Sans atmosphère

Auteur: EM

Lois du corps noir

Nous allons à présent aborder les lois quantitatives permettant de modéliser simplement les profils verticaux de température au sein des atmosphères planétaires. Cela nécessite quelques rappels sur le rayonnement thermique, dit de "corps noir".

definitionSpectre du corps noir

L'intensité lumineuse B_{\lambda}(T), définie comme la puissance émise par unité de surface émettrice, par angle solide autour de la direction du rayon et par unité de longueur d'onde \lambda émise par tout corps noir idéal de température T, est donnée par la loi de Planck :

\[ B_{\lambda}(T) = \frac{2 h c^2}{\lambda ^5} \frac{1}{\exp \left( \frac{hc}{\lambda kT} \right) -1} \]

h, c et k désignent respectivement les constantes fondamentales de Planck, de la vitesse de la lumière et de Maxwell-Boltzmann. Cette fonction possède des propriétés mathématiques aux conséquences importantes pour la suite du cours.

definitionLoi de Wien

Elle donne la position du maximum en \lambda de B_{\lambda}(T) à température T donnée, comme illustré précédemment.

\lambda_{\mathrm{max}} \approx \frac{hc}{2,821\;k T} \approx \frac{2898\,\mathrm{\mu m \cdot K}}{T }

Autrement dit, plus le corps est chaud, et plus il émet principalement à des longueurs d'ondes courtes et ce de façon inversement proportionnelle. Cela justifie la séparation du spectre lumineux en :

La séparation entre les deux domaines est prise de façon conventionnelle autour de 5\,\mu\mathrm{m}. Dans le contexte exoplanétaire, une remarque importante s'impose dès maintenant : la plupart des exoplanètes actuellement connues sont extrêmement chaudes, avec des températures excédant souvent 1000\,\mathrm{K}, si bien que la limite entre infrarouge thermique et lumière stellaire est décalée vers de plus courtes longueurs d'onde, voire devient complètement dénuée de sens. Cela empêche notamment d'appliquer tels quels les modèles atmosphériques conçus dans le système solaire qui distinguent ces deux catégories.

definitionLoi de Stefan

Lorsque l'on ne s'intéresse pas au détail du spectre émis par le corps noir, il est souvent intéressant de calculer le flux (c'est à dire la puissance par unité de surface émettrice) total émis par le corps noir dans un demi-espace (par exemple, pour une surface planétaire, vers le haut). Pour cela, il suffit d'intégrer la loi de Planck sur sa variable spectrale \lambda, et sur les 2\pi\,\mathrm{sr} d'angle solide en question. Le calcul donne alors le résultat suivant, connu sous le nom de loi de Stefan-Boltzmann :

\[ F = \sigma T^4 \]

\sigma = \frac{2\pi^5 k^4}{15h^3c^2} \approx 5.67 \times 10^{-8}\,\mathrm{W/m^2/K^4} est connu sous le nom de constante de Stefan-Boltzmann. La puissance émise par un corps noir dépend donc énormément de sa température (une augmentation relative de 1\% de sa température entraîne ainsi une augmentation d'environ 4\% du flux émis).


Loi de Kirchhoff

definitionÉmissivité

Le corps noir est un modèle abstrait que l'on ne rencontre pas dans la vie courante. Le spectre thermique S_{\lambda}(T) émis par un corps donné se trouvant à l'équilibre thermodynamique à la température T peut alors s'exprimer comme S_{\lambda}(T) = \varepsilon_{\lambda}\times  B_{\lambda}(T)\varepsilon_{\lambda} est une grandeur sans dimension appelée émissivité (qui dépend de la température, mais de façon moins marquée que la fonction de Planck B_{\lambda}(T) si bien que par souci d'alléger les notations, on ne la note pas en général \varepsilon_{\lambda}(T) comme on le devrait en toute rigueur).

definitionLoi de Kirchhoff

Considérons un corps noir en contact radiatif avec un corps réel à travers un filtre laissant seulement passer les radiations à la longueur d'onde \lambda. On sait qu'une fois l'équilibre thermodynamique atteint, ces deux corps en contact radiatif auront la même température T. Si l'on note a_{\lambda} la fraction du rayonnement incident absorbée par le corps réel, que l'on appelle absorbance, il en renvoie la fraction complémentaire \left( 1 - a_{\lambda} \right). Un bilan net des flux (nul à l'équilibre) à travers le filtre donne alors la relation B_{\lambda}(T) = \varepsilon_{\lambda} B_{\lambda}(T) + \left(1 - a_{\lambda} \right) B_{\lambda} (T), ce qui se simplifie en a_{\lambda} = \varepsilon_{\lambda}. C'est la loi de Kirchhoff, que L'on résume souvent en "les bons absorbeurs sont les bons émetteurs".

Illustration de la loi de Kirchhoff
kirchhoff.png
Crédit : EM

conclusionConséquences


Température d'équilibre sans atmosphère

Cette page développe de façon quantitative les notions vues de façon qualitative ici.

demonstrationDétermination du flux incident sur la planète

demonstrationBilan de puissance

demonstrationExpression de la température d'équilibre

Le bilan radiatif à l'équilibre imposant l'égalité entre la puissance rayonnée par la planète et la puissance absorbée par la planète, on obtient alors l'équation suivante :

\[ \pi R^2 \left(1 - A \right) F = 4 \pi R^2 \sigma {T_{\mathrm{eq}}^4 \]

qui se résout directement, après simplification du rayon R de la planète (ce qui signifie qu'en première approximation, la température d'une planète ne dépend pas de sa taille) en :

T_{\mathrm{eq}} = \left[ \frac{\left(1 - A\right) F}{4 \sigma} \right]^{1/4} = \sqrt{\frac{R_*}{d}} \left( \frac{1-A}{4} \right)^{1/4} T_*

ce qui permet de constater que cette température décroît avec la distance à l'étoile, et est proportionnelle à celle de l'étoile. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, pour une étoile naine rouge d'une température moitié de celle du Soleil, il faut pour conserver une température d'équilibre donnée se rapprocher de l'étoile d'un facteur quatre : on peut d'ores et déjà affirmer que les zones habitables autour des petites étoiles de faible température (naines rouges) sont très proches de ces dernières. Notons au passage que la température d'équilibre d'une planète est bornée par celle de son étoile, plus précisément comprise entre 0\,\mathrm{K} (à très grande distance) et 0,7 \times T_* à la limite où l'orbite de la planète est tangente à son étoile (et la planète de rayon négligeable devant l'étoile).