Les sondes électrostatiques utilisées pour les missions spatiales sont basées sur des techniques de laboratoire développées et présentées par Irving Langmuir et ses collègues au milieu des années 1920. Ce n'est seulement qu'à partir de la fin des années 1950 que ce type de technique a été utilisé sur des fusées et satellites pour mesurer la densité des ions et des électrons ionosphériques, la température électronique et le potentiel du satellite.
La technique des sondes de Langmuir consiste à mesurer le courant collecté par la sonde lorsque l'on fait varier la tension apliquéee à celle-ci. Une sonde électrostatique est une électrode conductrice de taille et forme appropriées qui est insérée dans le plasma (pour les plamas spatiaux la sonde se trouve sur au bout d'un mât du satellite). La tension sur l'électrode varie par rapport à une électrode de référence et le courant collecté est mesuré. L'analyse de la réponse ''tension-courant (U-I)'', appelé caractéristique va permettre de déterminer les propriétés du plasma : sa densité électronique , sa température électronique , la masse moyenne des ions et la densité des ions , ainsi que le potentiel du satellite.
Une théorie simple de la sonde de Langmuir [Mott-Smith and Langmuir, 1926] montre que l'amplitude du courant électronique , est proportionnel à , et que l'amplitude du courant ionique est proportionnel à . Le courant pour des potentiels répulsifs est proportionnel à l'exponentielle de la tension divisée par la température :
On fait varier le potentiel appliqué à la sonde par rapport au satellite et on collecte le courant sur la sonde. Le courant est la somme des courant ionique et électronique générés par les particules impactant la sonde. La figure de cette page illustre une représentation schématique d'un courant collecté par une sonde de Langmuir sphérique (celle de Cassini). Il est possible d'identifier différentes régions. Lorsque ( étant le potentiel du plasma) les électrons sont accélérés et les ions sont freinés. Dans le cas inverse () les électrons sont repoussés et les ions accélérés. L'échantillonnage de la fonction de distribution des électrons en fonction du potentiel appliqué à la sonde est schématisé grâce à l'appliquette disponible à la page suivante.
Cette technique est une mesure active, c'est-à-dire qu'elle pertube le milieu qu'elle mesure. Ainsi l'insertion de la sonde va modifier le plasma. Lorsque la sonde n'est pas présente le plasma a localement une densité , une température , une densité ,... Lorsque la sonde est présente, la tension appliquée à la sonde va collecter les courants liés aux déplacement des charges électriques (ions et électrons). Du fait de la plus grande mobilité des électrons (moins massifs que les ions), les électrons vont impacter la sonde plus rapidement ce qui va créer une structure de potentiel autour de la sonde. Du coup un électron qui se trouve loin de la sonde et de sa structure de potentiel verra un potentiel différent que celui appliqué à la sonde à cause de cet écrantage. Cette région s'appelle la gaine et l'équilibre de charge entre ions et électrons est brisé.
On appelle sonde électrostatique, ou sonde de Langmuir, un conducteur de petite dimension, plongé dans le plasma à étudier, polarisé électriquement et qui collecte les particules chargées du plasma. Au voisinage de la sonde se forme une gaine que l'on décrira rapidement par la suite.
La théorie classique des sondes électrostatiques repose sur les hypothèses suivantes :
Les électrons ont une distribution des vitesses de Maxwell-Boltzmann (dite maxwellienne)
Le nombre d'électrons par unité de volume, dont le vecteur vitesse est compris entre et est ainsi égal à :
en système de coordonnées cartésiennes.
Considérant que le plasma est électriquement neutre et équipotentiel localement, on peut définir un potentiel qui correspond à l'ensemble des espèces du plasma : le potentiel plasma . On notera la tension appliquée à la sonde, et cette même tension mesurée par rapport au potentiel plasma.
Le calcul est ici développé pour le cas d'une sonde à symétrie plane, utilisant un système de coordonnées cartésiennes où l'axe est normal au plan de la sonde. Les calculs dans le cas d'une géométrie sphérique sont proposés en exercice. On notera
On définit le flux comme le nombre de particules par unité de surface et par unité de temps. Le flux de particules qui arrive à la surface de la sonde est égale à :
soit
Ce calcul suppose que tous les électrons sont collectés et que leurs vitesses ne sont pas modifiées au voisinage de la sonde. Si la sonde est polarisée à un potentiel négatif (), seuls les électrons ayant une vitesse telle que : seront collectés, par contre tous les ions sont collectés.
Le courant électronique s'écrit alors : Ici, est la valeur absolue de la charge unitaire et la surface de la sonde.
Par intégration, où est le courant lié aux vitesses thermiques des particules. Le courant électronique est négatif à cause de la charge de l'électron.
La relation obtenue peut s'exprimer en fonction de la vitesse moyenne des électrons : Le courant électronique s'écrit donc également :
Pour (i.e. une tension sonde égale au potentiel plasma) tous les électrons sont collectés. Pour (c'est-à-dire ), le courant est le même car tous les électrons sont collectés. Le courant électronique est alors constant et égal à : On montre alors que pour , .
Pour , tous les ions sont collectés et on devrait obtenir un courant ionique de saturation constant égal à :
Cependant la présence d'une gaine autour de la sonde modifie la valeur du courant ionique de saturation. Pour , les ions sont repoussés et seuls ceux dont la vitesse est suffisante pourront être collectés comme on l'a montré pour les électrons.
Le plasma est supposé électriquement neutre en volume. Lorsque la sonde est polarisée elle attire les particules chargées : tous les électrons si et tous les ions si . Afin de conserver la neutralité électrique du plasma il se crée, au voisinage de la sonde, une charge d'espace appelée ''gaine''. Les particules de même polarité que le potentiel de la surface sont exclues de cette gaine. Cette gaine est électronique si (afin de limiter le flux d'électrons) et ionique si (pour limiter le flux d'ions). L'épaisseur de cette gaine est de l'ordre de grandeur de la longueur de Debye :
La solution exacte de la distribution du potentiel électrostatique est un problème aux conditions aux limites très compliqué qui ne peut être résolu que dans certaines géométries simples (sphère, cylindre ou plan).
On peut noter que les objets de taille finie introduits dans un plasma ayant des températures ioniques et électroniques approximativement égales acquièrent en général une charge négative car la vitesse des électrons est beaucoup plus grande que la vitesse thermique des ions , et de ce fait plus d'électrons viennent frapper l'obstacle. Comme cet objet se charge négativement, les électrons sont repoussés. L'équilibre s'obtient lorsque le courant électronique collecté à la surface de l'objet (la sonde) vient équilibrer le courant ionique incident ce qui se produit pour une certaine valeur de potentiel que l'on appelle le potentiel flottant.
Le courant collecté par la sonde est la somme algébrique des courants électroniques et ioniques, . Les paramètres plasmas et sont déterminés à partir du courant électronique . Pour avoir accès au courant électronique, il faut éliminer la contribution du courant ionique du courant total mesuré. La figure U-I représente en fonction de .
L'analyse de la caractéristique tension-courant permet de déterminer quelques propriétés du plasma telles que la densité électronique et ionique, la température électronique ,... En se limitant à la théorie la plus simple (sans prendre en compte les effets de gaine), il est possible de trouver des expressions théoriques ci-dessous :
L'appliquette du lien suivant présente une observation de la sonde de Langmuir de Cassini (point rouge) et le résultat d'un ajustement d'une courbe théorique pour les paramètres d'entrées (, ...) à spécifier par l'utilisateur.
Dans le cas des sondes de Langmuir embarqués sur des missions spatiales, d'autres termes de courant contribuent au courant total. En particulier les photoélectrons du satellite ont une contribution non-négligeable dans le courant total. Ces photoélectrons sont les électrons arrachés du satellite (qui est composé de parties conductrices) lors de l'interaction entre le plasma et la sonde spatiale. Il existe d'autres contributions comme le courant des particules énergétiques ou le courant lié aux impacts de poussières (ou plasma poussiérieux) présentes dans l'espace.
Pour approfondir, nous recommandons les lectures suivantes :