Ce chapitre s'attaque à l'une des questions les plus pregnantes en astrophysique, j'entends la présence de vie sur des planètes (ou autres corps célestes) autres que la Terre. Nous commencerons par étudier l'équation de Drake (ci-dessous) pour poser les bases de l'état de l'art en la matière de recherche de vie, puis nous passerons à la pratique avec les projets instrumentaux de recherche de vie (SETI). Enfin, nous nous attarderons sur notre Système Solaire et en particulier sur Vénus où des annonces ont pu laisser penser que la vie pourrait etre présente: nous allons voir ça !
Tout commence avec Frank Drake (ci-haut) en 1960 qui utilise le « Green Bank Telescope » (voir Figure ci dessous) pour observer deux étoiles proches (τ Ceti et ε Eridani) afin de chercher des signaux radios en provenance d’autres mondes. C’est le début du fameux projet SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence ou en français : Recherche d’intelligence extraterrestre). SETI a pour ambition de détecter des civilisations extraterrestres avancées (qui puissent émettre des ondes radios par exemple) autour d’autres étoiles que le Soleil. SETI se concentre donc sur des civilisations qui seraient plutôt dans notre Galaxie, capable d’émettre des signaux radios puissants (de type « prise de contact ») et à des longueurs d’ondes qui traversent notre atmosphère et le milieu galactique sans perturbation. Aujourd'hui, SETI est encore vivant (on peut dire qu'il passe dans son adolescence) et de nombreux télescopes procèdent à des observations dans ce cadre. L’étendue de longueurs d’ondes visées a été agrandie et maintenant certains télescopes scrutent aussi les signaux optiques (i.e., à des longueurs d’ondes plus petites que les ondes radios) en provenance d’étoiles de notre Galaxie pour espérer par exemple trouver des signaux de pulses lasers ou des éclairages extra-terrestres puissants.
Après les premières observations de Drake en 1960, une conférence de trois jours est organisée en 1961 au télescope « Green Bank » pour débriefer sur les résultats et planifier la suite du projet. Carl Sagan (voir image ci-dessous), astronome américain de renom, vulgarisateur hors pair, et fervent défenseur de SETI, est présent. Afin de guider au mieux les discussions, Drake gribouilla une équation toute simple au tableau qui deviendra à terme la sacro-sainte équation de Drake. Cette équation tente de remonter à , qui est le nombre de civilisations extraterrestres capables de transmettre des signaux électromagnétiques dans notre Galaxie. peut être défini comme étant le produit de facteurs « plus simples » à quantifier. Et c’est là toute la difficulté. Cela donne initialement l’équation de Drake qui suit avec 7 facteurs distincts :
où
Cette équation est souvent mentionnée comme étant la deuxième équation la plus connue en science, après , sans doute à raison. Elle inspire de nombreuses âmes de par le grand intérêt qu’ont les Terriens pour la vie extraterrestre. Elle fascine aussi par sa simplicité bien qu’ayant une signification profonde. Vous pouvez jouer avec les paramètres de l’équation en vous rendant ici (les paramètres ont des noms de variables différents mais ce sont bien les mêmes quantités dans le même ordre).
Pour simplifier, on peut voir que l’équation est la même que celle qui pourrait servir à estimer le nombre d’étudiants dans une Université. On a juste besoin de compter le nombre de nouveaux arrivants chaque année et de multiplier ce nombre par le nombre moyen d’années que passe un étudiant à l’université (disons 4 ans). Cela donne une bonne estimation du nombre d’étudiants à un moment t. C’est la même logique que suit Drake dans son équation. Les 6 premiers termes servent à estimer le nombre de nouvelles civilisations pouvant transmettre des signaux électromagnétiques dans la Galaxie chaque année et il ne reste plus qu’à multiplier par qui est le temps moyen pendant lequel ces civilisations émettent les ondes que l’on peut détecter. C’est donc une équation très simple. Si le résultat est petit alors SETI perd son temps. Si est assez grand, il faut pousser et chercher encore plus loin pour finalement détecter ces civilisations évoluées. Mais combien vaut ? Si vous arrivez à répondre à cette question, vous allez devenir très célèbre ! A vos crayons…
Pour terminer, voici une version imagée de l'équation de Drake qui permettra de s'en souvenir plus longtemps.
Cela fait maintenant plus de 60 ans que l’équation de Drake a été proposée. Depuis tout ce temps, des progrès considérables ont été faits notamment en termes de détections d’exoplanètes. On est passé de 0 exoplanète connue en 1960, à 1 en 1995 et à maintenant ~5000 exoplanètes découvertes et répertoriées (voir le catalogue exoplanet.eu qui recense les exoplanètes détectées presque en temps réel). Toutes ces découvertes aident-elles à raffiner notre connaissance du fameux , résultat de l’équation de Drake ? Inspirons-nous d’un article récent de Gertz (2021) pour tenter d’apporter une réponse prenant en compte l’état de l’art actuel en la matière.
1) : Une erreur dans l’équation originelle ?
Le premier facteur (le taux de formation d’étoiles de type solaire dans notre Galaxie) de l’équation de Drake apparait quelque peu bizarre. Le nombre de civilisations à un temps t ne dépend pas du nombre d’étoiles qui se sont formées l’année passée ou il y a plusieurs millions d’années mais plutôt du nombre total, à un instant t, d’étoiles qui peuvent être hôtes de planètes abritant la vie. Les échelles de temps sont très différentes d’un cursus universitaire et la métaphore expliquée précédemment ne tient pas quand il faut des milliards d’années entre la formation d’une étoile et la construction progressive d'une vie intelligente. On peut s’imaginer que le taux de formation d’étoiles actuel (que l’on peut mesurer) est très différent de celui d’il y a plusieurs milliards d’années.
Donc il apparait que ne devrait pas faire partie de l’équation de Drake. De plus, Drake ne considère que les étoiles de type solaire (i.e., analogues au Soleil), ce qui limite considérablement les possibilités. Il est vrai que les étoiles de type A, B ou O consomment leur carburant trop rapidement pour espérer trouver de la vie dans les planètes jeunes qui ont pu se former autour d’elles. De plus, ce type d’étoiles ne comprend que 1% de toutes les étoiles (i.e., c’est presque négligeable pour calculer le nombre total d’étoiles à un moment t). Cependant, les étoiles de type M (de l’autre côté du spectre, i.e. avec une faible masse de l’ordre de 0.1 à 0.5 masses solaires) représentent environ 75% des étoiles dans notre voisinage proche et il n’y a pas de raisons profondes de penser que la vie ne pourrait pas apparaître aussi autour de ce type d’étoiles. D’ailleurs, des travaux récents montrent qu’il y a en moyenne plus de planètes rocheuses situées dans la zone habitable des étoiles M que pour les étoiles similaires au Soleil (de type G). Il y a des exemples connus de planètes dans la zone habitable d’étoiles M, par exemple autour de Proxima du Centaure (notre plus proche voisine) ou de TRAPPIST-1 situé à 39 années lumières et possédant au moins 7 planètes dont 3 dans sa zone habitable. Ces détections montrent que la vie autour d’étoiles M n’est peut-être pas aussi fantaisiste que ce que l’on a pu en penser fût un temps !
Gertz propose de remplacer par , le nombre d’étoiles dans la voie Lactée et pour simplifier encore le travail des observateurs, et afin d’être le plus agnostique possible, il propose que chaque point de l’espace pourrait envoyer des signaux (e.g., des sondes interstellaires). Donc, plutôt que le nombre total d’étoiles à un moment t dans la voie Lactée, il faudrait plutôt prendre en compte le nombre de sources à un moment t ou le nombre de champs de télescopes possibles (e.g., les sources peuvent être extragalactiques ou provenant d’astéroïdes, …). Dans ce cas, si on travaille par pointage d’une multitude de champs et que l’on introduit , le paramètre peut être sorti de l’équation car n’est pas un taux de formation mais directement le nombre de sources possibles.
Pour ce faire, on peut imaginer que chaque point de l’espace est une source potentielle et donc il faut scanner tout le ciel en le divisant en différentes sections. Le champ de vue des télescopes est limité et par exemple en utilisant l’ATA (Le "Allen Telescope Array" de l'institut SETI) qui a un champ large, on a besoin de 14 000 images pour couvrir tout le ciel (en supposant que ce télescope peut être déplacé à différents endroits de la Terre). Si chaque image peut être faite en 10 minutes, cela fait que le scan complet peut être obtenu en 97 jours. Donc c’est compliqué mais faisable avec un télescope qui n’est prévu que pour cela. Pour des télescopes avec des champs de vue plus petits (mais aussi plus sensible), cela prendrait beaucoup plus longtemps (e.g., presque 400 ans pour Arecibo qui est maintenant démantelé suite à de nombreux dégâts occasionnés par des ruptures de câbles suite à 57 ans de bons et loyaux services).
L’idée qui émerge actuellement est donc d’abandonner le concept de cible (comprendre étoile) qui impose de faire des choix très peu justifiés (ou trop anthropocentrique) et de préférer une approche « mosaïque » ou l’on scanne tout le ciel champ après champ.
Difficulté : ☆ Temps : 15 min
Nous allons tenter de voir, à travers cet exercice, si l'on peut potentiellement améliorer les méthodes pour rechercher des signaux extraterrestres.
Calculer la surface totale du ciel en degrés carrés.
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En sachant que le champ de Arecibo est de 7.2 arcmin2, calculez le nombre de pointages différents nécéssaires pour imager l’ensemble du ciel ?
[1 points]
Si chaque pointage prend 10 minutes, combien de temps faudra-t-il pour la recherche de signaux extraterrestres sur tout le ciel ? Est-ce faisable ?
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Comment faire pour améliorer/accélérer la recherche de signaux extraterrestres ?
[1 points]
SETI lance aussi un programme dans l’optique pour pouvoir détecter des flashs de lasers. L’idée est que les lasers fonctionnant à plus grande fréquence que les ondes radios permettent d’envoyer plus de données par seconde (typiquement un million de fois plus) et/ou ils peuvent être utilisés par des civilisations extraterrestres pour projeter des vaisseaux à des vitesses relativistes. Quelle serait la différence entre un signal laser et le signal d’une étoile ?
[1 points]
2) : La fraction d’étoiles ayant des planètes
La fraction d’étoiles possédant des planètes était totalement inconnue en 1961 quand Drake a mis en place la première esquisse de son équation. Maintenant on a l’information et cette fraction est environ égale à 1, comme le montre les résultats de la mission Kepler (voir image) et des extrapolations des résultats obtenus par la méthode des microlentilles gravitationnelles (e.g. Cassan et al. 2012).
Cela signifie que l’on peut simplifier l’équation de Drake et sortir ce facteur. De plus, on néglige les satellites alors qu’il est possible que la vie puisse se développer sur ces derniers (par exemple dans un océan sous la surface), ce qui renforce encore plus cette simplification.
3) : Le nombre moyen de planètes par système qui sont de type terrestre et capable d’abriter la vie
Nous cherchons maintenant le nombre de planètes qui seraient rocheuses et dans leur zone habitable (i.e., la zone au-delà de l’étoile centrale où l’eau est sous forme liquide à une pression proche de 1 bar), ce qui était sous-entendu par Drake lors de l’écriture de l’équation. Par exemple, la zone habitable du Soleil se situe entre 0.7 et 1.3 fois la distance de la Terre (avec des calculs simplistes, i.e., Vénus peut parfois être incluses dedans dépendant de la complexité de la zone habitable que l’on modélise*). L’étude de Bryson et al. (2021) compile les résultats de la mission Kepler pour évaluer ce nombre pour différents types d’étoiles (plus l’étoile est chaude, plus la zone habitable est loin de l’étoile). Ils trouvent que les planètes ayant un rayon entre la moitié et 1,5 fois le rayon terrestre qui orbitent autour d’étoiles avec des températures effectives entre 4800 et 6300 K (i.e., incluant notre Soleil) sont dans leur zone habitable entre et fois par étoile (c’est une limite conservative, la limite optimiste étant entre 0.58 et 0.88 planètes habitables par étoile). De manière intéressante, ils estiment (avec un intervalle de confiance de 95%) qu’en moyenne l' exoplanète la plus proche de nous dans sa zone habitable autour d’une étoile G ou K serait à ~6 pc, et il devrait y avoir environ 4 planètes dans leur zone habitable autour de naines G ou K à moins de 10 pc de notre Soleil.
*Revenons quelques instants sur les calculs de zone habitable, i.e., la distance à l’étoile où l’on peut trouver de l’eau liquide**. Ce concept est loin d’être évident bien que sa définition paraisse simple au premier abord. En effet, pour faire un calcul propre, il faut prendre en compte la taille de la planète, la composition et la masse de son atmosphère, la masse de l’eau liquide en surface, ou même le volcanisme, ce qui peut faire de grosses différences sur la température finale de la planète et changer l’état physique final de l’eau (gazeux-liquide-solide). On voit bien que ça n’est pas qu’un critère de distance à l’étoile car la Lune par exemple n’est pas habitable. On fixe généralement dans la définition de l’habitabilité que l’eau de surface doit être liquide pour une atmosphère de type Terre (avec beaucoup de diazote, de vapeur d’eau et un peu de CO2). On voit bien que cela aussi peut poser problème car la Terre jeune qui était riche en CO2 a abrité la vie il y a au moins 3.8 milliards d’années alors que le Soleil n’avait que 70-75 % de sa luminosité actuelle. Une définition simpliste pousse donc la jeune Terre pleine de vie en dehors de la zone habitable avec des océans glacés. On sait que ça n’était pas le cas grâce aux données archéologiques et ceci à cause de la présence de gaz à effet de serre dans l’atmosphère de la jeune Terre (qui n’avait pas encore de dioxygène). Mars qui est situé en dehors de la zone habitable telle que définie de manière simpliste a pourtant eu de l’eau liquide à sa surface grâce à une atmosphère bien plus épaisse qu’aujourd’hui. De plus, la définition usuelle ne prend pas en compte les océans liquides qui pourraient se cacher sous une surface gelée et être chauffés par l’intérieur (e.g., Encelade, un satellite de Saturne, pourrait être dans ce cas). Dans les atmosphères épaisses des planètes du Système Solaire (Vénus ou les 4 planètes géantes), il y a toujours une partie de l’atmosphère en altitude ou en profondeur avec une température clémente qui permettrait d’envisager le développement d’une certaine forme de vie, par exemple, bactérienne (mais rien n’est moins sûr). Il faut donc être attentif à la définition utilisée pour la zone habitable et prendre cette notion avec de grosses pincettes, mais il faut admettre que c’est très utile pour calculer des ordres de grandeurs, faire des choix pseudo-motivés, et discuter avec le grand public.
**Vous êtes en droit de vous demander : Pourquoi on veut de l’eau pour faciliter le développement de la vie ? Cela peut paraître à priori très anthropocentrique. C’est en effet un peu le cas mais pas que. La Terre est un cas particulier (ou unique ?) où la vie a pu se développer, donc il est bon de tester des modèles pour lesquels on est sûr que ça fonctionne avant de se lancer dans des hypothèses plus fantaisistes. De plus, il a été montré que l’eau est un bon solvant pour permettre de créer de plus grosses molécules (en particulier avec le carbone), nécessaires à la création des premières briques de la vie comme les protéines ou l’ARN. Enfin, pour le bon fonctionnement des cellules il faut absolument un solvant liquide pour permettre de « nourrir » les cellules et qu’elles puissent se déplacer à bon escient. L’eau est peut-être le seul liquide capable de faire cela. Pour le moment, il est impossible d’en être sûr. Il y a par exemple des lacs d’hydrocarbure liquide à la surface de Titan (éthane, méthane, voir Figure). L’ADN ou l’ARN ne peuvent pas survivre dans du méthane liquide mais des membranes peuvent se former et peut-être que d’autres formes de vie pourraient se développer. Il est très difficile de savoir quel mécanisme pourrait être à l’œuvre dans ces lacs d’hydrocarbures mais on a la chance d’avoir Titan à quelques encablures (à peine 1,5 milliards de km) de chez nous et de nombreux projets proposent d’aller voir ce qu’il s’y passe de plus près (sous-marins, drones, …).
Difficulté : ☆ Temps : 7 min
Comme on l’a vu précédemment, d’après l’étude de Bryson et al. (2021), il y aurait environ 4 planètes dans leur zone habitable autour de naines G ou K à moins de 10 pc de notre Soleil. Veuillez calculer le nombre de planètes potentiellement habitables autour de telles étoiles dans notre Galaxie.
[2 points]
Les études sur les exoplanètes ou dans notre Système Solaire sont une vraie aubaine pour raffiner nos connaissances, en particulier sur la présence de vie à l’extérieur de notre Système Solaire. Cependant, comme on l’a vu, la notion de zone habitable est quelque peu approximative, imparfaite et parfois fausse. S’il y a en effet de la vie dans les océans sous les surfaces gelées et/ou dans la haute atmosphère de planètes rocheuses (voir la dernière partie du cours), alors la notion de zone habitable n’a plus grand sens et l’on pourrait trouver de la vie même à grande distance d’une étoile, là où l’eau est pourtant glacée en surface. Les millions d’euros qui sont dépensés pour les missions en préparation qui cherchent à aller voir s’il y a de la vie sur Mars, Europe, Encelade ou Titan semblent, en effet, remettre en question la définition de zone habitable et tentent de montrer que la vie est plus universelle qu’on ne le croit. Auront-ils raisons ? Impossible à dire… Patientons !
Si notre concept de zone habitable est trop restrictif, il faudrait remplacer (le nombre moyen de planètes par système qui sont de type terrestre et capable d’abriter la vie) par le nombre de corps célestes (comme des planètes, lunes, comètes, astéroïdes, …) qui ont une atmosphère substantielle ou un solvant efficace en surface ou en dessous, qui sera bien plus grand que le originel. Dans le cas restrictif de zone habitable, on pourra prendre notre résultat comme étant une valeur inférieure.
4) : La fraction de ces planètes qui abritent de la vie au sens général du terme (e.g., bactérie, …)
Nous cherchons maintenant à voir ce que l’on peut dire de la fraction de planètes (ou lunes, astéroïdes, comètes, … que l’on inclura dorénavant dans notre nouvelle mouture d’équation) qui abritent la vie, aussi microscopique ou macroscopique soit-elle. Ce facteur est inconnu et les nouvelles missions dans notre Système Solaire cherchent à en savoir plus. La compréhension du développement des premières briques de vie sur Terre serait déjà d’une grande aide : mais même pour cela on ne sait pas grand-chose ! Les hypothèses les plus fréquentes sont que la vie a commencé dans de petites mares ou dans les profondeurs marines près de cheminées hydrothermales ou bien que la vie est arrivée de l’espace. De nombreux travaux essayent de voir quel chemin chimique pourrait être le plus à même de mener à la formation de protéines complexes, de l’ARN ou de l’ADN, mais il n’y a pas encore de voie fiable et de consensus dans la communauté scientifique. Ce que l’on sait, c’est que la vie a commencé tôt sur Terre, il y a entre 3.8 et 4.1 milliards d’années, i.e., quand la Terre n’avait que quelques centaines de millions d’années. L’examen de fossiles sur Terre montre qu’il y a 3,5 milliards d’années, il y avait déjà des microbes complexes faisant de la photosynthèse primitive, produisant du méthane ou le capturant, … Pour en arriver à ce stade d’évolution, la vie a due en effet commencer bien plus tôt.
Les observations astronomiques nous montrent que les molécules organiques sont présentes très tôt dans l’histoire de la formation planétaire. Par exemple, on en décompte déjà plus d’une centaine dans les nuages moléculaires jeunes qui vont ensuite former des étoiles et leurs cortèges de planètes. Il y a même des molécules prébiotiques (i.e. des précurseurs à la formation des premières briques de la vie : CH3NCO et HOCH2CN) qui ont été détectées prêt de protoétoiles (e.g., Ligterink et al. 2021). Il se pourrait donc que tous les ingrédients soient disponibles très tôt résultant seulement de la chimie naturelle. Les comètes et astéroïdes qui sont les restes de la formation planétaire montrent aussi la présence d’acides aminés. Par exemple, on a retrouvé 74 acides aminés différents dans la météorite Murchison qui s’est écrasée en Australie en 1974. Huit de ces acides aminés font partie de la biologie que l’on trouve sur Terre ! Comme l’eau sur Terre, on peut s’imaginer que la chimie organique provienne aussi des comètes et/ou astéroïdes, mais là encore, aucune certitude.
On peut aussi faire des expériences depuis chez nous, sans regarder le ciel ! Depuis la fameuse expérience d’Urey et Miller en 1952, on sait que la chimie complexe peut se développer à partir d’ingrédients relativement simples. Urey et Miller ont rempli des tubes à essais de molécules qu’ils supposent abondantes dans notre jeune Terre (l’eau, l’ammoniac, l’hydrogène et le méthane) et ont fait passer un courant électrique simulant des éclairs. Au bout de quelques jours, des acides aminés commençaient à s’accumuler dans le tube. L’expérience a été reprise de nombreuses fois avec différentes hypothèses et les conclusions sont toujours similaires. Par exemple, Sadownik et al. (2016) ont réussi à créer des molécules qui peuvent se reproduire à partir d’éléments chimiques simples. L’idée qui émerge de ces expériences en laboratoire est que le darwinisme pourrait être présent très tôt : les molécules entrent en compétition pour obtenir les ressources nécessaires à leur développement et les molécules qui s’en sortent le mieux peuvent se répliquer plus facilement. La réplication est parfois imparfaite comme on le voit par exemple avec l’évolution du virus du Covid-19 en une série de variants et cela amène à de l’évolution vers des systèmes parfois plus résistants.
Les missions spatiales de recherche de vie dans le Système Solaire pourraient aider à contraindre . Par exemple, si l’on découvre des bactéries sur Mars ou des satellites, il serait raisonnable de penser que est proche de 1 et que la chimie menant à des cellules autonomes n’est pas si rare. Dans le cas contraire, on pourrait penser que cette valeur est proche de zéro. Les missions spatiales prochaines les plus prometteuses sont celles en cours ou à venir sur Mars (e.g., Perseverance, ExoMars 2022, …), ou pour tenter de détecter la vie dans les plumes d’Encelade (projet de Breakthrough initiative en collaboration avec la NASA), ou des missions vers le satellite de Jupiter, Europe (Europa Clipper), qui pourraient à terme regarder s’il y a des restes de vie sur la surface gelée du satellite en provenance des retombées de geyser sur cette dernière (2025). Il est aussi prévu l’envoi d’un drone (de 450 kg, ou aérobot) en 2027 sur Titan (Dragon Fly, voir image) qui survolera plus de 150 km à la recherche de traces de vie (atterissage prévu en 2036). Rendez-vous en 2030-2040 pour tenter de contraindre de manière plus élaborée.
5) : La fraction des planètes abritant la vie qui a aussi une forme de vie avec une intelligence capable de transmettre des ondes radios, infrarouges ou des signaux optiques.
Là aussi, on a très peu d’aide pour quantifier de manière fiable. Certains pensent que les vies technologiques intelligentes sont très rares car par exemple sur la Terre, bien qu’elle ait abrité des milliards d’espèces, une seule répond à la définition. De plus, certains argumentent qu’il a fallu l’extinction des dinosaures il y a 65 millions d’années (suite à un impact d’astéroïdes) pour que cela se produise. Notez que ce dernier argument ne tient pas forcément la route. Il est vrai que les mammifères n’auraient pas pu autant proliférer si les dinosaures avaient survécus, mais peut-être qu’une espèce de dinosaures aurait pu évoluer vers des sociétés collectives avec des individus ayant de plus gros cerveaux et pouvant construire des choses (car il paraît nécessaire de pouvoir interagir avec son environnement pour pouvoir avoir un impact et faire évoluer une technologie). Par exemple, les droméosauridés avaient de gros cerveaux pour leur taille et des avant-bras qui pouvaient saisir leurs proies. Ils sont apparus tard dans l’évolution des dinosaures mais peut-être que leurs bras auraient pu encore évoluer pour être capable de fabriquer des outils. Il y a aussi le Stenonychosaurus qui était plus petit qu’un humain mais avec un cerveau 6 fois plus gros que celui du crocodile avec des mains primitives. Peut-être qu’une de ces espèces auraient pu évoluer de manière à devenir intelligente au sens technologique du terme. Qui aurait parié sur les mammifères à cette époque ? Personne !
Il est vrai qu’il n’y a aucune autre espèce sur Terre qui ait évolué avec nous pour aussi produire de la technologie aujourd’hui (à part peut-être l’homme de Néandertal qui était bien parti mais qui a eu une fin tragique il y a quelques dizaines de milliers d’années). On peut par contre s’imaginer que si l’on venait à disparaitre, cela créerait de la place pour une autre espèce qui serait à même d’évoluer dans ce sens et de nous remplacer en quelques millions d’années. Les dauphins, baleines, ou oiseaux seraient de potentiels challengers mais la vie sous-marine crée peut-être des difficultés pour évoluer vers une civilisation technologique, ou alors le manque de pouvoir de préhension pourrait aussi poser problème. Frank Drake et Philipp Morrison ont proposé que les ratons-laveurs (voir image) pourraient être prometteurs pour prendre notre place. Ils sont omnivores, ont des mains agiles, ils chassent en groupe et présentent déjà de grands signes d’intelligence et d’adaptation (ils ont la plus grande densité de neurones du cortex cérébral des omnivores, environ 10 fois plus basse que la nôtre). L’expérience est difficile à réaliser bien que le changement climatique pourrait aider !
6) : La fraction de ces espèces intelligentes qui essayent de communiquer avec la Terre au moment des observations
Voyons maintenant comment estimer la fraction des espèces capables de communiquer avec la Terre et qui le font à un moment t. Il faut déjà bien voir qu’il peut y avoir des extraterrestres capables de communiquer avec la Terre mais qui ne le font pas car ils ne sont pas curieux, trop timides, ont des problèmes budgétaires, ont renoncé après moult échecs, ou même parce que leur religion (ou la tête de leur groupe) l’interdit, … Cela réduit drastiquement la valeur potentielle de , ce qui n’est pas pris en compte dans l’équation originelle de Drake. Il y a aussi la théorie de la forêt noire qui stipule que certains extraterrestres préfèrent se cacher une fois qu’ils sont technologiquement compétents pour éviter d’être attaqués par des (exo-)comparses plus évolués. Dans ce cas, on s’attend en effet à ce qu’il n’y ait aucune émission radio ou laser en provenance de ces étoiles et on peut aussi imaginer que ces derniers cachent même leur étoile hôte pour être totalement invisible depuis l’extérieur. On voit donc que ce facteur regorge de complications. Imaginons aussi qu’il faut être bien coordonné, i.e., si nous écoutons une étoile 10 minutes tous les 10 ans et que l’étoile en question n’émet vers nous que 5 minutes tous les cinq ans alors la probabilité de se croiser est très faible (à moins que les émetteurs extraterrestres aient la puissance pour émettre partout, tout le temps, ce qui requiert beaucoup d’énergie…).
D’un autre côté, il se peut que l’on détecte des signaux de présence de vie sans que ceux-ci aient été émis intentionnellement, ce qui aurait pour effet d’augmenter . Par exemple, on pourrait détecter des forêts, ou des lumières artificielles, ou des espèces chimiques en fort déséquilibre, ou des lasers qui servent à propulser des vaisseaux interstellaires, ou des structures qui émettent beaucoup d’énergie ou qui orbitent l’étoile centrale (e.g., sphère de Dyson ou des structures non naturelles comme des triangles ou autres formes géométriques, …). Ces technosignatures sont peut-être plus fréquentes qu’une communication intentionnelle ?
On pourrait donc remplacer le facteur par un facteur qui prendrait en compte ces technosignatures et donc serait la probabilité de détecter des civilisations avec une technologie poussée dans un certain champ donné de télescope. Des télescopes spatiaux fonctionnant en interférométrie dans l’optique seraient, par exemple, capables dans le futur de voir des lumières artificielles créées par les villes.
7) : La durée pendant laquelle la communication vers la Terre subsiste. Ou, de manière alternative, la durée de vie moyenne d’une civilisation extraterrestre.
est peut-être le paramètre le plus difficile à fixer car on ne le connait même pas dans le cas de notre civilisation, alors c’est difficile de le déduire pour les autres. Certains ont quand même tenté de mettre des chiffres sur cette valeur. Pendant la guerre froide, avec la vision pessimiste de l’essor et de l’usage des bombes atomiques, certains ont mis une valeur de ans. Certains pourraient aussi essayer de fixer cette valeur aux vues des dégradations environnementales, de la perte de biodiversité et surtout du changement climatique. Mais il y a aussi des optimistes qui défendent l’idée que l’humain s’adapte toujours et qu’il y a une constante marge de progression sur tous les domaines et que doit être très grand. Il est aussi possible que les autres civilisations ne soient pas aussi « sauvages » et « territoriales » que les humains et donc que soit plus grand pour eux que pour nous. Comme on l’a vu précédemment, les extraterrestres n’ont peut-être pas pour ambition d’envoyer des signaux (peut-être écoutent-ils paisiblement ?) mais cela ne veut pas dire qu’ils n’envoient pas des technosignatures que l’on peut détecter, et donc devrait plutôt être la durée pendant laquelle une civilisation est détectable par n’importe quel moyen. Peut-être aussi qu’il existe des civilisations de machines intelligentes qui peuvent s’auto-répliquer et/ou que des sondes pourraient subsister dans l'espace et continuer d'émettre même après l’extinction de la civilisation qui leur a donné naissance. Dans ce cas, n’a pas de sens. Mais, on peut se demander si ce type de civilisations « dans le cloud » rentre dans la définition de de l’équation de Drake ? Notez aussi qu’avec notre nouvelle définition de , qui se transforme en , n’a plus de sens. Cela pourra vous être utile pour l’exercice qui suit.
Difficulté : ☆☆ Temps : 20 min
Nous allons nous appuyer sur tout ce que l'on a appris lors de ce chapitre sur l'équation de Drake pour montrer où l'on en est aujourd'hui concernant la solution de cette dernière.
Si vous avez bien lu tout le chapitre, vous pouvez maintenant écrire une équation de Drake reformatée, prenant en compte nos nouvelles connaissances et corrigeant quelques légèretés historiques.
[3 points]
On va maintenant arbitrairement fixer (le nombre d’objets dans un système solaire qui abritent la vie) car sinon, SETI n’aurait pas de sens et cette quête serait vaine. On peut aussi voir que est maintenant inclus dans car si une civilisation a une technologie trop faible qui ne peut pas être détectée, alors cette civilisation est équivalente à un troupeau de brebis, i.e., leur technologie n’est pas suffisante pour être comptée et, si c’est suffisant, alors c’est déjà inclus dans . Aux vues des discussions sur , et si ça n’est pas déjà fait, on peut aussi le sortir de l’équation car n’est pas forcément corrélé à et peut être redondant avec . Écrire l’équation réduite que l’on obtient et commenter.
[2 points]
A la vue de cette équation simplifiée, pensez-vous que l’on puisse déterminer , i.e, le nombre de civilisations extraterrestres avec une technologie telle qu’on soit capable de les détecter depuis la Terre ?
[1 points]
Pensez-vous que l’équation de Drake soit utile finalement ?
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Votre appétit pour SETI a peut-être grandi lors de votre lecture de la partie précédente sur l’équation de Drake. Voyons maintenant quelques efforts récents menés en relation avec SETI. On va s’appuyer sur un article de revue par Jason Wright en 2021.
SETI au 21ème siècle, c’est d’abord des observations qui continuent. En 2020, il y a eu moult recherches en radio (à quelques GHz de fréquence) en pointant les radiotélescopes de GreenBank, et Parkes sur 1300 étoiles (Price et al. 2020). Il y a aussi des observations qui sortent de l’ordinaire, où l’on regarde la zone de transit de la Terre, i.e., les étoiles qui voient la Terre transiter devant notre Soleil, en espérant que ces derniers puissent nous détecter et donc soit plus enclins à nous envoyer des signaux (Sheikh et al. 2020). Il y a aussi les observations avec le télescope SETI home-made (appelé ATA) où les observateurs ont ré-exploré le champ du signal Wow ! : ce signal de 72s montré sur la figure ci-contre a été détecté le 15 août 1977 par le radiotélescope « The Big Ear » aux États-Unis – il n’y a pas encore de consensus sur l’origine du signal et l’hypothèse extraterrestre n’est pas encore totalement exclue. Plus de 100 h d’observations ont été dédiées à la recherche de répétitions de ce signal (qui est encore à ce jour le meilleur candidat potentiel). Toutes ces observations permettent d’avoir des valeurs supérieures de signaux extraterrestres sans avoir de détections concrètes pour le moment. Hippke (2020) a étudié l’hypothèse que le fond diffus cosmologique pourrait avoir été placé de manière intentionnelle au début de l’apparition de l’Univers en cherchant un message caché dans le signal.
SETI est aussi en train de développer de nouvelles technologies. La plus prometteuse est peut-être Pano-SETI qui va scanner tout le ciel en optique à la recherche de pulses lasers brefs (Brown et al. 2020). Le projet avance et les premiers télescopes tests ont vu le jour. Cela va permettre de scanner un espace des paramètres encore inexploré en termes de longueurs d’ondes et de timing. Comme les informations peuvent être plus condensées dans un signal optique, peut-être que cette utilisation est plus commune pour transmettre des messages ?
Il y a aussi maintenant le projet « Breakthrough initiatives » qui vient s’ajouter à SETI. C’est un projet en majeur partie financé par Yuri et Julia Milner qui est divisé en cinq sous-parties. 1) Breakthrough Listen dans lequel seront injecté 100 millions de dollars sur 10 ans pour chercher des signaux radios ou lasers en provenance d’un million d’étoiles. 2) Breakthrough message qui cherche à créer le meilleur message qui représente l’humanité et pourrait à terme être envoyé dans l’espace. 3) Breakthrough StarShot (co-fondé avec Mark Zuckerberg) qui prétend envoyer des myriades de sondes à voile solaire (voir Figure) vers les étoiles les plus proches à 20% de la vitesse de la lumière (coût : 100 millions de dollars). Chaque sonde ne pèserait que quelques grammes et ferait quelques centimètres. L’idée est d’envoyer environ un millier de sondes vers la même étoile à chaque lancement pour optimiser les chances. Chaque sonde disposant de ~5 caméras pourra retourner des images (un fly-by de la planète autour de Proxima Centauri est aussi prévu pour espérer résoudre quelques inhomogénéités de surface de la planète). Les sondes seraient propulsées par des lasers de 100 GW qui enverraient des photons énergétiques sur des voiles de quelques dizaines de mètres carrés pour les projeter à grande vitesse. 4) Breakthrough Watch qui souhaite caractériser les planètes rocheuses autour d’Alpha Centauri et d’autres étoiles proches. 5) Breakthrough Enceladus Mission explore l’idée d’envoyer une sonde vers Encelade (lune de Saturne) en partenariat avec la NASA pour rechercher des traces de vie dans son océan liquide situé sous sa surface glacée.
Difficulté : ☆ Temps : 15 min
Dans le projet « Breakthrough StarShot » listé ci-avant, il est évoqué l’envoi de sondes solaires se déplaçant à 20% de la vitesse de la lumière. Parlons un peu de cela...
Veuillez calculer combien de temps il faudrait pour atteindre l’étoile la plus proche de nous ?
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Il est prévu que les sondes prennent quelques photos (avec des caméras de 2 Mpx). Combien de temps après les prises recevront nous les données sur Terre ?
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Pensez-vous qu’il soit possible de mettre en orbite ces sondes solaires autour du système d’Alpha du Centaure (qui comprend l’étoile Proxima Centauri autrement appelée Alpha Centauri C) ?
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Plutôt que de pousser les sondes solaires à l’aide de lasers énergétiques qui ont un gros coût énergétique et environnemental, ne peut-on pas envisager une solution « plus naturelle » et meilleure pour la planète ?
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Pensons au cout énergétique de tels vaisseaux. Supposons que les voiles aient une masse d'environ 1g. Quelle est l'énergie (cinétique) nécessaire pour envoyer 1000 sondes à 20% de la vitesse de la lumière pour optimiser nos chances de réussite ?
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La quête de la vie dans notre système solaire se fait de plus en plus pressante, notamment pour répondre à la question plus générale de savoir s’il y a de la vie intelligente ailleurs dans l’Univers. Par exemple, récemment, il y a eu une annonce fracassante dans les médias concernant la potentielle présence de vie dans l’atmosphère de notre voisine Vénus. Qu’en est-il vraiment ? Nous allons passer en revue les résultats scientifiques de quelques études menées sur le sujet et vous allez ensuite conclure par vous-même quant à la possible présence de vie sur Vénus.
La communauté scientifique s’interroge beaucoup sur cette nouvelle publication qui présente une détection de Phosphine dans les nuages de Vénus. Est-ce réel, et si ça l’est, est-ce que cela veut effectivement dire qu’il y a de la vie sur Vénus ?
Rappelons que Vénus est la deuxième planète en partant du Soleil, située à 0.72 UA, entre Mercure et la Terre. C’est une planète tellurique comme la Terre mais son atmosphère est 90 fois plus massive et composée à 96% de CO2. L’effet de serre y est très puissant et la température moyenne à sa surface est d’environ 464 degrés Celsius (737 K). Il fait plus frais dans les nuages qui peuvent atteindre des températures tempérées à une altitude entre quelques dizaines et 100 km. Mais n’oublions pas que le composé majoritaire des nuages est l’acide sulfurique, ce qui à priori ne paraît pas commode pour le développement de la vie. Cependant, ne soyons pas trop anthropocentrique et avançons plus loin. Il est vrai qu’à priori on ne s’attendrait pas à de la vie sur Vénus à cause de la chaleur étouffante mais plutôt sur Mars. En effet, la vie aurait pu y être présente dans le passé quand la planète était riche en eau, et c’est ce que compte aussi analyser le Rover Perseverance avec, e.g., l’instrument SuperCam que l’on a vu atterrir le 18 février 2021 dernier dans le delta martien du cratère Jezero. La gravité sur Vénus est très similaire à celle sur Terre car rappelons que Venus et la Terre sont très ressemblantes en termes de masse et rayon (presque jumelles).
Maintenant que les bases sont posées, je vous invite à consulter la figure ci-contre pour voir les résultats de la première étude qui est parue sur le sujet de la Phospine dans Vénus.
Sur la figure, on voit deux spectres (en noir) centrés sur une longueur d’onde proche de 1.123 mm obtenus avec - à gauche : le télescope James Clerk Maxwell en juin 2017 (JCMT situé à Hawaï à 4 km d’altitude) et – à droite : avec ALMA en mars 2019 (un ensemble d’environ 66 antennes situé à 5 km d’altitude dans le désert d’Atacama au Chili). Sans rentrer dans les détails, on voit qu’il y a l’air d’y avoir une chute du signal quand on se rapproche de 0 km/s sur l’axe des abscisses. Le rayonnement qui provient des couches profondes de Vénus que l’on observe dans le millimétrique semble partiellement absorbé à la longueur d’onde d’observation, proche de 1.12 mm. Cette absorption serait créée par un composé gazeux qui se situerait dans la haute atmosphère de Vénus et qui capterait les photons qui devraient, sinon, arriver jusqu’à nous.
Les auteurs de l’étude (Greaves et al. 2020) concluent que l’absorption est située au même endroit que la raie de phosphine (plus spécifiquement la raie de transition rotationnelle PH3 1-0 à 1.123 mm) et que ça doit donc être de la phosphine qui est dans la haute atmosphère de Vénus et qui crée ce signal en absorption. Les auteurs concluent aussi qu’il doit y avoir environ 20 molécules de phosphine par milliard de molécules (souvent écrit 20 ppb) d’air vénusien (en majorité du CO2) au-delà de 55 km d’altitude dans l’atmosphère de Vénus. La phosphine est détruite rapidement dans la haute atmosphère de Vénus (quelques heures) en interagissant avec les rayons UV provenant du Soleil et il faut trouver un mécanisme qui puisse en produire de manière durable pour expliquer cette détection (par exemple sur Terre, la phosphine est produite industriellement et est employée dans la composition des pesticides). On peut alors calculer qu’on a besoin d’un taux de production de molécules de phosphine par cm2 et par seconde pour obtenir 20 ppb de phosphine au-delà de 55 km. On peut en déduire le taux de production global de phosphine sur Vénus et on obtient ~3 kg/s ou tonnes/an.
Un autre papier par l’équipe des découvreurs (Bains et al. 2020) explique que la phosphine ne peut être produite à ce niveau de 20 ppb sans faire appel à des processus non-conventionnels comme par exemple de la vie microbienne dans les nuages de Vénus à haute altitude (55 km) où la température est plus clémente.
Suite à ces deux articles, la communauté scientifique s’est montrée quelque peu sceptique quant à la véracité de la détection de phosphine et son attribution potentielle à des formes de vie. De nombreux papiers ont fait état de certains doutes et nous allons en voir quelques-uns maintenant.
Il y a eu le papier de Villanueva et al. qui a été soumis directement au journal qui avait publié les résultats de Greaves et al. (Nature Astronomy) comme une réfutation des résultats (dont le titre est : « Pas de Phosphine dans Vénus », ce qui donne le ton). Ils montrent trois choses importantes : 1) Une raie de SO2 (un composant que l’on sait être présent en grande quantité dans les nuages de Vénus) est très proche de la raie de phosphine et la résolution spectrale des instruments utilisés ne permet pas de totalement les séparer, ce qui peut amener à de la contamination par le SO2 à la longueur d’onde d’observation. Ils vont encore plus loin et montrent que l’on peut en fait expliquer l’observation du JCMT en mettant 100 ppb de SO2, une quantité qui semble plausible aux vues d’observations précédentes qui montrent que le taux de SO2 peut atteindre 1000 ppb par endroit sur Vénus. 2) Si c’est vraiment de la phosphine, alors elle ne peut pas être à 55 km comme indiqué dans le papier originel mais doit se situer au-delà de 70 km (i.e., au-delà des nuages), ce qui pose alors de gros problèmes pour produire une telle quantité de phosphine alors que le taux de destruction devient beaucoup plus élevé car il y a encore moins de protection vis-à-vis des photons UV solaires. 3) Après une nouvelle analyse des données ALMA, Villanueva et al. arrivent au spectre bleu dans la figure de droite ci-contre.
Sur le spectre de droite corrigé par Villanueva et al., on ne voit plus d’absorption vers 0 km/s et la raie de phosphine qui produirait 20 ppb (en rouge) ne colle donc plus du tout aux données. La courbe en vert montre le nouveau niveau potentiel de SO2 qui pourrait expliquer les données (i.e. 100 ppb). Le niveau de SO2 semble cohérent avec les nouvelles données. C’est clairement une limite supérieure de SO2 que l’on obtient et non une détection.
Les auteurs d’une autre étude (Encrenaz et al.) ayant comme première auteure une astronome de l’Observatoire de Paris ont cherché une raie de phosphine à une autre longueur d’onde en utilisant un observatoire Hawaïen (dans l’infrarouge vers 10 microns plutôt que dans le millimétrique) pour pouvoir mettre une limite supérieure sur la quantité de phosphine grâce à cette nouvelle raie. Ils trouvent qu’il ne peut pas y avoir plus de 5 ppb de Phosphine sinon ils auraient détecté une raie dans l’infrarouge (et ils n’en détectent pas !).
Tout cela a poussé les auteurs de l’étude originelle à revoir leurs analyses initiales. Ils ont publié un nouveau papier revoyant leurs prédictions à la baisse. Il y aurait finalement 1 ppb de Phosphine plutôt que 20 ppb d’après les données ALMA. Ceci est plus en accord avec les résultats infrarouges et pourrait aussi être expliqué par des phénomènes naturels tels que la production de Phosphine par du volcanisme et/ou des éclairs sans faire appel à une vie microbienne.
Difficulté : ☆ Temps : 13 min
Qu’est-ce que l’aventure de la Phosphine sur Vénus montre sur le processus scientifique de revue par les pairs et la possibilité de mettre en doute de nouveaux résultats ?
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Une autre étude par Lincowski et al. (Février 2021) confirme qu’il semble en effet plus probable que les observations montrent en fait une raie de SO2 plutôt que de la phosphine. Un nouvel article de Snellen et al. montre que l’absorption de phosphine vue sur le spectre ALMA serait simplement un faux positif dû à la méthode utilisée pour extraire le signal (ajustement et soustraction des données avec des polynômes de degrés 12). Encore plus récemment, Thompson montre que cela pourrait aussi être le cas pour le spectre JCMT. Que pensez-vous alors de cette annonce fracassante de détection de phosphine potentiellement liée à une forme de vie microbienne ?
Les chercheurs sont encore en train de travailler sur le sujet. Comment pourrait-on aller encore plus loin et mettre toutes les parties d’accord alors que les observateurs originels maintiennent leur position (néanmoins après quelques ajustements non négligeables) et que la majorité des chercheurs semble toujours en désaccord ?
Cette épopée semble faire écho à ce qu’il se passe aussi avec 1I/ʻOumuamua, un objet interstellaire qui a traversé notre système solaire en 2017 et qui est affiché comme étant potentiellement une sonde extraterrestre (par exemple d’après le livre récemment publié par Dr. Loeb, chercheur à Harvard). Pouvez-vous en dire plus sur 1I/ʻOumuamua, cette polémique, et donnez votre avis ?
Tout ce chapitre montre bien que la recherche de vie va être épineuse et qu’il va falloir s’armer de patience et vérifier les résultats par plusieurs méthodes indépendantes avant de donner des confirmations objectives. Même si l’on reçoit la valeur de π jusqu’à sa centième décimale dans un signal radio ou un pulse laser, il faudra quand même être sûr de la provenance et que cela ne peut pas être le fruit du hasard (ça parait très difficile mais il faudra se poser la question et ne pas verser dans le non-scientifique et dans les théories du complot). A très bientôt pour de nouvelles découvertes !
pages_drake/exo1drake.html
Une sphère complète mesure 4π steradian. Convertir ceci en deg2.
Il faudra passer d’arcmin2 en deg2 pour pouvoir répondre grâce au point précédent.
pages_drake/exo2.html
Prendre en compte la taille de notre Galaxie et extrapoler sa surface totale.
pages_drake/exo3.html
Relire chaque sous-chapitre associé à chaque paramètre pour voir si l’on recommande une adaptation basée sur des résultats de recherche récents ou si on recommande de fixer la valeur.
pages_drake/exo5.html
La pression de rayonnement des photons peut accélérer ou décélérer les sondes.
Pensez au Soleil...
L'énergie cinétique ne dépend que de la masse et de la vitesse.