Il est souvent dit que l'univers est composé à 99% de plasma et que cet état constitue logiquement le quatrième état de la matière (solide, liquide, gazeux et plasma). Cela peut paraître surprenant car sur Terre, cet état n'existe que dans certains cas très précis. Il est possible de rencontrer cet état sous une forme naturelle dans les éclairs d'orage, les aurores boréales, ou bien sous une forme 'artificielle' (c'est-à-dire produite par l'homme) dans les tubes à décharges (lampes,...), les téléviseurs, dans les tokamaks pour la fusion nucléaire,... En dehors de l'environnement terrestre, cet état constitue donc la majeure partie de l'univers visible et peut se rencontrer dans les étoiles, les nébuleuses, les pulsars et les systèmes planétaires. Pour comprendre la grande diversité des plasmas, il est fréquent de représenter leurs propriétés dans un diagramme densité-température (Fig). Nous remarquons que la densité peut varier de 20 ordres de grandeur tandis que la température peut s'échelonner sur 7 ordres de grandeurs, ce sont des variations extrêmement grandes.
Considérons l'expérience suivante : une boîte contient un gaz mono-atomique (hydrogène par exemple) à température et pression atmosphérique constante. On suppose que les parois de la boîte sont parfaites et que les atomes frappant la paroi subissent une collision élastique et n'ont pas d'échange chimique avec la paroi. Le comportement de ce gaz obéit à la loi des gaz parfaits. Le comportement de ce gaz peut être décrit par la dynamique des fluides et des équations standard de la dynamique des gaz neutres de Navier-Stokes. Nous chauffons ce gaz à pression constante. Rappelons que la température est directement proportionnelle dans ce cas à l'énergie cinétique moyenne des particules constituant le gaz. A partir d'une température suffisamment élevée (de l'ordre de 1 million de K), les atomes sont ''ionisés''. Par conséquent les électrons sont littéralement arrachés de leur orbite dans l'atome et il est énergétiquement possible pour les électrons et les protons d'exister sous la forme de deux fluides distincts électriquement chargés. Notre gaz d'hydrogène a atteint l'état plasma.
Dans l'état plasma, la matière est composée, soit totalement soit partiellement, de particules chargées (électrons et ions) qui sont libres et non pas liées comme au sein d'atomes ou molécules. Cela découle simplement du fait que leur énergie cinétique liée au mouvement des particules est plus grande que l'énergie de liaison électrostatique de 13.6 eV ∼J (pour l'hydrogène). Gardons en tête que 1eV, ou un électron volt, est le travail fourni pour déplacer un électron au travers d'une différence de potentiel de un volt. C'est une unité d'énergie très utilisée en physique atomique et physique des plasmas.
Du fait de leur charge électrique, les particules interagissent avec le champ électromagnétique, d'une part parce que le mouvement des particules chargées est régi par le champ magnétique, et d'autre part parce que l'ensemble des particules est lui-même source de champ, par la densité de charge et de courants que ces mouvements entraînent.
Parmi les nombreuses propriétés des plasmas, nous retiendrons d'une part qu'un plasma est globalement électriquement neutre mais que des écarts à la neutralité au niveau microspcopique, qui découle du fait que les particules chargées sont libres, sont susceptibles d'intervenir et d'autre part que les plasmas montrent des comportements collectifs, différents des gaz neutres, régis par les forces électromagnétiques. Ces effets collectifs sont plus importants que les forces Coulombiennes entre particules chargées. Ainsi dans le cas des gaz, les ondes se propagent par l'action de collisions inter-moléculaires tandis que pour un plasma les ions peuvent se propager en l'absence de collisions au moyen de forces électromagnétiques qui agissent à distance sur les particules.
L'étude et le formalisme de la physique des plasmas s'appuient donc sur l'électromagnétisme pour décrire l'évolution du champ électromagnétique, la mécanique pour s'intéresser à la trajectoire de particules individuelles, la physique statistique qui permet de décrire l'évolution d'un grand nombre de particules et la mécanique des fluides pour comprendre le comportement global d'un fluide (électriquement chargé dans ce cas et donc les équations de la mécanique des fluides doivent être couplées avec les équations de Maxwell). La figure résume très schématiquement les interactions entre particules chargées et champ et les formalismes physique mis en jeu.
Une description plus détaillée de la physique des plasmas est disponible à la page suivante. Dans ce chapitre nous nous interessons aux instruments et aux mesures qui permettent de caractériser ce milieu.
Certaines propriétés et caractéristiques de ce milieu sont également présentées telles que :
Nous ferons appel à ces notions dans ce chapitre.
L'étude des plasmas nécessite d'avoir accès aux informations caractérisant le champ électromagnétique et les particules chargées dans la région considérée. Ces informations peuvent être obtenues à l'aide de différentes mesures et leurs instrumentations spécifiques. Comme nous l'avons montré en préambule, la diversité des plasmas est telle que des paramètres comme la densité ou la température varient sur plusieurs ordres de grandeurs. Il n'est de ce fait pas possible avec un unique instrument de couvrir l'ensemble des valeurs possibles.
Pour caractériser les environnements planétaires ionisés, il est nécessaire de décrire/caractériser les quantités suivantes :
Nous nous limiterons à l'étude des plasmas naturels rencontrés dans le système solaire. Malgré ces considérations, aucun instrument ne peut couvrir ces larges gammes de densité, énergie, ... il existe donc de nombreux instruments qui permettent d'obtenir des mesures/observations sur une échelle de valeurs restreintes. Nous présentons uniquement un échantillon des possibles instruments embarqués sur les missions spatiales à titre d'illustration.
Les objets du système solaire regroupent une variété d'objets et de régions. Cette diversité se traduit par des régimes de densité, température, vitesse, champ magnétique... pouvant couvrir plusieurs ordres de grandeurs. Les objectifs scientifiques d'une mission spatiale définissent les régions à explorer et contraignent les intervalles de mesures possibles qu'un ou plusieurs instruments doivent couvrir.
Pour illustration, nous prendrons comme exemple la mission Cassini-Huygens qui explore le système de Saturne et ses satellites naturels depuis 2004. Plus d'informations sur la mission sont disponibles sur les sites de la NASA et de l'ESA. En cliquant sur le lien suivant vous revivrez quelques-unes des fantastiques découvertes du système kronien obtenues grâce à la sonde Cassini.
Les instruments plasmas doivent être capables de mesurer les paramètres définis dans le tableau ci-dessous. Nous ne présentons que quelques uns des instruments de la sonde, le tableau est de ce fait incomplet.
Paramètre | Intervalle de valeurs possibles (pour répondre aux objectifs scientifiques) | Instruments considérés | Intervalle de mesures possibles (limitation instrumentale) |
---|---|---|---|
Champ magnétique | nT | Magnétomètre continu (fluxgate) (a) | nT |
Magnétomètre alternatif (search-coil) (b) | nT | ||
Mesures particulaires | |||
Électrons | Énergie : 1eV<E < 100MeV Densité : | Spectromètre électronique(c) (Plasma 'chaud', eV) | 0.6eV - 28 keV |
Sonde de Langmuir (b) | Plasma "froid" : E∼ eV Densité : quelques à | ||
Ions | Energie : 1eV<E<100MeV Densité : Masse: m/q = 1 → 400 amu/e | Spectromètre de masse ionique (c) | 1eV - 50 keV m/q=1- 400 amu/e |
Nous présentons brièvement les instruments mentionnés à la page précédente et leurs principales caractéristiques.
Les magnétomètres mesurent l'intensité du champ magnétique (mesure scalaire) mais également les composantes , et du champ magnétique (mesure vectorielle). On distinguera les magnétomètres continus (type fluxgate) qui sont sensibles aux bandes passantes 0-60Hz des magnétomètres alternatifs (type search-coil) qui sont eux sensibles aux fréquences plus élevées ( > 100 Hz). Ces derniers sont essentiellement utilisés pour l'étude des ondes.
Il y a de nombreuses méthodes pour effectuer des mesures de champ magnétique. Pour les applications spatiales, tenant compte de la grande diversité des mesures possibles et des contraintes liées aux ressources limitées (poids, puissance), il est fréquent de rencontrer des magnétomètres continus de type fluxgate.
Comme les magnétomètres sont sensibles aux courants électriques et aux composés ferreux, ils sont placés sur des mâts, relativement loin du coeur du satellite (plusieurs mètres). Ils sont souvent accompagnés d'un programme de propreté magnétique pour assurer que le champ magnétique lié au satellite est limité et ne pollue pas les mesures. Les mesures attendues varient de 0.1-3 nT (dans le vent solaire) à plusieurs milliers de nT proche de la planète (si la planète a un champ magnétique intrinsèque fort).
En dépit du fait que les instruments particules utilisés en physique spatiale ont été construits avec diverses géométries et manipulant des combinaisons sur l'énergie des particules, l'état de charge, la masse des particules et l'analyse des espèces, il n'y a en fait que quelques techniques basiques qui permettent de sélectionner des particules avec des propriétés spécifiques. Ils peuvent faire appel à un champ électrostatique, ou à un champ magnétostatique, ou une combinaison de champ électrique et magnétique, ou en déterminant le temps de vol d'une particule sur une distance donnée... pour ne mentionner que ceux-ci.
Lors de la sélection d'un instrument pour une mission particulière ou si l'on souhaite comparer différents instruments plasmas, on regarde essentiellement quelques paramètres clefs. Ceux-ci sont :
Nous nous intéresserons aux quelques instruments suivants :
Les spectromètres électroniques permettent de déterminer la fonction de distribution des électrons des divers milieux traversés. Ces différentes régions se traduisent par des distributions de vitesse extrêmement variées. Ces instruments sont essentiellement constitués de plusieurs fenêtres d'entrées afin d'avoir une couverture angulaire la plus importante possible. Les particules chargées qui rentrent dans le système sont ensuite dirigées vers un analyseur électrostatique qui permet d'effectuer une sélection en énergie puis, en sortie de l'analyseur viennent impacter des galettes de microcanaux couplées à un système électronique qui permettent de compter les impacts et digitaliser les informations.
Ces instruments sont particulièrement utilisés dans les régions où le plasma est ''chaud'', c'est-à-dire dans le contexte des plasmas spatiaux, dont l'énergie est supérieure à une dizaine d'eV (jusqu'à plusieurs dizaine de keV).
Tout comme les électrons, les spectromètres ioniques doivent permettre de caractériser les fonction de distribution de cette population du plasma et s'appuient également sur le principe d'analyseurs électrostatiques. Ces instruments doivent couvrir une grande échelle d'énergie et un grand champ de vue (idéalement stéradians). Par ailleurs la caractérisation des ions nécessite de déterminer la masse de ceux-ci. Différents principes de spectrométrie de masse sont utilisés dans la physique des plasmas spatiaux et nous présenterons deux concepts.
Une sonde de Langmuir est une sonde électrostatique qui permet de mesurer, entre autre, la densité et la température électronique et le potentiel du plasma. Cela consiste en une électrode plongée dans le plasma. Pour l'exploration spatiale, cette électrode est située au bout d'un mât, à quelques mètres du corps du satellite. En faisant varier la tension appliquée à la sonde, un courant est collecté. L'analyse de cette réponse permet d'en déduire les propriétés du plasma (densité et température électronique, potentiel du satellite).
Cette technique est utilisée préférentiellement dans une région de plasma dense et ''froid'' ( > eV) tel que les régions ionosphériques.