1869-1957) établira la solution des équations de Maxwell dans le cas de la diffusion par particules sphériques, ce régime se situant entre le régime de Rayleigh et l'optique géométrique.
La découverte de la polarisation et son étude ont ouvert un champ d'étude important que les sciences planétaires ont su exploiter, comme nous allons le voir dans le cadre de ce chapitre. Nous ne traiterons pas tous les phénomènes liés à la polarisation mais nous nous focaliserons sur ceux utiles à la planétologie.
La principale observable pour un astronome ou un astrophysicien, c'est le photon, qui peut être considéré comme la particule de lumière. Le photon est porteur de beaucoup d'informations, car il est modifié par les diverses interactions qu'il peut avoir avec son environnement. Ainsi, divers processus peuvent changer la polarisation de la lumière, et fournir ainsi des informations sur la surface, l'atmosphère et d'autres paramètres des systèmes planétaires.
Les processus polarisants peuvent concerner une large gamme de longueurs d'ondes. De plus les dispositifs de mesure de la polarisation peuvent être passifs et assez simples à mettre en œuvre.
Dans la vie quotidienne, on est régulièrement amené à rencontrer des dispositifs ou des phénomènes polarisants. Quelques exemples communs :
Mais la nature n'est pas en reste :
La polarisation est une propriété de la lumière. Cette dernière est une onde électromagnétique se déplaçant dans le vide à la vitesse c=299 792 458 m/s. Elle est composée d'un champ électrique (noté généralement E) et d'un champ magnétique (noté B), orthogonaux. À travers les équations de Maxwell, les champs E et B sont liés : la connaissance de l'un suffit pour connaitre l'autre. Aussi, pour simplifier — et c'est aussi la convention choisie en polarimétrie — on ne raisonne que sur le champ E.
Une onde électromagnétique plane se définit notamment par sa direction de propagation. Le plan perpendiculaire à la direction de propagation est appelé le plan d'onde. C'est dans le plan d'onde qu'évolue le champ E (et le champ B, mais nous n'en parlerons plus). À chaque instant, le champ E a une amplitude et une direction différente dans le plan d'onde. Dit autrement, si l'onde se propage en direction de l'observateur ce dernier verra le champ E former differents motifs dans le plan d'onde pendant son évolution temporelle. C'est cela qui va définir la polarisation de l'onde.
Le cas le plus général est celui d'une polarisation elliptique, les autres situation pouvant être considérées comme des cas particuliers de celui-ci.
Si le champ E dessine une ellipse dans le plan d'onde, on parle de polarisation elliptique.
C'est le cas le plus général. On peut alors décomposer le champ électrique selon deux composantes perpendiculaires :
, où est la pulsation de l'onde électromagnétique; le nombre d'onde et φ le déphasage entre les deux composantes.
Nous venons de voir la polarisation elliptique. On peut remarquer que si les deux axes principaux de l'ellipse sont égaux, l'ellipse devient un cercle : c'est la polarisation circulaire.
Si le champ E dessine un cercle dans le plan d'onde, on parle de polarisation circulaire. Le sens de rotation de E définit une polarisation :
On peut se souvenir du sens de rotation en utilisant ses mains. En pointant son pouce vers soi, on regarde dans quel sens s'enroulent les autres doigts; en choisissant la main qui permet de reproduire le sens de rotation de l'onde polarisée (main gauche ou main droite), on détermine le sens de la polarisation !
On peut alors écrire les composantes du champ électrique comme suit :
, où est l'amplitude commune des deux composantes du champ électrique. La phase vaut alors .
Attention ! Ceci est vrai si on se place du point de vue de l'observateur. Les directions doivent être interverties si on se place du point de vue de la source. Quand vous traitez des problèmes de polarisation, vérifiez toujours quelle est la convention utilisée.
Si le champ E décrit un segment dans le plan d'onde, on dit que la polarisation est linéaire. On peut la voir comme une polarisation elliptique pour laquelle l'un des deux axes de l'ellipse de polarisation serait réduit à un point.
Le champ électrique s'écrit alors
, avec et .
On a abordé ici les types de polarisation, mais la lumière n'est pas forcément polarisée. Ou plutôt, un faisceau de lumière n'est pas polarisée d'une seule façon. On peut avoir une superposition de différentes polarisations linéaires, elliptiques et circulaires. La lumière naturelle est ainsi composée de multiples états de polarisation différents, donnant en moyenne une lumière non polarisée.
Pour les situations de polarisation linéaire, on décompose généralement la polarisation en deux composantes : la composante parallèle au plan de diffusion, et la composante qui lui est orthogonale. On représente souvent la lumière naturelle par un faisceau de lumière polarisée dans deux directions orthogonales. Un polariseur pourra alors filtrer l'une des composantes.
Les sources naturellement polarisées ne sont pas communes. La lumière solaire est un bon exemple de lumière non polarisée. De même, le rayonnement thermique n'est généralement pas polarisé. Cependant, bien que les sources ne soient pas polarisées, la réflexion et la traversée de certains milieux peuvent modifier la polarisation de la lumière.
Un polariseur est un dispositif qui agit sur un faisceau de lumière incidente selon la polarisation de celui-ci. Il peut filtrer la lumière en ne laissant passer que certaines composantes de polarisation. Il peut aussi changer la polarisation d'un faisceau incident.
La plupart des polariseurs sont de simples filtres (la marque Polaroid en est un exemple connu), qui ne laisse passer la lumière polarisée que dans une direction particulière (on parle de direction ou d'axe du polariseur). Ainsi une lumière non-polarisée sera polarisée après avoir traversé un tel filtre. Une lumière polarisée ne sera totalement transmise que si la direction de polarisation incidente est la même que celle du filtre.
L'intensité transmise par un polariseur dépend des orientations du filtre et de l'onde incidente. Si on note l'angle entre la direction du filtre et la direction de polarisation de l'onde incidente et son intensité, on a après le polariseur une intensité , c'est la Loi de Malus. De fait, on retrouve qu'un polariseur dont la direction de polarisation est perpendiculaire à celle de la lumière incidente, il ne transmettra rien. De même, deux polariseurs de directions perpendiculaires (on dit qu'ils sont croisés) ne laissent pas passer la lumière: celle-ci est polarisée dans une direction par le premier polariseur, puis bloquée par le second, de direction perpendiculaire. Dans le cas d'une source non polarisée .
D'autres dispositifs optiques permettent de modifier la polarisation de la lumière. Les lames à retard sont utilisées à cet effet. On l'a vu précédemment, un faisceau polarisé peut être considéré comme étant la somme de deux composantes de polarisation orthogonales. Lors de la traversée d'une lame à retard, les propriétés de biréfringence de la lame vont faire qu'une des deux composantes est retardée par rapport à l'autre, ce qui va changer la polarisation en sortie. On dira que la lame a deux axes, un axe lent et un axe rapide.
Dans le cas d'une lame demi-onde, le déphasage entre les deux composantes est π (ou d'une demi-longueur d'onde, d'où son nom). De fait, si l'onde polarisée linéairement selon une direction faisant un angle θ avec l'axe rapide de la lame, elle ressortira avec une direction tournée d'un angle . L'utilisation principale qui en est faite est de changer la direction de polarisation linéaire. Une onde polarisée avec un angle par rapport à l'axe rapide aura en sortie un angle avec l'axe rapide : les directions incidentes et émergentes sont donc croisées !
Dans le cas d'une lame quart d'onde, le déphasage vaut (ou un quart de longueur d'onde). Une telle lame permet de transformer une polarisation linéaire en une polarisation elliptique ou circulaire, et inversement. En effet dans le cas linéaire, les deux composantes du champ électrique, parallèle et perpendiculaire à l'axe rapide sont de la forme et . Si on introduit un déphasage de , les deux composantes deviendont et , le vecteur du champ électrique va donc décrire une ellipse !
Attention ! Le fonctionnement des lames à retard dépend de la longueur d'onde !
Pour décrire l'état de polarisation de la lumière on va utiliser une notation introduite par Gabriel Stokes : le vecteur de Stokes. Celui-ci est composé de quatre éléments : I, Q, U et V.
Le paramètre I décrit l'intensité de la lumière. L'intensité totale est où . Le degré de polarisation, décrivant la proportion de la lumière qui est polarisée est donc . Si on note la polarisation parallèle au plan de référence et la composante polarisée perpendiculairement au plan de référence, on a .
La polarisation linéaire est décrite par les éléments Q et U. Ils sont définis tels que (cf. figure):
Le degré de polarisation linéaire se mesure alors avec . Si on est dans le cas où ,alors .
La polarisation circulaire se mesure avec V. Si V est positif, la polarisation est circulaire droite, si V est négatif, elle est gauche (du point de vue de la source, attention les conventions peuvent varier). Le degré de polarisation circulaire est alors simplement .
On va maintenant s'intéresser aux processus liés aux environnements planétaires qui peuvent polariser la lumière et donc nous donner des informations sur les caractéristiques des milieux étudiés. Dans le cas où les planètes ou corps auxquels on s'intéresse ont une atmosphère, la lumière peut être polarisée par diffusion au sein de celle-ci.
Cette diffusion est très importante dans les atmosphères planétaires. Elle se produit quand une onde vient à être diffusée par une particule qui est très petite devant sa longueur d'onde. Par exemple, quand du rayonnement visible (~500nm) vient à rencontrer une molécule dans l'air (~0.1 nm). La diffusion Rayleigh est isotrope.
L'efficacité de la diffusion Rayleigh dépend de la longueur d'onde de l'onde incidente. Plus la longueur d'onde est petite, plus la diffusion est efficace. C'est pour cela que le ciel est bleu : la lumière dans les longueurs d'onde bleues est plus diffusée et semble venir de toutes les directions, tandis que la lumière rouge est peu diffusée et traverse l'atmosphère. C'est aussi pourquoi le Soleil semble rouge au coucher : la lumière traverse plus d'atmosphère et le bleu est fortement diffusé. La lumière nous arrivant est donc pauvre en bleu et nous semble rouge-orangée.
En termes de polarisation, la diffusion Rayleigh est caractéristique en ce qu'elle polarise la lumière en fonction de l'angle de phase α. Rappelons que l'angle de phase est l'angle entre le rayon incident et l'angle émergent (c'est le supplémentaire de l'angle de diffusion). La diffusion Rayleigh diffuse la lumière avec une polarisation perpendiculaire au plan de diffusion, avec un maximum pour un angle de phase de 90°.
La diffusion de Mie concerne elle des photons diffusés par des particules de taille similaire ou supérieure à la longueur d'onde. Par exemple, la lumière visible (~500 nm) dans les nuages de gouttelettes d'eau (~5μm). Elle tire son nom du physicien allemand Gustav Mie qui a établi cette solution des équations de Maxwell en 1908.
Contrairement à la diffusion Rayleigh qui peut se résoudre analytiquement, la diffusion de Mie est plus complexe. Il s'agit d'une solution particulière des équations de Maxwell et a une expression analytique, mais dont les calculs sont vite fastidieux ; c'est pourquoi on l'utilise surtout avec des outils numériques.
La diffusion de Mie n'est pas isotrope : elle diffuse préférentiellement vers l'avant, et dépend peu de la longueur d'onde. C'est elle qui rend les nuages blancs : toutes les longueurs d'onde sont diffusées vers l'observateur qui voit donc un nuage blanc !
En termes de polarisation, l'émission varie beaucoup en fonction de la taille du diffuseur, de son indice de réfraction, et de la distribution en taille des diffuseurs. Mais on retrouve des structures caractéristiques :
Certains matériaux ont des propriétés polarisantes sur la lumière les traversant, notamment par biréfringence.
La biréfringence est une propriété de certains matériaux dans lesquels l'indice de réfraction dépend de la polarisation et de la direction de l'onde incidente. Cela crée des directions différentes de propagation dans le milieu selon la polarisation de l'onde. On parle alors d'indice ou de direction ordinaire et extraordinaire.
Les deux rayons ordinaires et extraordinaires sont polarisés différemment, souvent dans des directions perpendiculaires. Cette propriété peut-être utilisée pour créer des analyseurs de polarisation.
Certains matériaux ne sont pas biréfringents, mais sont tout de même polarisants. C'est le cas des polaroid, qui sont des filtres dont les molécules sont toutes orientées dans la même direction. La lumière polarisée perpendiculairement aux molécules est transmise, l'autre composante étant bloquée.
Lorsqu'une onde électromagnétique arrive à une interface, par exemple entre l'air et du verre, une partie de l'onde est transmise dans le verre et une partie est réfléchie. Selon l'indice de réfraction des deux milieux, l'angle d'incidence de l'onde et sa polarisation, les composantes transmises et réfléchies varient. Observer les variations de la polarisation après transmission ou réflexion par l'interface peut ainsi donner de précieuses informations sur le milieu.
En particulier, il existe un angle, appelé angle de Brewster où seule la composante de polarisation parallèle à l'interface est réfléchie.
Pour la planétologie, la polarisation par diffusion atmosphérique est un phénomène intéressant, car observée sur une autre planète, elle apporte des informations sur les composants atmosphériques, les nuages, et éventuellement des cristaux de glace ou des poussières. Ainsi, la composition des nuages de Vénus a pu être déterminée grâce à des mesures de polarimétrie comparées à des modèles de diffusion de Mie et Rayleigh..
L'étude des planètes sans (ou avec une fine) atmosphère est plus complexe car la polarisation provient alors essentiellement de la diffusion par la surface. Les modèles de diffusion par des surfaces irrégulières comme du régolithe sont délicats à mettre en œuvre. Cependant, les courbes de polarisation de corps comme Mars ou la Lune peuvent être comparés à des mesures en laboratoire menées sur des analogues. Ainsi pour la Lune ou Mars, la comparaison avec des analogues de roches de type volcaniques et silicates donne des résultats en accord avec les mesures in-situ.
L'étude des astéroïdes par polarimétrie complète avantageusement d'autres méthodes telles que la spectroscopie. Il a ainsi été constaté que les courbes de phase polarimétriques des astéroïdes permettent de déterminer leur albédo, ce qui n'est pas toujours aisé par d'autres techniques..
À l'instar des formes de vie, il existe pour les astéroïdes une taxonomie où les objets sont distingués par leur type spectral correspondant à leurs propriétés de surface et à leur composition. L'étude par polarimétrie a mis en évidence que certains astéroïdes qui appartiennent à une même classe spectrale présentent des signatures polarimétriques distinctes, permettant d'affiner les classifications.
Les comètes sont aussi étudiées en polarimétrie, notamment afin de caractériser les grains de poussière cométaire (taille, forme et composition). Des variations de la polarisation selon la distance au noyau mettent en évidence des changements dans le type de grains selon qu'ils soient dans la coma ou dans la queue. De même, des variations de polarisation après la rupture d'une comète peuvent indiquer des changements dans les propriétés des grains après un tel évènement.
L'exoplanétologie pourrait aussi tirer des informations de la polarisation. En effet, la lumière d'une étoile est généralement non polarisée, tandis que la lumière réfléchie et diffusée par l'atmosphère de la planète le sera par la surface et par l'atmosphère de la planète.
Ainsi une planète qui serait noyée dans la lumière de son étoile hôte pourrait être invisible en photométrie, mais détectable en polarisation ! Mieux, selon la polarisation mesurée, on pourrait déterminer si la planète possède ou non des nuages et caractériser ces derniers.
La polarisation peut aussi donner les informations sur la planète, comme pour le système solaire. Ainsi détecter des structures polarimétriques comme des gloires ou des arcs-en-ciel pourraient indiquer la présence de nuages d'eau. À l'inverse, une polarisation de type Rayleigh pourrait indiquer que la planète ne possède pas de nuages.
Outre les paramètres de l'atmosphère ou de la surface, la polarisation peut permettre de mesurer certains paramètres orbitaux de la planète. En effet, la polarisation étant sensible à une rotation du plan de diffusion, la variation de la polarisation avec la rotation de la planète autour de son étoile peut être reliée à une inclinaison du plan orbital et/ou à une excentricité de l'orbite.
Les disques protoplanétaires peuvent aussi être étudiés par polarimétrie. La lumière de l'étoile au centre du disque est non polarisée, mais les grains du disque autour diffusent la lumière et génèrent ainsi beaucoup de polarisation. Un instrument sensible à la polarisation peut ainsi mieux voir le disque qu'en lumière normale et peut donc l'étudier plus en détail.
Pour de tels disques, on peut ainsi étudier les grains qui les composent, mais aussi identifier leur orientation et d'éventuelles structures internes. Ce genre d'observations permet ainsi de mieux contraindre les modèles de formation planétaire.
Supposons une interface entre deux milieux d'indices respectifs et . Un rayon arrive sur cette interface avec un angle par rapport à la normale à l'interface. Une partie est réfléchie avec un angle et une partie est réfractée avec un angle .
Dans le cadre de l'optique géométrique, les lois de Snell-Descartes énoncent que :
Une onde électromagnétique incidente peut être décrite sous la forme suivante : où , et où et sont le vecteur d'onde et le vecteur position respectivement. est le module du vecteur de champ électrique incident.
Par la suite on notera avec le module du champ électrique réfléchi par l'interface et le module du champ transmis par l'interface. On va définir deux coefficients : le coefficient de transmission et le coefficient de réflexion , tels que :
Pour déterminer l'expression de et de on va s'intéresser à deux cas de polarisation de l'onde incidente.
Si on suppose que l'onde incidente est polarisée perpendiculairement au plan d'incidence, on a : .
À l'interface entre les deux milieux, et à partir des lois de Maxwell, on a des relations de continuité entre les différentes composantes des champs électrique et magnétique. Ainsi, les composantes tangentielles du champ électrique se conservent. Les champs électriques étant déjà parallèles à l'interface, on a donc : (1).
(1)
En ce qui concerne le champ magnétique, ce sont les composantes normales qui sont conservées. Comme est perpendiculaire à , les champs magnétiques incidents, transmis et réfléchis sont dans le plan d'incidence et on a, par projection sur l'axe (Oz) :
(2) où est l'angle de réfraction.
Par ailleurs, l'équation de Maxwell-Faraday permet d'établir que . On peut alors écrire :
.
En remplaçant par son expression en (1), on peut écrire : . Ce qui devient, après quelques arrangements :
et donne finalement les coefficients de réflexion et de transmission, dits coefficients de Fresnel :
Si on suppose maintenant que la polarisation du champ est dans le plan d'incidence, on aura : .
Pour le champ magnétique, on a la relation de continuité liant les composantes tangentielles du champ avec le courant surfacique parcourant l'interface. Ici, ce courant est nul, ce qui nous permet d'écrire que :
(1)
ainsi que (2)
En utilisant à nouveau la relation , on peut écrire :
L'équation (2) devient quant à elle, avec la même astuce :
(4)
En utilisant les expressions (3) et (4) on retrouve les deux autres coefficients de Fresnel :
Les coefficients de Fresnel mettent à jour un cas particulier. En effet si , on a ! L'onde polarisée parallèlement au plan d'incidence (perpendiculairement à l'interface) est totalement transmise ! Cet angle particulier porte le nom d'angle de Brewster d'après David Brewster qui l'a mis en évidence le premier.
Les coefficients calculés ci-avant sont des coefficients de réflexion et de transmission en amplitude des ondes. Or on mesure généralement l'intensité de la lumière. On va donc utiliser des considérations énergétiques (conservation de l'énergie notamment) pour définir les coefficients de réflexion et transmission à l'interface.
Les deux cas étudiés précédements sont applicables au cas général où la lumière n'est pas polarisée. En effet, on peut considérer la lumière naturelle comme ayant une composante polarisée parallèlement au plan d'incidence et une composante polarisée perpendiculairement au plan d'incidence.
C'est l'étude de la lumière transmise ou réfléchie par un corps dans différentes polarisations qui va fournir des informations sur le milieu, car les coefficients de Fresnel dépendent de la géométrie, mais aussi des caractéristiques des milieux, via et .
On peut s'intéresser à la polarisation du rayonnement thermique issu d'un corps. Normalement le rayonnement thermique n'est pas polarisé, mais la traversée du milieu (le sol par exemple) va le polariser et l'on va pouvoir mesurer cet effet. C'est ce qui est utilisé par exemple par la sonde Cassini qui étudie Titan.
On va donc s'intéresser à la transmission du corps en fonction de la géométrie d'observation et de son indice de réfraction (ou sa permittivité électrique). On parlera alors d'emissivité du corps.
On mesure généralement le degré de polarisation où est l'émissivité en polarisation parallèle ou perpendiculaire au plan de diffusion.
On peut également utiliser cette méthode de façon active en envoyant une onde polarisée sur une surface avec un radar et en étudiant la réflexion de cette onde sur le corps étudié. (Donner Exemple)
Pour étudier les processus de diffusion tels que la diffusion de Rayleigh ou de Mie, on va utiliser le paramètre de taille , où est le rayon du diffusant et la longueur d'onde du photon incident. Le paramètre de taille permet de distinguer le régime de Rayleigh et celui de Mie :
La diffusion Rayleigh se produit dans le cas de diffuseurs petits par rapport à la longueur (), ayant un indice de réfraction proche de l'unité ou satisfaisant .
Lorsqu'un onde électromagnétique rencontre le diffuseur, elle génère un dipôle électrostatique de moment , où est le champ électrique incident et α la polarisabilité du diffusant. Ce dipôle va rayonner une onde de même fréquence dans toutes les directions. Cependant, l'intensité et la polarisation de l'onde rayonnée vont dépendre de l'angle de diffusion.
On peut montrer que la fonction de phase est , où Θ est l'angle de diffusion.
En ce qui concerne la polarisation, on va considérer que la lumière incidente est non polarisée (ce qui est vrai pour la lumière solaire) et considérer les directions parallèle et perpendiculaire au plan de diffusion, que l'on va noter avec les indices et respectivement. La composante diffusée polarisée perpendiculairement au plan de diffusion, ne dépend pas de Θ, tandis que évolue en . Dès lors, si on s'intéresse au degré linéaire de polarisation, on aura :
Ceci rend compte du maximum de polarisation observé par diffusion Rayleigh pour un angle de phase de 90°.
Difficulté : ☆
On observe les vecteurs de Stokes suivants (mesurés tels que le plan de diffusion est horizontal) :
Lequel de ces vecteurs correspond à une lumière totalement polarisée ? Même question pour une lumière non-polarisée.
Lequel (lesquels) de ces vecteurs décrit une lumière circulairement polarisée ?
Quels sont les vecteurs de lumière linéairement polarisés ?
À quels vecteurs pourrait-on associer de la lumière diffusée selon le régime de Rayleigh ?
Quel est le degré de polarisation linéaire de ces vecteurs ? Même question avec le degré total de polarisation.
Difficulté : ☆
On se propose dans ce projet d'étudier les nuages de Vénus à l'aide de la polarimétrie. On va pour cela utiliser des mesures prises par l'instrument SPICAV-IR, à bord de la sonde européenne Venus Express.
Dans une atmosphère comme celle de Vénus avec des nuages et du gaz, quels sont les processus de diffusion que l'on doit considérer ?
SPICAV-IR observe Vénus dans la fin du domaine visible et l'infrarouge proche. Dans ce cas, lequel des processus évoqués ci-dessus peuvent être négligés ?
SPICAV-IR mesure les deux composantes orthogonales de polarisation linéaire à l'aide de deux détecteurs. Le détecteur 1 ( ) mesure et le détecteur 0 () mesure . Quelle va être l'expression du degré de polarisation linéaire ?
SPICAV-IR peut-il mesurer les éléments de Stokes U et V ?
On va ici étudier une gloire observée en polarisation par SPICAV-IR. Dans ce type d'observation, la sonde regarde un endroit fixe sur Vénus. Ainsi seul l'angle d'émission varie tandis que l'angle solaire zénithal reste constant.
L'application (disponible ici) présente l'observation SPICAV-IR pour trois longueurs d'onde (1,1 ; 1,274 et 1,553 μm) en rouge. Pour chacune de ces longueurs d'onde l'application permet de calculer un modèle de polarisation. Ce modèle simplifié dépend du rayon efficace des particules des nuages ainsi que de leur indice de réfraction. L'indice de réfraction dépendant de la longueur d'onde, il est ajustable séparément pour chaque longueur d'onde.
En « jouant » avec les paramètres du modèle, tentez de trouver des valeurs qui permettent d'ajuster l'observation à toutes les longueurs d'onde.
Quelle est l'évolution générale des indices de réfraction ? En vous appuyant sur les tables d'indices suivants, quels types de composés peut-on exclure pour la composition des nuages ? Quels composés sont possibles ?
Longueur d'onde (µm) | Indices de réfraction approximatifs | ||
---|---|---|---|
Composé | Eau | Acide sulfurique | Poussières volcaniques |
1,1 | 1,326 | 1,42 | 1,50 |
1,274 | 1,323 | 1,41 | 1,50 |
1,553 | 1,318 | 1,40 | 1,49 |
-------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------FIN DU CHAPITRE -------------
pages_polarisation-exos2/exos1.html
pages_polarisation/exos2.html
La diffusion Rayleigh polarise la lumière perpendiculairement au plan de diffusion.
pages_polarisation/projet1.html
Il faut ici considérer la diffusion de Rayleigh, causée par le gaz. Il faut aussi considérer la diffusion de Mie pour les aérosols sphériques (les gouttes) dans l'atmosphère.
La section efficace de la diffusion de Rayleigh dépend de la longueur d'onde de la lumière en . De fait la diffusion de Rayleigh aura surtout un effet à des longueurs d'onde courtes, et donc plutôt en UV et dans le blue. SPICAV-IR observant dans le rouge et l'IR, il sera peu sensible à cette diffusion, laquelle pourra être ignorée, surtout lorsqu'il va s'agir de comparer les opacités du gaz et des nuages.
Le degré de polarisation linéaire est défini par , ou encore , on a donc :
Non, car les détecteurs ne mesurent que les composantes parallèles et perpendiculaires de la polarisation. Il ne peut donc mesurer que I et Q.