Transfert radiatif

Auteurs: Loïc Rossi, Emmanuel Marcq

Processus radiatifs

L'interaction entre le rayonnement (ondes du champ électromagnétique) et la matière (chargée au niveau microscopique : électrons, noyaux atomiques) se caractérise par trois types de processus radiatifs : l'absorption, l'émission et la diffusion.

Émission

Un processus d'émission intervient lorsque la matière cède localement de l'énergie au champ électromagnétique (création d'un photon). Cette émission est qualifiée de thermique lorsque le champ et la matière sont à l'équilibre thermodynamique à une même température T (on peut voir alors leur interaction comme celle d'un gaz de photons perpétuellement absorbés et émis par la matière environnante, et se mettant en équilibre de la sorte). Il existe également des phénomènes d'émission non thermiques (ex: fluorescence, émission laser), mais ils sortent du cadre de ce cours ; certains de ces processus sont vus dans ce chapitre.

Illustration d'un processus d'émission spontanée
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Émission spontanée d'un photon par un système matériel possédant au moins deux niveaux d'énergie. L'énergie totale est conservée dans ce processus.

Absorption

Un processus d'absorption a lieu lorsqu'inversement, le champ électromagnétique cède de l'énergie à la matière environnante (destruction d'un photon).

Illustration d'un processus d'absorption
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Absorption d'un photon par un système matériel possédant au moins deux niveaux d'énergie. L'énergie totale est conservée dans ce processus.

Diffusion

Lorsque la présence de matière interagit avec l'onde électromagnétique en absorbant et réémettant un photon dans un temps très court, donc sans lui soutirer d'énergie. La réémission s'effectuant dans tout l'espace, il en résulte une déviation des ondes électromagnétiques hors de la direction d'incidence. On appelle ce phénomène diffusion.

Illustration d'un processus de diffusion
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Illustration de la diffusion d'une onde électromagnétique par une sphère diélectrique de rayon comparable à la longueur d'onde et d'indice de réfraction relatif n_r = 1,78. Le champ électrique total figure à gauche, et la composante diffusée à droite.
Crédit : R. Hogan (Univ. of Reading)

On regroupe les phénomènes d'absorption et de diffusion sous le nom d'extinction : ces deux phénomènes ont comme point commun de diminuer l'intensité d'un faisceau lumineux dans la direction d'incidence, soit en l'absorbant, soit en en déviant tout ou partie.


Épaisseur optique / Loi de Beer-Lambert

Profondeur optique

On définit alors la transmittance t comme le rapport entre l'intensité lumineuse I après traversée et celle I_0 avant la traversée du milieu : t(\lambda) = \frac{I(\lambda)}{I_0(\lambda)}. Cette transmittance vaut 1 si le milieu traversé est transparent, 0 si le milieu est parfaitement opaque, et prend une valeur intermédiaire si le milieu est partiellement opaque. Elle dépend a priori de la longueur d'onde comme la formule l'indique.

La transmittance a l'avantage d'être une grandeur aisément mesurable, mais son interprétation physique directe est malcommode. Il est préférable pour cela d'introduire la grandeur appelée profondeur optique \tau(\lambda) qui se déduit de la transmittance comme suit : \tau(\lambda) = - \ln \left[ t(\lambda) \right], soit I(\lambda) = I_0(\lambda) e^{-\tau(\lambda)}. Il est alors facile de déduire des propriétés mathématiques du logarithme que \tau(\lambda) est une grandeur additive le long d'un même rayon (voir figure ci-contre), et qu'elle offre donc un paramétrage naturel de l'abscisse curviligne le long de ce rayon. Il est en outre possible de relier physiquement la variation locale de \tau(\lambda) le long d'un rayon à la présence de matière traversée : c'est la loi de Beer-Lambert .

Additivité de la profondeur optique
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Crédit : Emmanuel Marcq CC-BY-SA

definitionLoi de Beer-Lambert

Elle s'exprime comme suit le long d'un rayon lumineux : d\tau(\lambda) = n(s) \sigma_{\mathrm{ext}}(\lambda) \, dss désigne l'abscisse curviligne le long du rayon (croissant dans le sens de propagation), n(s) la densité volumique de diffusants et/ou absorbants et \sigma_{\mathrm{ext}}(\lambda) la section efficace d'extinction des diffusants et/ou absorbants. En présence de plusieurs types de diffuseurs et/ou d'absorbeurs, il suffit d'ajouter leurs contributions individuelles. L'évolution de la profondeur optique totale \tau(\lambda) = \int_{s=-\infty}^{+\infty} d\tau(\lambda) selon la longueur d'onde au cours d'une occultation ou d'un transit offre donc la possibilité à l'observateur de déduire les propriétés matérielles du milieu traversé (densité volumique et nature physique des particules responsables de l'extinction).


Diffusions Rayleigh et Mie

Régimes de Rayleigh et de Mie

Le régime de diffusion Rayleigh concerne la diffusion de la lumière par des particules petites devant la longueur d'onde (rayon r \ll \lambda), ce quelque soit le type d'aérosol (sphérique ou non) : molécules isolées de gaz, micro gouttes, etc.

La théorie de Mie est quant à elle valable pour toutes les valeurs de r, mais uniquement pour des particules sphériques (gouttes liquides par exemple). Elle tend vers le cas Rayleigh lorsque r \ll \lambda. Pour des particules non sphériques (cristaux, aérosols de Titan, poussières), cette théorie n'est valable qu'en première approximation, et les méthodes utilisées pour aller plus loin sont hors-programme.

Section efficace de diffusion

Cette section efficace évolue de façon très différente selon le régime. Dans le régime Rayleigh, la section efficace est une fonction rapidement croissante de la longueur d'onde (une illustration courante étant la diffusion bien plus importante du bleu que de rouge dans l'atmosphère terrestre, donnant sa couleur à notre ciel). En régime de Mie, cette dépendance est bien plus faible, si bien que les diffuseurs apparaissent peu colorés en l'absence d'absorption (sur Terre, les nuages d'eau liquide sont un bon exemple).

Section efficace de diffusion
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Représentation log-log de la section efficace de diffusion en fonction de la longueur d'onde pour des particules sphériques d'un rayon r \approx 1\,\mathrm{\mu m}. Aux grandes longueurs d'onde, r \ll \lambda et on se trouve dans le régime Rayleigh (\sigma_{\mathrm{ext}} \propto \lambda^{-4}, apparaissant comme une asymptote de pente -4). Pour r \sim \lambda et r > \lambda, on se trouve dans le régime de Mie, où la section efficace est presque indépendante de \lambda et voisine de la section géométrique des particules.
Crédit : Loïc Rossi CC-BY-SA

Fonction de phase

La fonction de phase définit la répartition angulaire du rayonnement diffusé. C'est en quelque sorte la probabilité pour un rayon incident d'être diffusé dans une direction donnée.

Fonctions de phase de Rayleigh et de Mie
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Figure montrant les indicatrices des différents processus de diffusion. La lumière incidente est supposée aller de gauche à droite. Plus la flèche est longue, plus la diffusion sera importante dans cette direction. À gauche, le régime de Rayleigh avec une diffusion relativement isotrope. Au centre, la diffusion de Mie, qui diffuse fortement vers l'avant. À droite, la diffusion de Mie pour des particules encore plus grandes.
Crédit : Sharayanan CC-BY-SA

Albédo de simple diffusion

Quand un rayonnement est diffusé et absorbé, on définit l'albédo de simple diffusion \varpi_0 comme la proportion du rayonnement qui est diffusée. Si \varpi_0 = 1, toute la lumière est diffusée, il n'y a pas d'absorption. En revanche si \varpi_0 = 0, tout la lumière est absorbée, il n'y a plus de diffusion. En général, \varpi_0 dépend de la longueur d'onde : \varpi_0(\lambda).


Surfaces

Types de réflexion

Quand du rayonnement parvient à une surface, il peut être réfléchi de plusieurs façons :

Réflexion diffuse et spéculaire
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Photographie de la Terre prise depuis la station spatiale internationale. On distingue nettement la réflexion spéculaire sur la surface de l'océan et celle diffuse due aux nuages ou à la surface des continents.

Spectroscopie

Selon la longueur d'onde, le rayonnement incident sur une surface peut-être réfléchi mais aussi absorbé. On pourra alors étudier la réflectance d'une surface en fonction de la longueur d'onde (la réflectance valant 1 si tout la lumière est réfléchie ; 0 si tout est absorbé.).

L'étude de la réflectance d'une surface en fonction de la longueur d'onde peut être utile pour caractériser celle-ci. Ainsi certains minéraux ont un spectre avec des bandes d'absoption caractéristiques. C'est ce qui permet de caractériser des surfaces comme celles de Mars (pour détecter des minéraux hydratés par exemple), de la Lune ou bien celle d'astéroïdes et de comètes.


Température de brillance

definitionDéfinition

La température de brillance T_B(\lambda) d'un objet est la température du corps noir qui émettrait la même intensité que celle émise par l'objet à la longueur d'onde \lambda : I(\lambda) = B\left[\lambda, T_B(\lambda) \right]B\left[\lambda, T \right] désigne la fonction de Planck à la longueur d'onde \lambda pour un corps noir de température T. Comme les courbes représentant les fonctions de Planck ne se croisent jamais, il y a correspondance unique entre I(\lambda) et T_B(\lambda) : la température de brillance n'est qu'une autre façon de décrire un spectre. En particulier, elle ne représente pas forcément la température d'un objet physique.

La formule de Planck permet d'exprimer analytiquement T_B(\lambda) selon la formule T_B(\lambda) = \frac{hc}{k\lambda} \ln^{-1} \left( 1 + \frac{2hc^2}{\lambda^5 I(\lambda)} \right).

Lecture graphique de la température de brillance
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Spectre thermique terrestre observé par l'instrument NIMBUS. Les courbes en pointillé représentent les spectres des corps noits aux températures indiquées en Kelvin. Ceci permet une lecture directe de ce spectre en température de brillance : un minimum situé autour de 215 K vers 15 µm, et un maximum un peu en dessous de 300 K entre 10 et 12 µm.
Crédit : Adapté de Hanel et al. (1970)

Intérêt

Son intérêt principal réside dans l'interprétation des spectres thermiques issus d'un objet (ici une planète et son atmosphère). En effet, sous réserve de certaines hypothèses :

La température de brillance correspond alors à la température du milieu situé à une profondeur optique égale à 1 : T_B(\lambda) \approx T\left[\tau(\lambda) = 1\right] avec \tau comptée depuis l'observateur et le long du rayon. Intuitivement, cela résulte d'un compromis dans l'intensité intégrée le long du rayon et reçue par l'observateur :