La vie sur Terre se développe dans un intervalle de température relativement limité, principalement lié à l’intervalle d’existence de l’eau sous forme liquide.
Etudier comment les organismes survivent dans les environnements extrêmes sur Terre nous renseigne sur la potentialité de la vie à se développer dans des environnements similaires extraterrestres (planètes, satellites, comètes...). Ces organismes sont appelés extrêmophiles et font l’objet de recherches intenses depuis environs une trentaine d’années.
Le tableau ci-dessous liste la nomenclature associée aux organismes, en fonction de leur intervalle d’existence et la figure montre l'intervalle des températures où les organismes survivent.
PSYCHROPHILES | -10 ÷ 20 °C |
PSYCHROTROPHES | 0 ÷ 30 °C |
MESOPHILES | 10 ÷ 50 °C |
THERMOPHILES | 40 ÷ 70 °C |
HYPERTHERMOPHILES | > 80 °C |
Les organismes (en fait, des microorganismes) aux deux extrêmes de la distribution en température sont des extrêmophiles. Il faut noter que des extrêmophiles vivent et se reproduisent dans des conditions extrêmes par rapport à d’autres paramètres que l’intervalle de température: les milieux acides, alcalins, hypersalés ou sous hautes pressions, ou encore dans les rochers ou environnements secs.
Avant de décrire quelques exemples spécifiques d’extrêmophiles, il est nécessaire de rappeler que les êtres vivants sur Terre sont classés en trois grands groupes, comme montré dans la figure : Archées, Bactéries et Eucaryotes (plantes, animaux...).
En effet, la biomasse terrestre est constituée à 90% de microorganismes (bactéries et archaea) que l’on connaît très peu (parce que la plupart de ces microorganismes sont difficiles à cultiver en laboratoire). On reviendra sur ce point dans les prochains chapitres. Pour le moment, il faut bien prendre en compte que les Archées n’ont été découverts qu’en 1997 par Carl Woese et ses collègues, en étudiant la séquence de l’ARN de certains microbes (M. bryantii) qui vivent dans une atmosphère sans oxygène moléculaire mais riche en hydrogène et monoxyde de carbone.
Cette figure montre les microbes M. bryantii, les premiers Archées découverts il y a environ 30 ans. A l’époque, ils avaient été catalogués comme bactéries. Carl Woese, découvreur des Archées, a reçu le prix Crafoord (équivalent du prix Nobel) en 2003.
Les archées vivent surtout dans le fonds des océans, comme cela est montré dans la figure, où la température de 90% de l’eau est inférieure à 5°C (entre -1 et 4°C). Donc, l’écrasante majorité des microorganismes marins vivent et se reproduisent dans des environnements froids : ces conditions ne sont extrêmes que du point de vue humain ! Pour l’écrasante majorité des organismes vivants sur Terre les hommes sont des extrêmophiles !
La figure montre des colonies de bactéries (vertes) et d’archées (rouges) qui vivent dans les fonds des océans. En général, la majorité des bactéries et archées vivent sur les fonds des océans et très souvent en symbiose comme dans ce cas.
Définition : Un psychrophile est un type d’organisme adapté et capable de survivre à des températures froides, par exemple dans les mers polaires à - 50°C, les sols gelés ou dans les glaciers.
Exemple: Chlamydomonas nivalis, ou algue de la neige, commune en Amérique du Nord, Japon, Arctique, Patagonie, on la trouve à la surface de la neige.
Définition : Ce sont les organismes qui vivent et prospèrent à plus de 90°C.
Exemple: Le Pyrolobus fumarii a le record (jusqu’en 2008) des hyperthermophiles. Il a été découvert en 1997 dans un évent hydrothermal de fumées noires (« black smoker hydrothermal vent ») sur la ride médio-atlantique à 3,6 km de profondeur, à la température de 113°C (figure à droite).
Une souche trouvée dans l’Océan Pacifique a survécu jusqu’à 130°C.
Définition : Ces sont des microorganismes qui vivent dans plusieurs conditions extrêmes.
Exemple : Les Crenarchaeota sont les archaea les plus nombreuses dans l’environnement marin. Elles survivent aux deux extrêmes de l’intervalle de température : dans le même règne, il y a des psychrophiles ou des hyperthermophiles.
Le règne des crenarchaeota est particulièrement intéressant pour l’Astrobiologie pour plusieurs raisons :
Ces organismes vivent dans un intervalle de température le plus large connue, de 0 à 120°C.
Ils sont probablement les organismes les plus anciens qu’on connaisse : on pense qu’ils sont apparus sur la Terre il y a 3,5 milliards d’ années.
Ils se sont séparés du rameau commun très tôt dans l’évolution.
Ils sont plus proches de nous, les hommes, que des bactéries, du point de vue génétique. Donc les questions que se posent les scientifiques sont : sont-ils les premiers organismes vivants sur terre? Sont-ils présents dans d’autres mondes?
Un tout dernier exemple d’extrêmophile est celui des tardigrades, les extrêmes des extrêmes. Les tardigrades (“qui marchent lentement”) sont de petits animaux de 0,1-1,5mm qui vivent dans l’eau, découverts en 1773. Ils se trouvent partout, dans l’Himalaya et dans les fonds des océans, aux pôles et à l’équateur.
Surtout ils survivent de -273 jusqu’à 150 °C, ils survivent à des radiations UV 1000 fois plus intenses que les autres animaux, et même dans le vide ! Ils peuvent se mettre en état de cryptobiosis et arrêter leur métabolisme pour dix ans : en pratique, ils deviennent de petits cailloux ! ... jusqu’à reprendre vie dans l’eau. Des échantillons de tardigrades ont été envoyés dans l’espace pendant 10 jours : au retour la moitié a repris vie et a produit des embryons !
Identifier les fossiles de ces animaux est difficile, mais des fossiles de tardigrades vieux de 500 millions d’années ont été trouvés.
Dans le cadre de l’Astrobiologie, il est important de comprendre comment se comportent les bactéries dans les conditions extrêmes de l’espace. Plusieurs expériences ont été réalisées à cette fin. Voici deux résultats intéressants.
en 2007, après un vol spatial les bactéries rentrées sur Terre se sont avérées plus pathogènes qu’avant. Les bactéries se sont adaptées à l’absence de gravité et à l’augmentation de radiations en mutant en espèces plus résistantes.
des expériences en 2001 et 2009 suggèrent que des bactéries (même non terrestres) existeraient à 40 km d’altitude. Mais ces résultats sont très controversés.