Une fois les photons observés, il faut trouver puis étudier les éventuelles planètes... Or ce n'est pas chose facile : les planètes ne sont pas du tout visibles directement dans les données brutes (les deux premières images en partant de la gauche de la figure ci-dessus).
Il faudra donc utiliser certains concepts avancés de traitement du signal :
La lumière est une onde électromagnétique, et l'intensité lumineuse est proportionnelle au carré de l'amplitude de cette onde. Comme toute onde, elle est sujette aux phénomènes de diffraction et d'interférence, qui vont être particulièrement importants ici. Ainsi l'image de l'étoile hôte, que l'on assimile a une source ponctuelle vue depuis la Terre, va devenir une tache d'Airy (voir image ci-dessous) sur le récepteur du fait de l'utilisation d'instruments d'ouverture finie (l'ouverture est directement reliée au diamètre du miroir principal du télescope). La lumière de l'étoile va donc s'étaler sur l'ensemble du détecteur, compliquant la détection de la ou des planètes éventuellement présentes !
Il est important de remarquer que cette tache centrale a une taille caractéristique proportionnelle à la longueur d'onde et inversement proportionnelle à l'ouverture du télescope. Cela implique que pour avoir une résolution suffisante, il faut une ouverture en adéquation avec la longueur d'onde : pour pouvoir espérer observer une planète proche de son étoile dans l’infrarouge lointain, il faudrait ainsi un télescope de plusieurs dizaines de mètres d'ouverture !
Mais cet aspect ondulatoire présente aussi des avantages : il permet de mettre en œuvre des techniques d'observation basées sur la combinaison de plusieurs télescopes. Ainsi, l'interférométrie permet ainsi de combiner plusieurs télescopes individuels et distants les uns des autres pour obtenir un gain de séparation angulaire. L'interférométrie permet aussi d'occulter l'étoile hôte en jouant sur les interférences destructives.
Comme constaté précédemment, l'image de l'étoile hôte formée sur le récepteur d'un instrument se présente sous la forme d'une tache qui recouvre les images des planètes tournant éventuellement autour d'elle. Notre but va donc être de retirer l'image de l'étoile et d'autres résidus parasites qui pourraient se former à cause des phénomènes de diffraction et d'interférence (les tavelures). Un moyen naturel de retirer la lumière d'une étoile, observable sur Terre depuis l'aube des temps, est le phénomène de l'éclipse solaire, où le Soleil est masqué par la Lune.
C'est sur ce principe que l'astrophysicien Bernard Lyot développa au début du vingtième siècle un coronographe, instrument qui permet de cacher la lumière du soleil par l'utilisation d'un masque disposé sur le chemin optique et d'un collimateur pour atténuer les résidus. Les instruments qui font de l'observation en imagerie directe d'exoplanète utilisent ce même concept, voire des versions plus évoluées : coronographie de phase, coronographie interférentielle achromatique, etc.
[Pour en savoir plus sur les coronographes actuels et futurs cliquez ici.]
Voici ce qui se passe dans un coronographe de Lyot, expliqué au moyen de l'optique géométrique. La lumière de l'étoile (vert) et celle de la planète (rouge), sont légerement décalées d'un certain angle sur le ciel. Si l'on place la lumière de l'étoile dans l'axe de l'instrument, celle de la planète arrive avec un certain angle, on dit que la planète est située hors-axe. Une lentille placée en A va donc faire converger en son foyer image les rayons de l'étoile mais pas ceux de la planète, il suffit alors de placer un petit écran au foyer image (dans le plan B) de la lentille (placée en A) pour arrêter toute la lumière provenant de l'étoile et ne garder que celle de la planète, dont on forme finalement l'image seule sur l'écran D.
Malheureusement cela ne fonctionne pas directement. En effet, il faut considérer ici le fait que l'ouverture de l'instrument est finie (le télescope a un certain diamètre), ce que l'on modélise ici par la présence d'un collimateur en A.
En tenant compte du phénomène de diffraction par l'entrée de l'instrument (rayons en bleu), une partie importante des rayons difractés ne sont pas arrétés par l'écran en B. Il faut donc placer un autre diaphragme sur le chemin, en C, qui va bloquer la plus grande partie des rayons diffractés.
Dans une approche pleinement ondulatoire (on utilisera le formalisme complexe par la suite) : si l'on considère l'amplitude de l'étoile avant l'entrée dans l'instrument de diamètre et sa phase , alors la phase du rayon provenant de la position sur le plan A, vu à la position angulaire au niveau du plan B est donnée par dans l'approximations de Gauss (petits angles hors-axe).
L'amplitude reçue au niveau du plan B depuis tous les points source virtuels dans l'ouverture en A est alors donnée par intégration : ou, en omettant le facteur de normalisation : . L'amplitude de lumière reçue dans l'instrument, venant de l'étoile, est donc dépendante du diamètre de l'instrument et de la longueur d'onde d'observation .
En fait, à chaque étape, les images intermédiaires vont être convoluées (voir ici, partie Transformée de Fourier et de Laplace, là et là) par la fonction de transmission de l'instrument (masque, diaphragmme ...) et va voir son intensité diminuer.
Au niveau du plan C (indiqué par stop dans le schéma ci-dessus), après le passage du masque (mask), on obtient une amplitude de formule : où est la fonction de transmission du masque placé en B. Dans le cadre d'un coronographe, . L'amplitude au niveau du plan C va être donc être atténuée par rapport à celle au niveau du plan B, ce rapport dépendant de celui entre la taille angulaire du masque et l'ouverture de l'instrument.
Au niveau où l'on place le détecteur, en D, l'amplitude finalement observée est donnée par : où est la fonction du transmission du Lyot-Stop, un diaphragme dont on considérera la fonction de tranmission également rectangulaire : .
On montre alors que l'amplitude de la lumière entrant dans l'axe de l'instrument (celle de l'étoile) va diminuer selon le rapport : plus le masque sera grand et le Lyot-Stop fermé, plus la lumière de l'étoile sera "éteinte" et donc plus facilement la planète sera visible. Attention toutefois, la lumière provenant d'une éventuelle planète doit quant à elle être transmise ! Il faut donc trouver un compromis entre la diminution d'intensité de la lumière de l'étoile et la conservation de l'intensité en provenance d'une éventuelle planète, dont on ne connaît pas a priori la séparation angulaire avec l'étoile...
Nous venons de voir que la coronographie permet de retirer la majorité de la lumière provenant de l'étoile... mais d'une étoile théorique, considérée comme ponctuelle ! Or il n'y a pas que les effets d'optique ondulatoire au sein de l'instrument qui entrent en jeu, mais aussi (dans le cas des instruments au sol) les effets de l'atmosphère terrestre. À elle seule cette dernière va modifier la forme de l'image de l'étoile, ce qui va accentuer les résidus et ce d'une façon très variable dans le temps, du fait notamment du vent. Ces effets atmosphériques se manifestent par la déformation des fronts d'onde, et dégradent la résolution angulaire de l'instrument au-delà des limites théoriques imposées par l'optique ondulatoire (dépendant de l'ouverture et de la longueur d'onde). Dans les cas les plus extrêmes, ces déformations optiques sont mêmes visibles à l'oeil nu : c'est le fourmillement apparent d'un objet observé au-dessus d'une route asphaltée en été, ou au-dessus d'un barbecue...
Pour s'opposer à ces effets, on utilise l'optique adaptative. Cette technique analyse le front d'onde après réflexion sur un miroir déformable, puis modifie la forme du miroir pour compenser les effets de l'atmosphère en temps réel.
Dans les précédentes parties nous avons vu les techniques utilisées pour retirer la lumière de l'étoile hôte et corriger les perturbations sur le chemin de la lumière... mais ces corrections ne sont pas parfaites ! Sur le détecteur, nous voyons des taches dispersées qui sont les résidus que la coronographie et l'optique adaptative n'ont pas réussi à corriger. Le problème est que ces taches peuvent être prises pour des planètes ou se superposer aux images de ces dernières. Nous allons donc devoir tenter de retirer ces résidus, aussi appelés artefacts.
Une manière différente d'aborder le problème est de passer par l'interférométrie, et en particulier l'interférométrie annulante. L'idée de base va être d'utiliser au moins deux télescopes assez éloignés pour augmenter la résolution angulaire (et donc bien distinguer l'étoile de l'éventuelle planète), et d'essayer de diminuer l'intensité en provenance de l'étoile (mais pas de la planète !) au moyen d'interférences destructives.
Au lieu d'avoir comme facteur limitant, en résolution angulaire, le diamètre de l'instrument, l'interférométrie permet de passer d'une résolution proportionnelle à à un résolution proportionnelle à où est la ligne de base d'interférométrie (dans le cas de deux télescopes, il s'agit de la distance entre ces deux télescopes). Ces télescopes éloignés sont reliés entre eux par un chemin optique conçu de telle sorte que les interférences produites par la lumière arrivant dans l'axe des télescopes (la lumière de l'étoile) conduisent à une annulation des deux ondes en provenance des deux télescopes. On obtient donc sur le récepteur une figure de franges d'interférences centrées sur l'étoile au coeur d'une frange sombre. Mais la planète, elle, est située hors-axe : elle apparaît donc légèrement décalée et, si la figure d'interférences est correctement mis en place, échappe non seulement aux interférences destructives mais profite même d'interférences constructives pour augmenter le signal.
Nous avons parlé précédemment de la coronographie qui est utilisée sur des grands télescopes, notamment ceux de 8 m de diamètre du VLT. Ces instruments travaillent dans le proche infrarouge et le visible mais ne peuvent pas atteindre de plus grandes longueurs d'onde comme l'infrarouge moyen qui serait pourtant très intéressant pour étudier les raies spectrales des molécules, ou pour étudier des planètes plus froides émettant leur spectre thermique à de plus grandes longueurs d'onde. Le problème vient du fait qu'un télescope de 8 m de diamètre ne peut pas facilement séparer les sources à grandes longueurs d'onde, le pouvoir de résolution d'un télescope étant proportionnel à . Il faut donc augmenter la taille du télescope, ou combiner le flux de plusieurs télescopes comme nous le présentons ici. On peut alors aisément obtenir une ligne de base de 100 m en séparant 2 télescopes de cette distance.
Plusieurs étapes-clés sont à mettre en oeuvre pour l'interférométrie annulante :
Chaque téléscope collecte une partie du même front d'onde en provenance du système exoplanétaire.
On relie les télescopes entre eux par fibres optiques, et on ajuste les chemins optiques dans chaque fibre pour égaliser les phases.
On déphase ensuite au moins l'un des chemins optiques par rapport aux autres (déphasage de 180° dans le cas d'un système à deux télescopes).
On combine alors tous les flux sur le même détecteur.
Ce système annule alors la lumière située sur l'axe optique (celle de l'étoile) par interférences destructives mais pas la lumière hors axe (celle des planètes). Le déphasage en entrée de l'instrument sera donné par où désigne l'écart sur le ciel entre la planète et l'étoile (donc dans une direction normale à l'axe optique), et est la séparation entre la planète et l'étoile dans la direction de l'axe optique.
Deux satellites de recherche d'exoplanètes par interférométrie font partie des projets à long terme des agences spatiales européenne et américaine, ce sont respectivement les missions Darwin et TPF-I. Difficiles à mettre en oeuvre techniquement, ces missions nécessitent encore des développements technologiques pour envisager leur réalisation.
Comme vous pouvez le voir sur l'illustration ci-dessus, l'idée et de faire voler en formation 4 quatres satellites "miroirs", combinant leurs faisceaux sur un cinquième satellite, la longue ligne de base étant négligeble devant la "distance focale" de l'instrument (le dernier satellite est très éloigné des 4 premiers). Pour être efficace, chaque faisceau va recevoir un déphasage précis selon deux configurations (appelées droite et gauche).
Configuration | Signal attendu | ||||
---|---|---|---|---|---|
Gauche | 0° | 180° | 90° | 270° | étoile annulée + disque de poussière gauche + planète gauche |
Droite | 0° | 180° | 270° | 90° | étoile annulée + disque de poussière droite + planète droite |
L'idée de base de l'imagerie différentielle est de prendre plusieurs images de l'étoile et de sa planète (ou ses planètes) et de profiter des différences entre les images de ces objets pour les identifier et les distinguer. Après l'acquisition des données brutes par l'instrument, il faut commencer par les corriger des biais instrumentaux, de la réponse des pixels du capteur CCD, on obtient alors les images dites scientifiques. Il faut ensuite corriger les effets de l'instrument (on appelle cela déconvoluer l'image de l'étoile (selon la PSF, ou Point Spread Function de l'instrument, c'est-à-dire l'étalement d'un point source sur le détecteur). Pour ce faire, plusieurs méthodes sont possibles suivant l'instrument.
L'imagerie différentielle angulaire (ADI en anglais), va exploiter la rotation des objets sur la voûte céleste, comme vous pouvez le voir sur cette [ animation ]. Les étoiles présentent un déplacement apparent dans le ciel au cours de la nuit suivant des arcs de cercle centrés sur le pôle céleste. En général, un télescope moderne compense cette rotation automatiquement, mais ici nous bloquons cette rotation et suivons seulement le déplacement apparent de l'étoile sans rotation de l'instrument. Cela a pour effet d'appliquer une rotation de l'image de la planète (à ne pas confondre avec la révolution de la planète autour de son étoile) dans le ciel autour de l'axe de rotation de la Terre. Il "suffit" alors de faire la médiane des différentes images pour annuler les signaux non fixes (comme les éventuelles planètes), ce qui revient à ne garder que la PSF de l'étoile (ponctuelle) comme image médiane. Ensuite on soustrait cette PSF de toutes les images scientifiques, puis on applique une rotation de sens opposée à celle observée sur les images de façon à corriger la rotation sur le ciel, et finalement on additionne les images pour faire ressortir les planètes (si il y en a).
La lumière émise par les étoiles n'est pas polarisée, mais quand celle-ci est diffusée ou réfléchie par des disques ou des planètes elle peut acquérir une polarisation LIEN VERS GRAIN POLARISATION. Forts de ce constat, nous pouvons prendre deux images acquises avec deux polariseurs dans des directions perpendiculaires. L'étoile apparaît inchangée, tandis que les sources secondaire par réflexion ou diffusions présenteront des différences. On peut dont soustraire l'une des images à l'autre pour ne garder que les disques et les planètes proches.
Les planètes et les étoiles émettent des spectres caractéristiques, comportant des raies spectrales diverses selon la physico-chimie de ces objets (température, gravité, composition). Dans certaines bandes de longueurs d'onde, seul l'un des deux types de corps possède des absorbants : c'est par exemple le cas du méthane pour les planètes (du moins celles assez froides pour que des molécules puissent exister dans leurs atmosphères). Les tavelures, quant à elles, apparaissent à une distance angulaire proportionnelle à la longueur d'onde. L'imagerie différentielle spectrale (SDI en anglais) part du principe que l'on acquiert plusieurs images, simultanément, dans plusieurs bandes de longueurs d'onde judicieusement choisies. On ajuste ensuite leur échelle relative afin de pouvoir identifier et de retirer les tavelures. Ceci nous permet d'exploiter les différences entre étoiles et planètes pour extraire des informations sur ces dernières.
Acquérir une image de la planète, dans différentes bandes spectrales, permet d'obtenir quelques informations sur celle-ci. Mais ces informations sont dégénérées, c'est-à-dire que plusieurs jeux de paramètres physiques vont pouvoir correspondre aux différentes images observées. Ces dégénérescences peuvent être en partie levées si l'on obtient un véritable spectre de la planète (avec une résolution spectrale suffisante), ce qui explique pouquoi les instruments qui sont mis en service depuis 2013 (SPHERE, GPI, Project 1640, etc.) soient conçus pour en obtenir.
Pour ce faire, ces instruments comportent un IFS (Integral Field Spectrograph), qui va disperser spectralement la lumière censée arriver sur chaque pixel. Ainsi, au lieu d'avoir une image en deux dimensions comme pour l'imagerie pure, on obtient un cube spectral (une image en 3 dimensions) : les deux coordonnées de position sur la grille des pixels et la troisième coordonée selon la longueur d'onde observée. Une coupe du cube selon les dimensions horizontales donnera une image à la longueur d'onde de la "tranche" choisie, tandis qu'une ligne à position spatiale donnée suivant la dimension spectrale donnera le spectre observé en ce point de l'image. L'observable brut obtenu est donc un cube correspondant au flux reçu par le capteur CCD en fonction de la position du pixel et de la longueur d'onde.
Il faut retirer des cubes spectraux les artefacts lumineux provenant de l'étoile et les tavelures pour pouvoir localiser les éventuelles planètes.
Les artefacts proviennent des phénomènes d'interférence et de diffraction qui ont lieu le long du chemin optique, leurs positions vont changer proportionnellement à la longueur d'onde. Il est donc possible d'effectuer un changement d'échelle du cube suivant la longueur d'onde pour superposer toutes les images d'une tavelure en fonction de la longueur d'onde (dans ce nouveau cube où toutes les longueurs d'onde sont ramenées à la même échelle c'est désormais l'image de la planète qui va changer de position suivant la longueur d'onde). Il est alors possible de déterminer la forme exacte des tavelures et artefacts (indépendante de la longueur d'onde dans ce cube mis à l'échelle). On peut alors remettre les tavelures et artefacts seuls à lPuis on cherche quelle est la forme du flux en fonction de la longueur d'onde, et on retire les pixels où elle apparaît. Enfin on change à nouveau l'échelle du cube à sa valeur initiale pour toutes les longueurs d'onde.
Dans ce cube, débarrassé des tavelures, on peut maintenant chercher les spectre d'une ou plusieurs planètes. Pour faire cela on effectue une corrélation croisée avec un jeu de spectres synthétiques sur chaque pixel et on se concentre sur les meilleurs coefficients de corrélations. On extrait ensuite le spectre de la planète identifié si elle existe.
On a déjà vu qu'il fallait une séparation angulaire minimale pour pouvoir imager une planète, du fait de la proximité de l'étoile bien plus brillante. En pratique, pour les instruments modernes, cette séparation minimale est de l'ordre du dixième de seconde d'arc. Attention cependant, la zone du capteur CCD où l'optique adaptative est efficace est restreinte à une petite partie du champ de vue. Les techniques de recherche d'objets se focalisent ainsi sur une zone restreinte... Pour l'instrument SPHERE, par exemple, on peut considérer que l'on recherche des planètes entre 0,1" et 3". Les planètes trop loin de leur étoile hôte sont donc difficiles à imager !