Propulsion

Auteur: Gary Quinsac

Introduction à la propulsion

Spécificités de la propulsion

Parmi les fonctions couvertes par le SCAO il y a la réalisation des manœuvres de modification de la vitesse ainsi que le contrôle d'attitude associé (assurer le pointage des propulseurs lors de la poussée). Le ΔV nécessaire au contrôle d'orbite ne peut être fourni que par des propulseurs, néanmoins ceux-ci peuvent également être utilisés pour générer des couples. Contrairement aux magnéto-coupleurs, ce sont des actionneurs utilisables sur n'importe quelle orbite car ils n'ont pas besoin d'un environnement particulier pour fonctionner. Leur principal inconvénient est une durée de vie limitée inhérente à l'utilisation d'un carburant, lui-même en quantité finie.

Fonctions de la propulsion satellitaire

Il faut différencier la propulsion des lanceurs de celle des satellites. La première doit permettre des incréments de vitesse de l'ordre de 7 à 100 km/s et de très importants niveaux de poussée. Elle se caractérise par une faible capacité d'emport et se présente sous la forme de puissants propulseurs chimiques. La seconde, qui nous intéresse ici, sert à effectuer des transferts orbitaux et des voyages interplanétaires, du contrôle d'orbite et du contrôle d'attitude. Le sous-système propulsif d'un satellite remplit ainsi certaines fonctions :

Orientation du vecteur de poussée

Pour cela, il doit délivrer des forces et des couples. Les forces, ou poussées, sont obtenues par l'éjection de matière à grande vitesse et varient entre quelques μnewtons et quelques centaines de newtons. Suivant les axes de poussée, deux cas de figure sont possibles :

Moteur principal de la navette américaine
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Test d'allumage du moteur principal de la navette spatiale.
Crédit : NASA
Système de propulsion de BepiColombo
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Vue d'artiste du système de propulsion ionique qui sera utilisé pour la mission BepiColombo. Cette mission d'exploration de la planète Mercure doit être lancée en octobre 2018 et est développée conjointement par l'ESA et la JAXA.
Crédit : ESA

Fondamentaux de la propulsion

Conversion d'énergie

Tous les types de systèmes de propulsion sont basés sur un processus de conversion d'énergie. Du carburant est libéré à grande vitesse (vitesse d'expulsion notée v_e qui représente la vitesse relative entre le satellite et le carburant expulsé) avec une quantité de mouvement associée m \ \bold v_e, ce qui, par conservation de la quantité de mouvement, résulte en une quantité de mouvement opposée pour le véhicule. En partant de la troisième loi de Newton et en considérant que la vitesse d'expulsion est constante, on obtient : \bold F = \dot m \bold v_e \ \textup{[N]} .

Incrément de vitesse

Ecrivons que la variation de la quantité de mouvement du satellite est opposée à la variation de la quantité de mouvement du carburant expulsé : \Delta V \ m = -\Delta m \ v_e

On peut directement en déduire la capacité d'incrément de vitesse total (\Delta V) du satellite : \int_{0}^{v=\Delta V}{dv} = -v_e \ \int_{m_i}^{m_f}{\frac{1}{m} \ dm}

On en déduit l'équation de Tsiolkovski : \Delta V = -v_e \ \textup{ln} \left( \frac{m_f}{m_i} \right)

complementManœuvres orbitales

Voici quelques exemples d'incréments de vitesse associés à des lancements et à des manœuvres orbitales issus de "Spacecraft propulsion - A brief introduction" par Peter Erichsen :

Incréments de vitesses associés à des manœuvres spatiales et de décollage
ManœuvreΔV typique [m/s]
Kourou LEO (équatorial)9300
Kourou GTO 11443
Cap Canaveral LEO (équatorial)9500
Cap Canaveral GEO13600
LEO GEO (changement d'inclinaison de 28°)4260
GTO GEO (changement d'inclinaison de 9°)1500
GTO GEO (changement d'inclinaison de 28°)1800
Maintien à poste Nord/Sud50 / an
Maintien à poste Est/Ouest5 / an
LEO Orbite de libération terrestre3200
LEO Orbite lunaire3900
LEO Orbite martienne5700

Quantité de carburant

Si l'on veut déterminer la quantité de carburant nécessaire à la réalisation d'un manœuvre spatiale m_p = m_i - m_f, il ne reste plus qu'à déplacer les termes de l'équation précédente afin d'obtenir : m_p = m_i \left( 1 - exp \left( -\frac{\Delta V}{v_e} \right) \right)

Impulsions

Action-réaction
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Illustration du principe d'action-réaction. Le carburant éjecté propulse le véhicule dans la direction opposée.

Systèmes de propulsion

Auteur: Gary Quinsac

Systèmes de propulsion

Le sous-système de propulsion est en interaction proche avec les sous-systèmes mécanique et thermique, notamment pour l'implantation des réservoirs et le contrôle thermique de la propulsion. Il doit également respecter les exigences du contrôle d'attitude et d'orbite (SCAO). Si son principe de fonctionnement est basique (une énergie emmagasinée est libérée afin de transmettre une énergie cinétique à un véhicule) il existe différents types de propulsion, eux-mêmes divisés en sous-groupes :

Dans le but de répondre aux exigences du SCAO, les systèmes de propulsion sont en particulier caractérisés par :

Certains de ces critères sont repris dans le tableau suivant pour les différents types de propulsion introduits dans ce cours.

Comparaison des différents types de propulsion
Type de propulsionFiabilitéCoûtIspPousséePuissance électrique
Gaz froidsGazTrès bonneTrès basTrès basseFaibleTrès faible
LiquideBonneTrès basTrès basseFaibleTrès faible
Gaz chaudsSolideBonneBasMoyenneTrès forteTrès faible
Mono-carburantBonneBasBasseFaibleTrès faible
Bi-carburantMoyenneHauteMoyenneTrès faible
ÉlectriqueÉlectrothermiqueMoyenneHauteTrès faibleForte
ÉlectromagnétiqueFaibleTrès hauteExtrêmement faibleForte
ÉlectrostatiqueFaibleExtrêmement hauteTrès faibleTrès forte

Une comparaison de la force de poussée et de l'impulsion spécifique de systèmes de propulsion adaptés aux nano.micro-satellites est proposée dans cette figure.

Classification des sous-systèmes de propulsion
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Les principaux systèmes de propulsion sont ici classés par catégorie. Les couleurs indiquées sur cette figure correspondent au couleurs présentes dans la figure suivante.
Crédit : Gary Quinsac
Performances de systèmes de propulsion pour CubeSat
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Impulsion spécifique et force de poussée de systèmes de propulsion pour CubeSat (en développement pour la plupart en 2018). Des couleurs permettent de différencier les différents types de propulsion.
Crédit : Gary Quinsac

Propulsion chimique

La propulsion chimique utilise des gaz à haute température et/ou pression, accélérés à travers une tuyère. Les systèmes de propulsion chimique sont généralement associés à des impulsions spécifiques plus faibles que les propulsions électriques, mais de plus grandes poussées. On peut les diviser en deux catégories : les systèmes à gaz froid et à gaz chaud.

Systèmes de propulsion à gaz froid

Ces systèmes utilisent des gaz stockés sous haute pression ou sous forme liquide. Les gaz sont détendus dans une tuyère convergente-divergente pour obtenir la force de poussée. Ce sont les systèmes les plus simples à mettre en œuvre, mais cela s'accompagne d'une faible force de poussée et d'un faible rendement (impulsion spécifique). Ils présentent une bonne aptitude au fonctionnement en mode pulsé, du fait du faible temps de réponse, les rendant attrayant pour assurer le contrôle d'attitude. Ils ont également l'avantage de limiter les contaminations de l'environnement, ce qui est intéressant notamment pour les optiques des missions scientifiques.

La simplicité de ces systèmes les rend intéressants pour les CubeSats. Néanmoins, du fait de la nécessité de pressuriser le carburant, ils ne respectent pas le cahier des charges décrit par le CDS ("CubeSat Design Specification").

Systèmes de propulsion à gaz chauds

Pour les missions requérant des niveaux de poussée et d'impulsion supérieurs, les gaz froids ne sont plus adaptés et il est nécessaire d'utiliser des carburants plus énergétiques générant des gaz chauds. Les systèmes à gaz chaud sont le type le plus commun de propulsion spatiale. Les ergols des systèmes à gaz chaud sont stockés à l'état liquide ou solide. Une réaction de combustion exothermique de l'ergol est nécessaire pour obtenir des produits à haute température qui sont ensuite expulsés dans la tuyère. Ils nécessitent donc généralement une étape de plus que les gaz froids. On les classe en deux catégories en fonction de leur ergol :

Mono-ergols

Le mono-ergol le plus utilisé est l'hydrazine. Il se décompose dans le propulseur par catalyse. Les gaz chauds résultant sont explulsés par la tuyère. Il présente l'avantage d'être fiable tout en conservant de bonnes performances, mais sa haute toxicité a poussé les chercheurs à s'orienter vers des aternatives appelée "mono-ergols verts". Ces ergols sont des sels dérivés de l'acide nitrique, tels que le dinitramide d'amonium.

Bi-liquides

Dans les systèmes à bi-liquides, deux ergols, un comburant et un carburant, produisent une force de poussée par combustion. Ils sont introduits séparément dans la chambre de combustion où ils s'inflamment spontanément par contact et génèrent des gaz chauds, une nouvelle fois détendus dans la tuyère. Ces systèmes sont plus complexes et plus chers que les systèmes présentés précédemment, mais ils sont également plus efficaces (meilleure Isp) et plus puissants (meilleure poussée).

Schéma des systèmes de propulsion chimiques
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Crédit : Gary Quinsac

Propulsion électrique

La propulsion électrique contourne la limitation fondamentale de la propulsion chimique, c'est-à-dire que l'énergie du carburant expulsé ne dépend que de son énergie chimique et du débit. Une énergie électrique ou électromagnétique est utilisée afin d'éjecter de la matière à des vitesses beaucoup plus élevées. En d'autres termes, on utilise la puissance électrique issue du sous-système électrique (panneaux solaires, batteries...) pour accélérer le carburant et produire une force de poussée. Ces vitesses d'éjection plus importantes se traduisent immédiatement par une plus grande efficacité (moins de carburant est nécessaire pour obtenir un même incrément de vitesse). Néanmoins, les forces de poussée produites sont nettement plus faibles que dans le cas de la propulsion chimique. Par conséquent, la propulsion électrique est préférée lorsque le ΔV à réaliser est important ou lorsque il est nécessaire des manœuvres avec des poussées très faibles (contrôle d'attitude très précis, etc.).

La propulsion électrique offre une grande gamme de performances en fonction du type de sous-système utilisé. On les classe ainsi en trois catégories : les systèmes électrothermaux, électromagnétiques et électrostatiques.

Systèmes de propulsion électrothermaux

Historiquement, ces systèmes sont une amélioration par rapport aux systèmes de propulsion chimiques. Le gaz est chauffé en passant le long d'une surface chauffée électriquement ou à travers un arc électrique afin de lui conférer plus d'énergie. Le gaz ainsi chauffé bénéficie d'une détente plus efficace.

Systèmes de propulsion électromagnétiques

La propulsion électromagnétique utilise la conversion d'un gaz en plasma. Le plasma est constitué d'électrons (de charge électrique négative), d'ions (pour la plupart de charge électrique positive) et d'atomes ou molécules neutres (non chargés électriquement). Les ions positifs résultants sont alors accélérés à de très grandes vitesses par l'énergie électrique grâce à la force de Laplace \bold j \wedge \bold B, où \bold j et \bold B sont respectivement le flux de courant ionique dans le plasma et le champ magnétique. Il en résulte une force de poussée sur le satellite dans la direction opposée.

Contrairement aux systèmes électrostatiques qui vont être présentés par la suite, les systèmes électromagnétiques expulsent un plasma globalement neutre, ce qui est intéressant pour éviter de charger électriquement le reste du satellite. Cette famille de propulseurs contient notamment les PPT (Pulsed Plasma Thrusters), les VAT (Vacuum Arc Thrusters) ou encore les MPDT (Magneto Plasma Dynamic Thrusters).

Systèmes de propulsion électrostatiques

À la manière de l'accélération électromagnétique, l'énergie électrique est dans un premier temps utilisée pour transformer le fluide propulsif en plasma. La différence se situe au niveau de l'accélération des ions qui n'est plus obtenue par les forces de Laplace mais par l'application d'un champ électrostatique \bold E créant une force de Coulomb (\bold F = q \ \bold E). Les systèmes de propulsion électrostatiques nécessitent généralement l'installation d'un neutraliseur (cathode) qui fournit des électrons au faisceau d'ions, afin de conserver la neutralité électrique du jet.

Parmi les propulseurs électrostatiques, on peut citer les propulseurs ioniques, les propulseurs à effet Hall et propulseurs FEEP (Field Emission Electric Propulsion).

Schéma des systèmes de propulsion électriques
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Crédit : Gary Quinsac